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Exploration lointaine

DART : premier test mondial de déviation d’un astéroïde pour la Défense Planétaire

DART, ou Double Asteroid Redirection Test, est une mission test de la NASA qui doit aller percuter la lune d’un astéroïde dans le cadre du projet de Défense Planétaire. C’est le premier test mondial de déviation d’un astéroïde.

La sonde DART lors de la mise sous coiffe avant son lancement
(crédit : NASA/Johns Hopkins APL/Ed Whitman)

DART est une petite sonde qui a décollé le 24 novembre 2021 depuis la base de Vandenberg en Californie à bord d’une Falcon 9. Le lanceur l’a placé sur une orbite d’échappement de la gravité terrestre pour un voyage de moins d’un an vers l’astéroïde Didymos et son compagnon Dimorphos.

La mission en résumé, en vidéo :

La menace des astéroïdes géocroiseurs

Il existe un grand nombre d’astéroïdes dans le Système Solaire, dont la majeure partie (plus de 98%) est concentrée dans la ceinture principale située entre les orbites de Mars et de Jupiter. Parfois, sous l’influence de la gravité d’objets plus gros, ils quittent leurs orbites habituelles, volant vers la Terre. Les astéroïdes de plus de 150 mètres de diamètre, qui peuvent s’approcher de la Terre à une distance inférieure à 7,5 millions de km, sont considérés comme des objets potentiellement dangereux. On les appelle des géocroiseurs ou Near-Earth Objects (NEO), ou Near-Earth Asteroid (NEA) [lire aussi Les astéroïdes : une vraie menace ? ].

La NASA a créé le Near-Earth Object (NEO) Observations Program pour recenser ces objets géocroiseurs. En Europe, l’ESA possède son Bureau de Défense Planétaire avec un centre de coordination des NEO, le Near-Earth Objects Coordination Centre ou NEOCC.

Il y a actuellement 1132938 astéroïdes dont on connaît bien les paramètres orbitaux et 29832 sont des NEA.

Il y a actuellement 1416 astéroïdes dans la liste des NEA pour lesquels une probabilité d’impact non nulle avec la Terre a été calculée.

N’oublions pas qu’il y a environ 66 millions d’années, un objet large de 10 kilomètres estimés a frappé la Terre au large de la péninsule du Yucatan, est probablement à l’origine de la disparition des dinosaures. En 2013, un petit astéroïde d’environ 20 mètres de large a explosé près de Cheliabinsk, en Russie, blessant 1 500 personnes et endommageant 7 200 bâtiments dans six villes [lire Météorite de Chelyabinsk].

Évaluer la menace posée par les astéroïdes ou d’autres objets proches de la Terre (NEO) qui se rapprochent de la Terre pendant leur orbite autour du Soleil est un processus complexe. À l’ESA, les scientifiques et les ingénieurs du centre de coordination NEO de l’Agence en Italie tiennent compte d’une série de facteurs permettant de déterminer si un astéroïde présente un risque. Il s’agit notamment de la trajectoire, de la taille, de la masse estimée et de la composition de l’objet, entre autres facteurs. Certains astéroïdes sont très gros et causeraient d’énormes destructions s’ils devaient frapper la Terre, mais leur population estimée dans notre système solaire est plutôt petite et plus de 90% d’entre eux auraient été découverts. Aucun de ceux-ci ne présente de risque d’impact. Certains sont très petits, inférieurs à 10 m de diamètre, et seule une infime fraction de la population estimée de ceux-ci a été découverte, mais tout impact serait inoffensif. Le principal défi provient de la population d’objets de taille moyenne, allant de dizaines à des centaines de mètres de diamètre. Il y a beaucoup de ces astéroïdes, et la plupart n’ont pas encore été repérés. Tout impact de l’un d’eux pourrait vraiment endommager une ville ou une zone peuplée. Mais s’ils sont découverts assez tôt, leur point d’impact pourrait être estimé avec une bonne précision, et des mesures pourraient être prises pour protéger les gens (crédit ESA, CC BY-SA 3.0 IGO)

DART pour déterminer comment détruire ou dévier les NEA

Dans le cadre de la Défense Planétaire, la NASA et l’ESA travaillent sur plusieurs domaines dont la mission DART n’en ait qu’un des contributeurs [je parlerai un jour des autres sujets dans d’autres articles].

DART est un test de la capacité à obtenir un impact cinétique sur un astéroïde et à observer la réponse de l’astéroïde. Après l’impact de DART avec son astéroïde cible Dimorphos, une équipe de chercheurs mesurera à quel point l’impact a changé le mouvement de l’astéroïde dans l’espace à l’aide de télescopes terrestres et spatiaux.

Infographie montrant l’effet espéré de l’impact de DART sur l’orbite de Dimorphos (original orbit => new orbit) (crédit: NASA/Johns Hopkins APL)

Les résultats de cette démonstration pourraient grandement contribuer à déterminer comment les agences spatiales peuvent protéger la planète des astéroïdes à risque pour la Terre : les détruire ou les dévier avant qu’ils ne génèrent des destructions importantes sur Terre.

DART en détails

DART a été développé par l’APL (Applied Physics Laboratory) de l’Université Johns Hopkins.

La structure principale du vaisseau spatial est une boîte avec des dimensions d’environ 1,8 mètre de large, 1,9 mètre de long, et 2,6 mètres de haut. Le vaisseau spatial possède deux très grands panneaux solaires qui, lorsqu’ils sont entièrement déployés, mesurent chacun 8,5 mètres de long. La masse totale était d’environ 610 kg au lancement et sera d’environ 570 kg à l’impact. DART transporte à la fois un propulseur à l’hydrazine (environ 50 kg de carburant) pour les manœuvres et le contrôle d’attitude, et du xénon (environ 60 kg) pour faire fonctionner le moteur de démonstration de la technologie de propulsion ionique NEXT-C.

Illustration des différentes technologies embarquées sur DART (crédit: NASA/Johns Hopkins APL)

La charge utile DART se compose d’un seul instrument, la caméra de navigation DRACO (Didymos Reconnaissance and Asteroid Camera for Optical). DRACO est un imageur haute résolution dérivé de la caméra LORRI de New Horizon. La caméra va permettre la navigation de la sonde, servira pour mesurer la taille et la forme de l’astéroïde cible, pour déterminer le site d’impact et le contexte géologique. DRACO est un télescope à angle étroit avec une ouverture de 208 millimètres et un champ de vision de 0,29 degré. Les images acquises par DRACO avant l’impact cinétique seront retransmises sur Terre en temps réel.

DART est aussi une démonstration technologique financée par la NASA embarquant de nouvelles technologies dans l’espace lointain.

  • Dans le cadre du système GNC (Guiding, Navigation, Control), l’équipe DART a développé des algorithmes appelés SMART Nav pour un système de navigation optique autonome qui identifiera et distinguera les deux corps de Didymos puis, en collaboration avec les autres éléments GNC, dirigera la sonde vers le corps le plus petit, Dimorphos, le tout dans environ une heure avant l’impact.
  • DART utilisera le système NEXT – C, un système de propulsion ionique développé par le NASA Glenn Research Center et Aerojet Rocketdyne. NEXT-C est un système de propulsion électrique à énergie solaire, utilisant un moteur ionique au xénon offrant des performances améliorées (impulsion et débit spécifiques plus élevés), une efficacité énergétique et une flexibilité opérationnelle par rapport aux systèmes de propulsion ionique pilotés lors de la précédente mission planétaire de la NASA, Dawn et Deep Space 1.
  • Utilisés sur la Station spatiale internationale, les panneaux solaires ROSA (Roll-Out Solar Array ou RLSA) fournissent une forme compacte et une masse réduite au lancement. DART est la première sonde à embarquer ses nouveaux panneaux.
  • En utilisant ROSA comme structure, une petite partie du panneau solaire de DART embarque la technologie du Transformational Solar Array, qui a des cellules solaires à très haut rendement et des concentrateurs réfléchissants fournissant trois fois plus d’énergie que la technologie actuelle. Cette technologie permettrait de réduire la taille des panneaux solaires. “Avec cette capacité, les futures missions vers Jupiter et au-delà pourraient ne pas nécessiter de sources d’énergie nucléaire coûteuses pour l’électricité, ce qui pourrait finalement réduire le coût global des futures missions” selon l’APL.

Le 12 septembre dernier, DART a déployé un CubeSat nommé LICIACube (Light Italian Cubesat for Imaging of Asteroids).

Illustration du déploiement de LICIACube de DART (crédit ASI)

Construit par l’Agence spatiale italienne (ASI), l’objectif de LICIACube est d’observer l’impact de DART, le panache qu’il génère et éventuellement le cratère résultant. Il le fera à une distance d’environ 50 kilomètres en utilisant deux caméras nommées LUKE et LEIA.

LICIACube est basé sur une plate-forme 6U développée par Argotec qui accueillera deux instruments :

  • LEIA (LICIACube Explorer Imaging for Asteroid), une caméra panchromatique à champ étroit pour acquérir des images à longue distance avec une haute résolution spatiale.
  • LUKE (LICIACube Unit Key Explorer), une caméra RVB à champ large, permettant une analyse multicolore de l’environnement astéroïde.

Les débits de communications étant lents entre le cubesat et la Terre, nous n’aurons pas de données avant des mois.

LICIACube est placé dans son déployeur sur le satellite DART (crédit : ARGOTEC)

La cible de DART

Représentation de l’astéroïde Didymos et son compagnon Dimorphos (crédit NASA)

L’astéroïde (65803) Didymos et sa lune Dimorphos sont situés à 11 millions de km de la Terre. Dimorphos est une roche mesurant seulement 160 m de long, en orbite autour de Didymos, qui ne mesure lui-même que 780 m (taille entre Ryugu et Bennu).

Infographie des tailles comparées de DART et Didymos (crédit NASA/Johns Hopkins APL)

Didymos et Dimorphos sont relativement petits et DART se déplace rapidement à une vitesse importante de 6,6 kilomètres par seconde. C’est pourquoi nous n’avons pas d’images très précises du système binaire à quelques heures de l’impact.

Cette image de la lumière de l’astéroïde Didymos et de sa petite lune en orbite Dimorphos est un composite de 243 images prises par la caméra de reconnaissance pour la navigation optique (DRACO) le 27 juillet 2022 de la mission DART à une distance d’environ 20 millions de kilomètres (crédits : NASA JPL DART Navigation Team)

Plusieurs corrections de trajectoire sont effectuées au cours du voyage de DART vers sa cible, chacune réduisant la marge d’erreur pour la trajectoire requise de la sonde pour l’impact. Après la manœuvre finale du 25 septembre, environ 24 heures avant l’impact, l’équipe de navigation connaîtra la position de la cible Dimorphos à moins de 2 kilomètres. De là, DART sera seul pour se guider de manière autonome vers sa collision avec Dimorphos.

Quand DART impactera Dimorphos ?

Après 10 mois de voyage, DART devrait entrer en collision délibérément avec Dimorphos à une vitesse d’environ 28 200 km/h le 26 septembre à 23h14 UTC.

En voyageant à la vitesse de la lumière, il faudra 38 secondes pour que les transmissions finales de DART atteignent la Terre après avoir parcouru environ 11 millions de kilomètres.

Quatre heures avant l’impact, la caméra DRACO commencera à alimenter en images les algorithmes de navigation appelés SMART Nav. SMART Nav doit trouver Dimorphos et diriger DART de manière autonome vers l’impact.

 Infographie montrant des images simulées de ce que DART devrait voir dans ses derniers moments (crédit : NASA)

Ces images seront diffusées sur Terre à raison d’environ une par seconde. Bien que le détecteur DRACO mesure 2560 x 2160 pixels, les images sont traitées et compressées à seulement 512 x 512 pixels afin que DART puisse les envoyer à un rythme rapide.

A suivre en direct sur NASA TV.

Les antennes du monde entier et la communauté scientifique internationale mobilisées

Les antennes de suivi dans l’espace profond, Deep Space, de la NASA et de l’ESA sont mises à contribution depuis plusieurs mois pour suivre la trajectoire de la sonde. Un triangle géographique sur Terre a été constitué par l’antenne Deep Space de 35 mètres de l’ESA en Argentine et les antennes DSN de la NASA en Australie et en Californie. Le suivi simultané depuis chaque emplacement permet une détermination extrêmement précise de l’emplacement de DART, de son orientation et de sa vitesse. Cette méthode de suivi est connue sous le nom de Delta-DOR (delta – Gamme unidirectionnelle différentielle). Les antennes reçoivent également des rapports de l’état de la sonde.
Au cours des dernières heures de la vie de DART, la sonde enverra sur Terre un flux constant d’images à travers ces antenes.

Le réseau de stations au sol Estrack de l’ESA est mis à contribution lors du premier test mondial de déviation des astéroïdes.

Cette mission engage la communauté scientifique planétaire internationale pour l’observation de la déviation généré par l’impact de DART sur Dimorphos

De la Terre, Didymos et Dimorphos ressemblent à un seul point de lumière. Ce point de lumière fluctue lorsque les deux astéroïdes passent l’un devant l’autre. Cela permet aux astronomes de mesurer l’orbite de Dimorphos autour de Didymos.

Dans la nuit du 7 juillet 2022, le télescope Lowell près de Flagstaff, Arizona, a capturé une séquence dans laquelle l’astéroïde Didymos (rond rouge) se déplace dans le ciel nocturne. La séquence est accélérée d’environ 900 fois. Les scientifiques ont utilisé cette observation et d’autres de la campagne de juillet pour confirmer l’orbite de Dimorphos et l’emplacement prévu au moment de l’impact de DART (crédit : Lowell Observatory / N. Moskovitz)

L’impact de DART devrait réduire le temps nécessaire à Dimorphos pour tourner autour de Didymos en environ 11,9 heures à 11,8 heures, prouvant que la technique d’impact cinétique est capable de déplacer l’orbite d’un astéroïde.

Des dizaines de télescopes dans le monde entier observeront l’astéroïde dans les heures avant et après l’impact. Les télescopes spatiaux Hubble, James Webb et la mission Lucy seront également mis à contribution.

Lieux et contributeurs à la campagne d’observation de la mission DART

La mission HERA à suivre

La mission Hera de l’ESA va assurer la suite de la mission DART en effectuant une enquête détaillée in-situ après l’impact sur Dimorphos. HERA visitera Dimorphos en 2026 pour étudier le cratère DART qui devrait s’être formé à la surface de la petite lune.

Erra démontrera également la capacité de fonctionner à proximité d’un astéroïde à faible gravité avec une certaine autonomie embarquée similaire à celle d’une voiture autonome. Elle déploiera les premiers CubeSats européens dans l’espace lointain pour tester une nouvelle technologie de liaison intersatellites multipoint.

Illustration de la mission européenne HERA (crédit ESA – ScienceOffice.org)

Sources diverses pour l’article : site APL, site ESA, Planetary.org, et les liens dans l’article.

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