Actualité spatiale du 21 au 27 janvier : Eclipse, New Shepard, Long March et PSLV
Une éclipse de Lune, le retour de la New Shepard de Blue Origin, un vol chinois, le premier vol d’une nouvelle version du PSLV indien, un cargo russe qui quitte l’ISS réhaussée, ou encore l’ESA qui annonce son programme lunaire et un prochain vol de Thomas Pesquet : bref, une semaine riche en émotions spatiales !
Première éclipse de l’année
Lundi 21 janvier, une éclipse lunaire a été visible depuis plusieurs endroits dans le monde, dont la France.
Un événement rarement visible a aussi été observé : un météoride s’écrasant sur la Lune.
A retrouver ici : Un météoride s’invite lors de l’éclipse de Lune du 21 janvier
L’astrophotographe Thierry Legault a aussi photographié l’éclipse mais il a aussi imagé le passage de l’ISS devant la Lune peu de temps auparavant :
Tir long March 11 : deux de plus pour la constellation Jilin
Lundi 21 janvier à 6h42 heure de Paris (13h42 heure locale), une fusée Long March 11 de la CALT a mis en orbite héliosynchrone deux satellites d’observation Jilin et deux autres passagers. La Long March 11 a décollé depuis une plateforme mobile du Jiuquan Satellite Space Center (dans le désert de Gobi en Mongolie intérieure). Selon la télévision d’état, le vol opéré par la CAST s’est bien déroulé. C’est le sixième lancement de l’année et déjà le deuxième lancement chinois.
Comme d’habitude en Chine, le vol n’a été annoncé que très tard, et les passagers révélés encore plus tardivement. On sait finalement qu’il y avait quatre passagers à bord du lanceur léger : deux satellites Jilin et deux microsatellites. Les satellites Jilin étaient arrivés au centre de lancement une vingtaine de jours avant le tir. Ces deux satellites viennent désormais rejoindre une dizaine d’autres constituant la future constellation Jilin-1. La constellation Jilin-1 est la première constellation à utilisation commerciale entièrement développée en Chine. Tous les satellites sont développés dans la province de Jilin, un des berceaux historiques de l’industrie chinoise, par la société Chang Guang Satellite Technology (CGST).
Les satellites Jilin sont des satellites d’observation avec une résolution de cinq mètres et peuvent couvrir une zone de 110 km de large. De plus, les satellites lancés le 21 janvier observent en multi-spectres et peuvent ainsi fournir une image en plus de 26 bandes spectrales différentes. Le caractère multi-spectral permet de multiplier le nombre d’applications qu’on peut faire de ces images, par exemple faire du suivi de l’évolution des forêts, ou encore de l’agriculture. Un des buts des satellites Jilin est de fournir [entendre vendre] des données aux industriels/institutions pour prévoir et atténuer les désastres géologiques et ainsi pouvoir exploiter plus efficacement et moins longtemps les ressources naturelles.
Les deux premiers Jilin-1 ont été lancés en 2015 par une Long March 2D, le troisième en janvier 2017 par une Kuaizhou-1A. En tout, la constellation Jilin-1 compte maintenant une dizaine d’éléments et la société CGST est capable de pouvoir renouveler les données de n’importe quelle zone du globe toutes les trois heures. Mais l’entreprise chinoise voit grand. CGST vise 16 satellites en orbite d’ici la fin de l’année, 60 satellites en 2020 et jusqu’à 138 satellites en orbite à partir de 2030. Ainsi la compagnie pourra fournir des images d’une zone du globe dans n’importe quel spectre avec une résolution de cinq mètres toutes les dix minutes.
Les deux Jilin-1 lancés ce 21 janvier sont aussi respectivement appelés Lincao-1 et Wenchang Chaosun-1 pour Jilin-Hyperspectral-01 et -02. Construit sur la même plateforme que les autres Jilin-1, Lincao-1 est équipé d’une caméra infrarouge à ondes courtes, longues et moyennes, ainsi que d’un imageur multi-spectral et d’autres instruments. Il pourra fournir des données portant sur les forêts, l’océanographie, et bien sûr les ressources naturelles. Wenchang Chaosun-1 est destiné à observer l’île-province Hainan. Tropicale, touristique et économiquement attractive, l’île héberge notamment la principale base de sous-marins nucléaires chinoise et enfin le centre de lancement de Wenchang d’où partira la future Long March 5, pivot du programme spatial chinois aujourd’hui car censée emporter les futures missions lunaires ainsi que les modules de la prochaine station spatiale chinoise. Le satellite pourra couvrir une large zone autour de l’île, surveiller l’espace maritime mais aussi être utilisé pour l’agriculture, l’environnement, etc.
Deux passagers secondaires étaient à bord de la Long March 11 :
- Xiaoxiang-1 (03) de la société privée chinoise Spacety, un cubesat-6U de démonstration réalisé avec la Qingteng University portant une caméra en couleurs miniaturisée. Le cubesat a une durée de vie d’un an. Après sa mission, il déploiera une voile pour tenter de se désorbiter par dragage atmosphérique (ce qui devient une « mode » en cette fin de décennie ponctuée par le débat sur les débris spatiaux)
- un cubesat-6U de ZeroG Lab (société privée basée à Pékin), dont on ignore actuellement le nom mais censé faire partie de la future constellation Magpie de 132 cubesats d’observation capables de fournir des images avec une résolution de moins de 4 mètres.
La Long March 11 est un lanceur léger de la CALT (China Academy of Launch Vehicle Technology) à propulsion solide pour ses quatre étages. La spécialité de ce lanceur est de pouvoir être lancé de n’importe où, et rapidement (avec une procédure de tir très courte). La plupart du temps le lanceur est tiré depuis une plateforme mobile. Le petit lanceur est capable de mettre en orbite héliosynchrone à 700 km une charge utile de 350 kg. Le tir du 21 janvier était son sixième depuis le premier en 2015, tous des succès.
New Shepard : succès pour le dixième vol test
Le mercredi 23 janvier la fusée New Shepard de Blue Origin décollait avec succès. Pour plus de détails, voir l’article dédié :
Succès pour le 10ème vol de test de New Shepard
PSLV : succès pour la nouvelle version du lanceur
Jeudi 24 janvier à 19h07 heure française (23h37 heure locale), a décollé le lanceur indien PSLV avec à bord les satellites Microsat-R et Kalamsat-V2 depuis le Satish Dhawan Space Center. C’était le 46ème vol d’un PSLV depuis 1993, l’ISRO (l’agence spatiale indienne) a confirmé que c’était un succès.
Le premier passager Microsat-R est un satellite militaire d’observation. Le lanceur l’a placé avec succès sur une orbite polaire très basse à seulement 274 km de hauteur. Ensuite, ses deux panneaux solaires se sont déployés puis le Tracking & Command Network (ISTRAC) de l’ISRO en a pris le contrôle. Microsat-R pèse 740 kilos et a été développé par la Defence Research and Development Organisation (DRDO), agence publique dépendante du gouvernement indien en charge du développement et de la recherche militaire, pour le compte de l’armée indienne. L’ISRO n’a donné aucune autre information sur le satellite mais certaines sources laissent penser qu’il s’agit d’un satellite d’imagerie.
Après le largage de Microsat-R, une nouveauté est apparue. En plus d’être le premier vol indien de l’année 2019, ce vol a été le test de la nouvelle version du PSLV. Le Polar Satellite Launch Vehicle est un lanceur moyen de quatre étages de 44 mètres de haut. Jusqu’à présent le quatrième étage de la version originale, à propulsion liquide (propergols liquides) à l’aide de deux moteurs assurant une poussée de 15 kN, était « passivé » [rendu inerte] après son utilisation pour le déploiement des satellites puis laissé en orbite comme débris spatial. Mais lors de ce vol, l’ISRO a souhaité tester une nouvelle version de son quatrième étage en l’utilisant aussi comme plateforme orbitale capable de porter des expériences. Après le largage de Microsat-R, le quatrième étage, PS4, s’est à nouveau allumé pour se placer sur une orbite de 453 km de hauteur, et avec une nouvelle inclinaison.
Le second passager Kalamsat-V2, un cubesat-1U qui contient essentiellement sa charge utile, a utilisé le PS4 pour recharger ses batteries, avant d’être largué. La charge utile du cubesat est composée d’une batterie et d’un transmetteur de données. Le cubesat communique avec le sol via le PS4. Ce sont des étudiants et des amateurs de l’association Space Kidz India qui l’ont développé, en partenariat avec l’ISRO. Une autre charge utile Kalamsat avait déjà été testée une fois en 2017 lors d’un vol suborbital sponsorisé par la NASA, depuis la Wallops Space Facility. Une charge utile de ce poids ne peut espérer vivre qu’une quinzaine d’heures, en prenant en compte le temps entre son intégration dans le lanceur et sa mise en orbite. En utilisant le PS4 comme support-vie, l’équipe du Kalamsat-V2 a pu exploiter le cubesat pendant 15 heures après son largage, et ainsi gagner plusieurs orbites de temps de vie, ce qui est considérable, notamment du point de vue du coût. Le PS4 pourrait à l’avenir avoir des panneaux solaires, pour prolonger ces expériences encore plus longtemps. L’ISRO espère à terme que les étudiants utiliseront son nouveau PS4 comme support pour leurs expériences.
Enfin, l’autre nouveauté de ce vol résidait en l’utilisation pour la première fois de nouveaux boosters additionnels, plus gros que les six propulseurs d’appoint qui constituent la version XL du PSLV mais permettant un compromis en terme de puissance entre le PSLV original et le PSLV-XL. Ce compromis est porté par le nom de version DL. Les deux propulseurs d’appoint font 12 mètres de haut pour un diamètre d’un mètre et consomment 15 tonnes de propergol solide pendant les 70 premières secondes du décollage. Ils sont aussitôt largués après utilisation, juste avant le largage de la coiffe et 29 secondes avant celui du premier étage. Avec le succès du 24 janvier du PSLV-DL, l’ISRO agrandit sa gamme de lanceurs PSLV actifs, permettant une offre plus flexible.
Départ du cargo Progress MS-09 de l’ISS
Le 25 janvier, à 15 h 55, heure de Moscou, le cargo Progress MS-09 s’est désamarré du segment russe de la Station Spatiale Internationale.
Le cargo était arrivé à l’ISS le 18 juillet 2018. Il avait battu le record de durée d’amarrage en moins de 4 heures.
La chute des éléments ignifuges du cargo s’est produite à 19h50, heure de Moscou, dans une zone non navigable de l’Océan Pacifique.
En bref :
Une nouvelle manquée la semaine dernière :
Le cargo Progress MS-10 a relevé l’orbite de l’ISS
Le 18 janvier 2019, une correction planifiée de l’orbite de l’ISS a été effectuée par le moteur du cargo de ravitaillement Progress MS-10 amarré à l’ISS. Le moteur a été allumé pendant 500 secondes augmentant la vitesse de 1 m/s.
Selon le centre de contrôle de la mission (MCC), les paramètres calculés de l’orbite de l’ISS après l’exécution de la manœuvre étaient les suivants : l’altitude minimale au-dessus de la surface de la Terre est de 407,4 km, l’altitude maximale est de 422,2 km, la période orbitale est de 92,62 minutes, l’inclinaison de l’orbite est de 51,66 degrés.
Le but de la correction était la formation de conditions balistiques favorables pour les prochains amarrages de cargos ou vaisseaux.
Blue Origin lance la construction d’une usine de moteurs BE-4
Le 25 janvier à l’occasion d’une cérémonie officielle, Blue Origin a annoncé que le développement du moteur BE-4 sera terminé d’ici la fin de l’année. L’usine dont le chantier vient de commencer les fabriquera à un rythme d’une douzaine par an. Le BE-4 est censé être le moteur qui propulsera le premier étage du lanceur lourd réutilisable de Blue Origin, la New Glenn. En effet, le premier étage du lanceur sera équipé de sept BE-4, avec chacun une poussée de 2400 kN. Ce moteur est un des éléments clés du lanceur et de son développement dépend celui de la New Glenn. Le premier test du BE-4 est prévu pour 2021. De plus en septembre 2018, la United Launch Alliance (ULA) a annoncé que le futur lanceur lourd Vulcan (successeur de l’Atlas V) sera équipé de BE-4 pour son premier étage. Ainsi la compagnie américaine ne sera plus dépendante des RD-180 russes équipant ses lanceurs.
Le même jour, Blue Origin a annoncé un recrutement pour plus de 300 nouveaux postes.
L’ESA annonce l’étude d’une mission lunaire
Lundi 21 janvier, l’agence spatiale européenne a annoncé avoir signé un contrat avec des partenaires privés pour étudier le concept d’une mission lunaire. Il s’agira de poser un lander sur la Lune et d’y étudier le sol, notamment chercher des traces d’eau et d’oxygène dans la régolithe. Pour l’atterrisseur l’ESA s’est tourné vers un survivant du Google Lunar X Prize, la start-up allemande PTScientists. Pour le vol, l’ESA a demandé à Arianespace d’analyser un lancement avec une Ariane 6-64, la version lourde du futur lanceur avec quatre propulseurs d’appoint. La mission serait initialement prévue pour 2025.
Thomas Pesquet volera de nouveau en 2020/2021
L’annonce a été faite cette semaine, l’astronaute de l’ESA, Thomas Pesquet, va revoler bientôt dans l’espace, à destination de la Station Spatiale Internationale. cela devrait être fin 2020 ou début 2021. A suivre !
I proposed @Thom_astro for the next ESA flight opportunity to ISS in late 2020/early 2021 – formal decisions will made by all ISS partners in due time. Support for the European Exploration Programme from Member States in context of #Space19Plus council meeting is most important. pic.twitter.com/h12afwOZb7
— Jan Wörner (@janwoerner) January 23, 2019
NB : article fait à quatre mains avec Isabelle.
NB : Chang Guang = Grande Lumière (à mon avis).
NB : pour l’instant, le dernier équipage connu est celui de Soyuz MS-17 / ISS 63-64, à savoir Anatoli Ivanishin (3e vol), Ivan Vagner (1er vol) et Stephen Bowen (4e vol) ; « backup crew » non désigné) avec un lancement prévu pour le 21 octobre 2020 selon spacefacts.de.
Cependant, d’après le site russe astronaut.ru, cet équipage comprendrait un Russe (évidemment), un Américain et un Européen (non désignés). En ce cas, ce pourrait fort bien être Thomas Pesquet (2e vol) mais, à mon avis, l’ESA devrait d’abord envisager de faire voler Matthias Maurer. Enfin, ce n’est pas à moi de le décider, on verra bien… Toujours en ce cas, Ivan Vagner serait à nouveau éjecté d’un équipage, il doit en avoir l’habitude !
A propos de Thomas, quel est son lieu de naissance exact ? J’en ai 4 différents selon les sources !… (le plus communément admis étant Rouen)