Actualités spatiales du 15 au 21 avril : Cygnus NG-11, Long March, Crew Dragon, Owen Garriott
Belle semaine encore ! Lancements à succès, perte d’une capsule, mort d’un ancien astronaute, on fait le point.
Antares lance Cygnus NG-11
Mercredi 17 avril, la fusée Antares a décollé de la base NASA de Wallops en Virginie à 22h46 heure de Paris.
Décollage Antares/Cygnus NG-11 le 17/04/19 (crédit Northrop Grumman)
A son bord, le cargo Cygnus NG-11 avec près de 1 000 kg d’expériences scientifiques et du fret à destination de la Station Spatiale Internationale.
Détails sur le lancement et la mission du Cygnus NG-11 S.S Roger Chaffee dans l’articlé dédié : Cygnus NG-11 : des expériences et des cubesats pour l’ISS
Nouveau lancement d’un satellite Beidou
Samedi 20 avril, à 16h41 heure de Paris, une Long March 3B/E a décollé du Xichang Satellite Space Center, avec un nouveau satellite de navigation Beidou. Le lancement s’est bien déroulé. Le lanceur utilisé était une Long March 3B/G2, de la gamme des LM 3B, lanceurs lourds de la Chine. C’était le 5ème lancement chinois à succès de 2019.
Le Beidou-3 I1Q (IGSO-1) (désigné aussi Beidou-44), est un satellite de navigation chinois de la constellation Beidou (équivalent chinois du GPS). Le satellite utilise la plateforme DFH-3B de la CAST. La charge utile de 450 kg est composée d’une antenne pour signaux de navigation, un retro réflecteur de laser et des antennes en bandes S/L et C. La masse au décollage du satellite était de 4600 kilos.
Le réseau de navigation Beidou est mis à disposition de l’économie chinoise : pêche marine, suivi hydrologique, météo, surveillance, topologie, prévention des incendies de forêts, synchronisation temporelle des systèmes de communication, etc. Le Beidou Navigation Satellite System (BDS) peut être utilisé par tout le monde partout dans le monde. Le BDS sert aussi de service stratégique pour le développement de la « ceinture économique de la Soie », le plus grand projet de développement du pays.
Ce lancement était le 100ème lancement d’une fusée Long March 3 toutes versions confondues, depuis le premier tir le 29 janvier 1984. On compte en tout 14 versions de Long March 3, le lanceur lourd de la Chine, en attendant le retour de la Long March 5. Les plus utilisées sont les Long March 3B pour mettre les satellites en orbite géostationnaire.
Perte de la capsule Crew Dragon lors d’un test
C’est un coup dur pour SpaceX, pour la NASA et son programme des vols habités commerciaux. Samedi 20 avril, lors d’un test des moteurs, la capsule a été gravement endommagée suite à un incident. Aucun blessé n’est à déplorer mais la capsule (ou ce qu’il en reste) est perdue.
C’était un test classique qui était prévu pour la capsule, sans besoin d’équipage. SpaceX projetait de tester plusieurs propulseurs de la capsule, dont les SuperDraco, en charge de l’évacuation d’urgence. Ces tests étaient des préliminaires en vue du lancement de test d’évacuation d’urgence en vol, initialement prévu dans les prochaines semaines. La capsule, après plusieurs jours dans l’espace lors du vol Demo-1, était redescendue sur Terre au large de la Floride il y a seulement six semaines. Après récupération, la capsule fut directement envoyée de Port Canaveral au centre de test juste à côté de la landing zone 1.
Tous les premiers tests des propulseurs se sont bien passés, sauf le test final, celui des SuperDraco. L’accident s’est produit lors des 10 dernières secondes du compte à rebours. Ces 10 secondes avant la mise à feu des propulseurs comptent l’ouverture des vannes, la mise sous pression du circuit et le début de l’approvisionnement en carburant de la chambre à combustion. On ne sait pas trop quand a eu lieu le problème. Une vidéo du test, qui a fuité et qui n’est pas confirmée par SpaceX, semble indiquer que l’incident s’est produit à H-2 secondes. La capsule a été sérieusement endommagée. La vidéo montre qu’il n’en reste pas grand-chose.
Après l’accident, on pouvait distinguer un épais nuage orange venant de la LZ1. Ce nuage provenait, selon une source, de la combustion d’une à deux tonnes de tétroxyde d’hydrogène, l’oxydant utilisé par les SuperDraco. Ce nuage était même visible depuis l’espace au radar.
Dragon's static fire anomaly was big enough to show up on radar! 🚀💥📡☁️#SpaceX #CrewDragon #FLwx #LowCC (Non-meteorological radar signature) pic.twitter.com/WpebHEo6Az
— Jabes 💙✈✌🏻 (@GISRockstar) April 20, 2019
Pour la suite du programme, SpaceX devra en fabriquer une nouvelle. Pour le test d’évacuation en vol, il n’a pas encore été précisé si SpaceX compte utiliser une maquette taille réelle équipée juste des 8 propulseurs. On ne sait pas trop ce qu’il s’est passé. Pour le test, la capsule était suréquipée de capteurs et SpaceX dispose aujourd’hui de beaucoup de données et a commencé à les étudier pendant ce weekend de Pâques. Reste à savoir si cet incident provient au mieux d’une erreur humaine sur l’utilisation du matériel au sol, ou, dans le pire des cas, d’un mauvais design des SuperDraco.
Qu’en est-il de la suite ? C’est là qu’est le coup dur. Avec les gros retards de la capsule Starliner de Boeing, c’est tout le programme de vols habités commerciaux de la NASA qui est impacté. Le premier vol habité de la capsule Crew Dragon, le Demo-2, prévu à la base pour le 25 juillet, n’aura finalement pas lieu avant au mieux fin octobre. Est-ce qu’un astronaute ira dans l’espace depuis le sol américain en 2019 comme prévu ? On peut désormais se poser la question. De plus, c’est le planning des missions de l’ISS qui est lui aussi impacté, et la NASA, qui a déjà acheté deux places en plus à bord de Soyouz pour septembre 2020, risque de devoir en racheter d’autres. On peut aussi se poser la question si Thomas Pesquet décollera toujours en capsule américaine comme prévu, ou non.
Bref, du point de vue du calendrier, c’est l’enfer, mais du point de vue de l’ingénieur, c’est un mal pour un bien. Il est bien sûr préférable de voir ce genre d’incident au sol maintenant, plutôt qu’en vol avec un équipage à bord. « C’est pour cela que nous faisons ces tests » a indiqué Jim Bridenstine, directeur de la NASA. Suite à cet incident, la capsule sera plus sûre !
Décès d’Owen Garriott
Le 15 avril, l’astronaute Owen Garriott est décédé à l’âge de 88 ans. Doctorat en ingénierie électrique de la Stanford University. Il a travaillé au sein du Naval Research Laboratory avant et après sa mission spatiale. Sélectionné en 1965 par la NASA, il a passé au total 69 jours et 18 heures dans l’espace en 2 missions. Scientifique de formation, il a failli participer au missions lunaires Apollo si elles ne s’étaient pas arrêtées trop tôt.
Du 28 juillet au 25 septembre 1973, il réalise sa première mission à bord de la station Skylab, avec Alan Bean et Jack Lousma.
Owen Garriott y réalise 3 sorties spatiales et totalise 13 heures et 43 minutes dans l’espace.
Du 28 novembre au 08 décembre 1983, il réalise son 2e vol spatial à bord de la mission STS-9 de la Navette Columbia avec le laboratoire Spacelab en soute (premier vol du Spacelab fourni par l’ESA). Il s’agit de la première mission à 6 passagers des Shuttle. Ses coéquipiers étaient le commandant John Young, Brewster Shaw Jr., Robert Parker, Byron Lichtenberg et Ulf Merbold de l’ESA.
Son fils, Richard Garriott, est devenu aussi astronaute. Pour raison médicale, il n’avait pas suivi les traces de son père mais était devenu multimillionnaire grâce aux jeux vidéos, il se paya un siège sur Soyouz et passa 12 jours dans l’ISS en 2008 comme 6ème touriste spatial.
La biographie complète d’Owen Garriott de la NASA
En bref…
SpaceX perd un morceau d’étage de Falcon en mer
Le B1055, premier étage central de la Falcon Heavy qui a lancé Arabsat 6a était redescendu sur la barge « of Course I Still Love You » dans l’Atlantique. Mais quelques jours plus tard, la barge a subi une violente houle et l’étage est tombé. Il n’en reste plus grand-chose de récupérable, sauf semble-t-il les moteurs. Le B1055 était un étage neuf, censé être réutilisé plusieurs fois encore.
La Chine annonce une grande mission de retour d’échantillon d’astéroïde
La CNSA a annoncé préparer une mission de retour d’échantillon d’astéroïde voisin de la Terre. Le plan est le suivant : la sonde est lancée en 2022 par Long March 3B, et atteint en 2023 l’astéroïde 2016 HO3 (autrement appelé 469219 Kamo’oalewa), autour duquel elle se mettra en orbite pour en prélever des échantillons.
La sonde quittera l’astéroïde en 2024 et atteindra la Terre la même année. Mais son trajet ne s’arrête pas là ! La sonde ne va faire que passer à côté de la Terre, en y larguant une capsule avec les échantillons, et se diriger vers Mars. En 2025, la sonde ne fera que passer à côté de Mars pour gagner en vitesse par assistance gravitationnelle pour atteindre sa deuxième cible : la comète 133P/Elst-Pizarro. Cette dernière est située dans la ceinture principale d’astéroïdes. La sonde s’y mettra en orbite en 2031 pour l’étudier. Cette comète fait partie des corps qui auraient pu alimenter la Terre en matière et notamment en eau lors de la formation du système solaire. L’ESA avait imaginé la mission Castalia pour y aller mais la mission n’avait pas été retenue.
Mort d’Intelsat 29e
L’opérateur Intelsat a annoncé que son satellite Intelsat 29e, avec lequel elle avait perdu contact suite à une fuite de carburant le 7 avril, était définitivement perdu. Le satellite mort dérive désormais de son orbite, qui sera condamnée pendant longtemps, alors que les places en orbite géostationnaires deviennent chères.
NB : article écrit à quatre mains avec Isabelle.
NB : Beidou, en astronomie chinoise, désigne l’astérisme de la « Louche du Nord », équivalent de la « Grande Casserole » de la constellation de la Grande Ourse.
NB Crew Dragon : encore heureux qu’il n’y ait pas eu d’astronautes à bord ! Cela m’aurait rappelé de bien mauvais souvenirs !… (Apollo-1 ; j’avais alors 18 ans…)
NB : à noter aussi les retards accumulés par la fusée géante SLS et la capsule Orion de la NASA, retards dus en grande partie à l’administration de BHO (Obama) qui remit en cause le programme spatial US de son prédécesseur, GWB (Bush).
NB : Owen Garriott a effectué 3 EVA : les 6 et 24 août 1973 avec Jack Lousma et le 22 septembre 1973 avec Alan Bean.
NB : le 3e vol spatial d’Owen K. Garriott (ou le 4e au cas où il aurait fait Apollo 21, 22 ou 23 par exemple…) aurait dû être la mission STS-61K / EOM 1/2, prévue pour octobre 1986 avec la navette Atlantis mais elle fut annulée, comme bien d’autres, suite au « Challenger disaster ».
Son équipage aurait été le suivant : Brand – Griggs – Stewart – Nicollier – Garriott – Lichtenberg – Lampton – Stevenson (les « doublures » de Lichtenberg et Lampton étant Frimout et Chappell). Lampton, Stevenson et Chappell ne sont jamais allés dans l’espace. Frimout a remplacé Lampton (qui était gravement malade) pour STS-45 / ATLAS-01.