Tourisme spatial : Richard Branson décolle enfin
Depuis plusieurs années, 2 milliardaires s’affrontent pour réaliser le rêve de « devenir un touriste de l’espace » : Richard Branson, fondateur de Virgin Galactic en 2004 et Jeff Bezos, fondateur de Blue Origin en 2000.
Le 7 juin, Jeff Bezos est le premier à annoncer le premier vol avec équipage de la capsule New Shepard de Blue Origin : ce sera le le 20 juillet 2021, et il sera l’un des passagers. Le 2 juillet, Richard Branson annonce à son tour que l’avion-spatial de Virgin Galactic fera un vol suborbital le 11 juillet et il sera également à bord.
Les 2 entrepreneurs ont fondé leurs entreprises respectives avec des objectifs annoncés plutôt louables : amener plus de gens au-dessus de la planète pour voir la fragilité de la Terre. Mais les objectifs sont aussi commerciaux quand les prix des premiers billets sur Virgin Galactic sont de 250 00 $ et pas encore annoncés sur Blue Origin.
Ce 11 juillet, Richard Branson réalise enfin son rêve : il décolle à bord du VSS Unity, monte à 85 km d’altitude, voit la rotondité de la Terre et passe quelques minutes en microgravité.
Richard Branson était accompagné de 3 autres dirigeants de Virgin Galactic et de 2 pilotes :
- Beth Moses, instructeur en chef des astronautes chez Virgin Galactic. Elle a servi comme chef de cabine et directeur d’essai dans l’espace, supervisant l’exécution sûre et efficace des objectifs du vol d’essai. C’est elle qui est la première à s’être détachée dans la cabine lors du premier vol « spatial » de février 2019.
- Colin Bennett, ingénieur en chef des opérations chez Virgin Galactic. Il devait évaluer l’équipement, les procédures et l’expérience de la cabine pendant la phase de poussée et dans l’environnement d’apesanteur.
- Sirisha Bandla, vice-présidente des affaires gouvernementales et des opérations de recherche chez Virgin Galactic. Elle évalue l’expérience de recherche humaine, en utilisant une expérience de l’Université de Floride qui nécessite plusieurs tubes de fixation portables qui seront activés à divers points du profil de vol.
Les pilotes pour cette mission sont Dave Mackay et Michael Masucci, pilotes très expérimentés (plus de 10 000 heures de vol chacun) et vétérans de précédents vols du VSS Unity.
Selon les critères de la FAA, Federal Aviation Administration, franchissant la limite de 50 miles (80 km), les 6 passagers deviennent officiellement des astronautes. Ce critère est d’ailleurs repris par l’US Air Force et la NASA, mais par contre, selon les critères de la Fédération Aéronautique Internationale (FAI) l’espace se situe au-delà de 100 kilomètres d’altitude [lire aussi L’espace un peu plus proche que 100 km ?].
Sirisha Bandla devient la deuxième femme née en Inde et la troisième femme américaine d’origine indienne à voler au-dessus de la limite de l’espace reconnue par la FAA (après Kalpana Chawla et Sunita Williams).
Retour sur le vol Unity 22
Chez Virgin Galactic, le concept reprend celui de l’avion-spatial SpaceShipOne, le premier véhicule à financement privé qui a amené son pilote au-delà de la « frontière de l’espace » de 100 kilomètres d’altitude lors d’un concours, le XPrize.
SpaceShipTwo, c’est un avion à moteur-fusée avec 2 pilotes et 6 passagers qui est amené en haute altitude par un avion porteur avant de grimper à la limite de l’espace par son moteur fusée à Mach 2 ou plus et de rentrer atterrir sur piste comme un avion.
Aujourd’hui c’est le 2e vaisseau de l’entreprise à voler : le VSS Unity. Le vol était baptisé Unity 22 car c’était le 22e vol du VSS Unity, mais seulement son 3e vol motorisé, après plusieurs essais en vol libre.
A 14h40 UTC, l’avion porteur VSS Eve décollait du Spaceport America au Nouveau-Mexique (Eve du nom de la mère de Richard Branson).
Une fois que VMS Eve, piloté par l’ancien astronaute CJ Sturckow et le pilote d’essai Kelly Latimer (qui pilote aussi les avions porteurs de LauncherOne de Virgin Orbit), a atteint l’altitude de 45 000 pieds, VMS Eve a largué VSS Unity à 15h25 UTC.
Le moteur-fusée à propergol hybride s’est allumé rapidement pour propulser VSS Unity jusqu’à Mach 3. Une fois le moteur coupé, l’avion-spatial emporté par son élan était amené à un apogée de 86,19 km.
L’équipage a pu profiter de la vue sur la Terre et d’environ 4 minutes d’apesanteur.
Une fois la parabole terminée, l’avion est revenue en mode « planeur » jusqu’à la piste de décollage initial, concluant son propre vol d’un peu plus de 15 minutes.
Un long chemin difficile
Depuis le début de l’entreprise, Richard Branson avait annoncé que le premier vol spatial de Virgin Galactic aurait lieu d’ici janvier 2011. Il a également parlé du développement d’un hôtel spatial et de petits vaisseaux spatiaux pour faire le tour de la Lune dans les années 2020…
Le calendrier s’est révélé moins optimiste. Après des soucis de conception et un accident mortel en 2014, le développement de l’avion-spatial VSS Unity, dévoilé en févier 2016 en remplacement du premier modèle VSS Entreprise, semble avoir pris plus de temps que prévu.
Finalement, l’avion spatial de Virgin Galactic atteint « l’espace » en décembre 2018, volant pour la première fois au-dessus de la limite de 80 km d’altitude (50 miles) considérée comme frontière entre l’atmosphère et l’espace extra-atmosphérique par la FAA.
Un deuxième vol suborbital a eu lieu en février 2019, puis plus rien pendant plusieurs mois. Virgin Galactic avait déclaré alors qu’il suspendait ses opérations spatiales pendant un certain temps pour moderniser le véhicule pour les vols commerciaux avec des touristes spatiaux. Mais on apprenait en 2020 qu’en fait après le vol de février, des fissures avaient été découvertes sur VSS Unity et que peut être l’équipage était passé pas loin d’un accident tragique.
Un vol réussi en mai 2020 avec une altitude atteinte de 89,2 km redonnait espoir d’autres vols à venir. L’annonce de Jeff Bezos d’un vol suborbital de la New Shepard le 20 juillet semble avoir précipité un peu ce vol du 11 juillet. Beaucoup craignaient que cela puisse avoir lieu au détriment de la sécurité. Mais Richard Branson aurait-il pris le risque avec ses employés ? En tout cas le vol d’essai réussi de ce jour a fait mentir certains détracteurs.
D’ici l’entrée en vols commerciaux (en 2022 ?), deux derniers vols d’essai sont prévus dont l’un avec à son bord 3 personnes de l’armée de l’air italienne et des expériences scientifiques. Environ 600 clients auraient déjà déboursé jusqu’à 250 000 $ pour un vol spatial suborbital avec Virgin Galactic.
Le vol spatial avec Virgin Galactic ne reste pour le moment accessible qu’aux plus fortunés. Il faudra voir dans les décennies à venir si cela permettra de rendre l’espace abordable à tous. Personnellement, pour expérimenter la microgravité pendant quelques minutes, je vous recommande le vol parabolique, qui est encore assez cher (comptez 6000€) mais plus à la portée d’une grosse tirelire ! Par contre, vous n’aurez pas vue sur la Terre depuis les limites de l’espace.
En tout cas, Richard Branson peut savourer aujourd’hui son vol réussi, grâce surtout au dévouement de dizaines de personnes dans son entreprise, et il aura réussi un gros coup de publicité !
Pour voir le vol sur toute sa durée, le live officiel (très américain) :
Image de couverture : crédits Virgin Galactic et Reuters
Parmi les pilotes de Virgin Galactic, il y a Nicola « Stick » Pecile, pilote d’essai italien.
A noter que VG envisage depuis 2018 d’effectuer des vols spatiaux depuis l’aéroport de Taranto-Grottaglie (Tarente en français), dans le sud de la botte.
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Sir Richard Branson avait annoncé il y a quelques années qu’il volerait dans l’espace en juillet 2019 afin de fêter comme il se doit le 50e anniversaire de la mission Apollo-11. Il aura donc eu environ deux ans de retard.
Le 11 juillet 2021, Sir Richard Branson, Colin Bennett et Sirisha Bandla sont devenus les 581e, 582e et 583e « hommes de l’espace » (astronautes et autres), tous vols spatiaux confondus, orbitaux et suborbitaux, en tout cas ceux qui ont volé à plus de 50 miles (soit environ 80 km) d’altitude.
Pour ce qui est des vols orbitaux, on en reste toujours à 567.
Sir Richard Branson est devenu le 4e Britannique (après Helen Sharman, Timothy Peake et David MacKay qui est écossais), ce sans compter C. Michael Foale, Piers Sellers (+) et « Nick » Patrick, devenus américains, ni Mark Richard Shuttleworth qui a la double nationalité sud-africaine et britannique.
Colin Bennett et Sirisha Bandla sont devenus les 359e et 360e astronautes américains.
Sirisha Bandla est devenue la 66e femme de l’espace et la 52e Américaine.
64 femmes, dont 50 Américaines, ont effectué des vols orbitaux. Les deux autres sont N. Beth Moses (née Natalie Beth Stubbings) et Sirisha Bandla.
A noter aussi que Michael J. « Sooch » Masucci avait fait partie des candidats astronautes présélectionnés pour le groupe 17 de la NASA en 1997-98.
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A noter qu’il y eut à cette occasion, mais durant seulement quelques minutes, 16 hommes (dont 3 femmes) ensemble dans l’espace, à savoir Oleg Novitskiy, Pyotr Dubrov, Mark Vande Hei, R. Shane Kimbrough, K. Megan McArthur, Akihiko Hoshide, Thomas Pesquet, Nie Haisheng, Liu Boming, Tang Hongbo, David MacKay, Michael Masucci, Sir Richard Branson, N. Beth Moses, Colin Bennett et Sirisha Bandla.
C’est un nouveau record mondial qui be demande qu’à être battu.
Le précédent record était de 13 hommes (dont une femme) à bord de l’ISS du 15 au 31 juillet 2009, à savoir Koichi Wakata, Gennadiy Padalka, Michael Barratt, Roman Romanenko, Frank De Winne, Robert Thirsk, Mark Polansky, Douglas Hurley, David Wolf, Julie Payette, Christopher Cassidy, Thomas Marshburn et Timothy Kopra.
Toujours est-il qu’il est tout de même bien difficile d’accorder la même valeur à un vol suborbital (dit « saut de puce ») qu’à un vol orbital…
Merci du reportage. Je ne comprends décidément pas cette obsession couteuse à vouloir gagner l’espace pour quelques secondes d’apensenteur. Un rêve de riche tout au contraire des missions scientifiques qui font notre enthousiasme et notre admiration.