Rêves d'Espace

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Saturn V : Un lanceur pas si parfait

Depuis le dernier report du tir du SLS, je lis pas mal de personnes critiquant la NASA “Ils ne savent plus faire de lanceur”, “Comment peut-on avoir autant de pannes sur un lanceur ? “, etc…

Avec la permission de Grégory, du compte Twitter Techniques Spatiales ou de la chaîne Youtube du même nom, je reprends ici sa synthèse de ce qui s’est passé lors des missions Apollo et Skylab, qui ont été loin d’avoir une fiabilité de 100%.

Vue en coupe de la fusée Saturn V. A : Premier étage SI-C– 1 : 5 moteurs F-1 – 2 : Réservoir de kérosène – 3 : Réservoir d’oxygène liquide – B : Deuxième étage S-II – 4 : 5 moteurs J-2 – 5 : Réservoir d’oxygène liquide – 6 : Réservoir d’hydrogène liquide – C : Troisième étage S-IVB – 7 : 1 moteur J-2 – 8 : Réservoir d’oxygène liquide – 9 : Réservoir d’hydrogène liquide – 10 : Case à équipements – D : Charge utile – 11 : Module lunaire – 12 : Vaisseau Apollo – 13 : Tour de sauvetage.

Plusieurs soucis sur le lanceur d’Apollo 4

La Saturn V est utilisée pour la première fois du programme Apollo avec Apollo 4, une mission sans équipage.

Le lanceur Apollo-Saturn 501 (AS-501) a connu un souci dès le décollage : il avance moins vite que prévu. L‘impulsion spécifique (Isp) des moteurs F-1 ayant été surestimée de 0,4%, les moteurs extérieurs sont coupés car le S-1C est à court d’oxygène liquide. C’est la “panne sèche”.

Apollo 4
La mission spatiale Apollo 4 (Spacecraft 017 / Saturn 501) décolle depuis le Pad A, Launch Complex 39, Kennedy Space Center, Floride le 9 novembre 1967 (crédit NASA).

Lors de ce décollage, les instruments en haut de la fusée sont secoués bien plus fort que prévu. Des morceaux du bouclier thermique entre les moteurs F-1 de l’étage principal sont arrachés et font monter la température de façon anormale dans le bas de la structure.

Les moteurs J-2 des 2e et 3e étages poussent moins fort que prévu. Pour compenser, la durée de combustion dépasse de plus de 15s ce qui était planifié. La pressurisation des réservoirs du S-II est défaillante mais suffisante.

Le 3e étage S-IVB a eu plein de petits problèmes de pressurisation lui aussi, dont notamment un réservoir d’hélium qui fuit en continu. Deux des moteurs de propulsion auxiliaires APS poussent nettement moins que prévu.

Les moteurs APS sur Saturn V (via Quora)

Ce premier vol est toutefois considéré comme une réussite. La capsule est récupérée après un vol quasi nominal.

Apollo 6 : défaillances moteurs et fuites en pagaille

Apollo 6 était ambitieuse avec 2 allumages prévus de l’étage S-IVB pour partir vers la Lune, et un allumage du module de service d’Apollo pour faire demi-tour en plein milieu et revenir sur Terre.

Comme attendu (mais redouté), de l’effet pogo est apparu sur le premier étage S-IC. Le moteur central oscillait de haut en bas, générant des vibrations intenses sur tout le lanceur et la capsule. L’étage a également fui après séparation.

Lancement d’Apollo 6 le 4 avril 1968, à peu près au moment des oscillations du pogo, montrant une zone de décoloration sur le SLA (Spacecraft–Lunar module Adapter) indiquant certains dommages superficiels (crédits: NASA)

L’allumage et le début du vol du second étage S-II se passent correctement. Puis après 3 minutes, le moteur n°2 commence à perdre beaucoup de poussée puis s’éteint. Une canalisation d’hydrogène utilisée pour l’allumage s’est mise à fuir. Un incendie s’est déclenché et a brûlé le moteur. Le contrôleur d’arrivée de LOX (oxygène liquide) du moteur n°2 a voulu couper l’arrivée d’oxygène au moteur défaillant comme attendu. Mais une inversion de câbles en usine a en fait coupé le moteur n°3. L’étage a alors 2 moteurs sur 5 éteints, l’un à côté de l’autre. Le programme de vol ne sait gérer que la panne d’un seul moteur. Donc l’étage a continué à avancer en crabe jusqu’à la séparation.

De façon surprenante, l’étage arrive à peu près là où c’est prévu, avec une trajectoire remaniée. A la fin de sa poussée, l’étage poussait 50° au-dessus de l’horizontale ! Il a fallu faire une rapide manœuvre pour le remettre à l’horizontal et le 3e étage S-IVB s’est allumé de façon nominale, alors qu’il terminait sa manœuvre de remise à plat. L’orbite finale fut elliptique de 173×360 km contre 190×190 km prévus.

Les ingénieurs tentent la manœuvre d’injection trans-lunaire pour aller sur la Lune et lancent le signal de ré-allumage du S-IVB. Et là, le même problème que sur le moteur n°2 du S-II apparaît : l’arrivée d’hydrogène du système d’allumage s’est rompue. Le moteur crache de l’oxygène liquide et de l’hydrogène liquide par la tuyère.

La NASA décide alors d’un plan B : le moteur AJ-10 du module de service d’Apollo (futurs OMS de la Navette Spatiale) va allumer son moteur pour aller sur une orbite elliptique jusqu’à 22 000km puis va plonger dans l’atmosphère comme le fit Apollo 4 lors du 1er vol.

La mission se termine bien malgré tout. La NASA remarquera dans les vidéos post-vol qu’après 2min10 de vol, un bout de la structure extérieure du S-IVB s’est arraché, probablement fragilisée par le pogo qui tapait à +/- 0.6g à 5Hz (la fusée était conçue pour encaisser 3 fois moins).

Apollo 8, le premier vol habité non sans anomalies

Malgré la quasi-perte de la mission lors d’AS-502 et l’échec de son S-IVB, il a été décidé pour des raisons politiques que AS-503 irait faire le tour de la Lune avec 3 humains à son bord. C’est la mission Apollo 8.

La fameuse canalisation qui a lâché sur 2 moteurs au cours d’AS-502 a été redessinée pour AS-503. Ces quelques cm de tuyau en plus doivent résoudre le problème :

Pour diminuer l’effet pogo, qui est un mouvement du moteur central de haut en bas qui fait varier la pression dans les canalisations qui va l’auto-amplifier, des amortisseurs sont insérés dans les canalisations de LOX. Ce sont des sphères d’hélium qui font tampon.

Le décollage se passe à la perfection. Le lanceur s’éloigne immédiatement de la tour, comme prévu. Les accéléromètres indiquent que les ailerons en bas du S-1C s’agitent pas mal pendant le vol cependant : “ils battent un peu des ailes”.

Les moteurs ne consomment pas leurs ergols tout à fait comme prévu. Dans le plan de vol, les 4 moteurs extérieurs (éteints nominalement après le central) devaient être coupés par manque de LOX. Mais là c’est par manque de kérosène RP-1 qu’ils sont coupés, 2,5 secondes plus tard que prévu.

Séparation du premier étage sur Apollo 11 (crédit NASA)

De nouveau, des bouts de bouclier thermique arrière ont été arrachés.

Le S-II a certains connecteurs mal attachés et perd sa puissance électrique principale pendant plusieurs secondes autour de Max-Q. La redondante prend le relais sans mal. Les modifications du moteur J-2 se montrent suffisantes, la canalisation d’hydrogène tient bon !

Par contre le moteur central se met à vibrer très fort à près de 20Hz, et rentre en résonance avec la structure qui le tient. Ce n’est pas du pogo puisque pas relié aux canalisations, mais à des vibrations acoustiques générées par la pompe à LOX. Les astronautes le ressentent. Les vibrations atteignent 82% de la limite structurelle, le risque étant une destruction de la structure en croix du S-II.

Le moteur n’a pas à être coupé, et les amortisseurs font que le Module de Commande, et donc les astronautes, n’en souffre pas trop. Mais ce n’était pas loin du gros pépin !

La mission du S-IVB, elle, fut un succès total et l’étage supérieur s’est comporté nominalement, à la fois pour son allumage initial de mise sur orbite, et pour son ré-allumage pour envoyer les astronautes vers la Lune. Il sera ensuite envoyé vers une orbite autour du soleil.

Apollo 9 avec encore des défaillances

L’objectif d’AS-504 est d’amener Apollo 9 sur orbite basse terrestre. Pour la Saturn V, l’étage S-IVB va être allumé pour la première fois 3 fois pour simuler une mission lunaire complète.
Le décollage se fait sans aucun problème.

Par contre dès la 30e seconde, la poussée des 5 moteurs diminue de plus de 1%, et va en se dégradant. En fin de poussée, le S-1C a une poussée réduite de 2,3%. La raison est une mauvaise caractérisation des moteurs F-1 nouvelle génération de ce vol.

Impact direct de cette perte de performance : au moment de la séparation d’étage du S-1C, le lanceur avait 30 m/s trop lent et était 4 km trop bas ! Max-Q apparaît 4 secondes trop tard, et toute la trajectoire est à récupérer, le S-II va devoir sur-performer pour compenser.

Seconde mauvaise surprise, dès le début de sa poussée, le S-II affiche lui aussi un déficit de poussée. En fin de poussée, les moteurs consomment 37 kg/s d’ergols en moins que prévu et poussent 14 tonnes trop peu.

Au total le déficit de vitesse du lanceur atteint 81 m/s à la fin de poussée du S-II. C’est significatif et heureusement que ça n’est pas une vraie mission lunaire puisque le S-IVB aurait été poussé en limite de ses capacités pour rattraper ça.
Regardez l’écart des courbes :

Ce S-II a aussi subi les oscillations du vol précédent autour de 20Hz en fin de poussée, mais cette fois-ci en mode violent : +/-12g, vingt fois par seconde, ont secoué la structure de l’étage. Pour le prochain vol, ils voudront couper le moteur avant que ça se produise.

De plus, l’étage S-IVB a été surchargé en ergols, ce qui a alourdi l’ensemble et participé au manque de vitesse final. Le S-IVB a aussi une jauge qui indique une trop forte pression hydraulique depuis 3 heures avant le décollage sans que les ingénieurs sachent si c’est une fausse alarme ou pas.

L’étage S-IVB s’allume et fonctionne à merveille pendant 10 secondes de plus que prévu pour récupérer la perte de performance des 2 premiers étages. La trajectoire finale n’est pas parfaite mais suffisante et les modules d’Apollo sont largués. Mais la mission du S-IVB n’est pas terminée.

Peu avant le 2è allumage, un moteur d’appoint APS commence à perdre sa pression. Puis l’allumage est photographié par l’équipage situé pas très loin, et se passe à merveille. Le S-IVB part sur une orbite elliptique et attend son 3e et dernier allumage.

Allumage de l’étage S-

Après 80min d’attente, les ingénieurs ont voulu tenter d’allumer le moteur “à chaud”, c’est-à-dire sans refroidir les tuyaux avec du LOX et du LH2 puisque ça pourrait arriver avec un équipage un jour. “Chaud” = -252°C pour le LH2 et -156°C pour le LOX. Mais dès l’allumage du J-2, il apparaît que le générateur de gaz a été endommagé et des instabilités de combustion sont apparues dans la chambre de combustion principale. Tout l’étage s’est mis à vibrer et à casser des équipements. La poussée s’effondre :

L’étage a quand même continué à fonctionner. Après 50 secondes, l’hydraulique tombe en panne. La pressurisation aussi. Des vannes s’ouvrent et le S-IVB commence à se purger alors qu’il fonctionne. Le contrôle d’attitude dysfonctionne alors. 4 min plus tard il se coupe comme planifié, dans un sale état.

Au final ce vol montre une fois de plus la résilience de ce lanceur, qui est assez chaotique en ne faisant jamais vraiment ce qu’on attend de lui, mais en se montrant aussi capable de fonctionner en mode dégradé malgré tout.
Des corrections sont apportées pour le vol suivant.

Apollo 10 : encore des soucis

L’AS-505 emmène l’équipage d’Apollo 10 vers la Lune. Les nouveaux moteurs F-1 oscillent à 80Hz à l’allumage, mais cela reste acceptable. Par contre dès le début les ingénieurs remarquent que le moteur F-1 n°1 pousse nettement moins que prévu. Parfois ça remonte à une valeur normale, parfois il pousse 10 tonnes trop peu, et la NASA ne saura jamais vraiment pourquoi. La fusée compense en modifiant son angle d’attaque et en fonctionnant plus longtemps que prévu.

Apollo 10 launch
Apollo 10 (Spacecraft 106 / Lunar Module 4 / Saturn 505) est lancé depuis le Pad B, Launch Complex 39, Kennedy Space Center le 18 mai 1969 (crédit NASA)

Lors de la séparation d’étage, tout le LOX sous pression du moteur F-1 n°5 (le central) se met à fuir dans la baie moteur. Ça n’aura pas de conséquence. Pas de pogo sur le S-1C, puis pas de pogo sur le S-II. L’hydraulique du moteur J-2 central semble fuir, la pression tombe vite.

Là aussi pour une raison jamais élucidée, la pression du moteur ira se stabiliser à une valeur acceptable. Le moteur central est coupé tôt dans le vol pour éviter les vibrations des 2 derniers vols. C’était la seule façon de les éviter et ça fonctionne. Puis c’est l’allumage du S-IVB.

Dès l’allumage, les astronautes notent des oscillations à 20Hz du même genre que celles des vols précédents. Puis viennent s’ajouter quelques secondes plus tard des vibrations haute fréquence, là aussi (désagréablement) remarquées par les astronautes. Le J-2 est capricieux.

Premier arrêt du S-IVB, l’orbite basse est quasi-parfaite. Rallumage, après mise à feu des moteurs de tassement APS. Et là, une des bouteilles d’hélium [les boules visibles autour du moteur ci-dessous] de mise sous pression des APS se met à fuir rapidement à cause d’un joint défaillant.

L’étage S-IVB au Kennedy Space Center Visitor Complex (crédit Techniques Spatiales)

Avec un moteur APS un peu grippé, l’allumage se fait quand même bien et l’équipage part ainsi vers la Lune. Pendant la poussée finale, un commutateur coaxial défaille et le signal radio du S-IVB sera très mauvais jusqu’à la fin de la poussée (et du vol nominal).

Pour finir avec Apollo 10, 10h avant le décollage : le système de purge du fluide de refroidissement des électroniques s’est ouvert, et celui de la pile nucléaire (RTG) s’est retrouvé à sec.

Apollo 11 : un quasi sans faute

La 6è mission de la Saturn-V restera dans l’histoire comme celle du premier alunissage. Le lanceur de cette mission n’avait rien de très différent par rapport à d’habitude. Par rapport à Apollo 10, plusieurs équipements de la fusée ont été simplifiés.

Des appareils de mesure et de télémétrie, ainsi que de l’électronique de contrôle thermique dans les étages S-1C et S-II, ont été supprimés. Par contre, les ingénieurs ont revu en profondeur le S-IVB avec un J-2 amélioré (différent de ceux du S-II), des instruments, etc.

Roulage de la Saturn V d’Apollo 11 le 20 mai 1969 (crédit NASA)

Un cache du S-II ne se ferme pas au décollage, et le capot d’un bras de maintien ne se referme pas, l’endommageant salement.

Comme lors des 3 derniers vols, le moteur F-1 central se met à décharger du LOX sitôt la séparation d’étage effectuée. Le S-1C est pile sur sa trajectoire. Lors de l’allumage du S-II, la pression d’hélium de démarrage d’un moteur est trop basse, et une autre bonbonne fuit fort.

Early moments of the Apollo 11 launch
Un appareil photo du système de suivi optique léger aéroporté 70 mm (ALOTS), monté dans une nacelle sur la porte cargo d’un avion EC-135N de l’US Air Force, a photographié cet événement dans les premiers instants du lancement d’Apollo 11. Le vaisseau spatial Apollo accouplé et les deuxièmes (S-II) et troisième (S-IVB) étapes Saturn V s’éloignent du premier étage (S-1C) – Mercredi 16 juillet 1969 (crédit NASA)

Les moteurs 1 et 2 se retrouvent tantôt en sur-régime, tantôt en sous-régime. Globalement, l’étage est moins performant que prévu et la trajectoire dévie un peu. En fin de propulsion, le S-II a perdu 30 m/s par rapport à quand il a commencé à pousser.

La S-IVB s’allume sans problème, récupère la vitesse perdue par le S-II puis se met sur la bonne orbite de parking.
Par contre durant cette orbite, le contrôle thermique fonctionne mal et l’oxygène gazeux commence à se liquéfier dans le réservoir : la pression interne s’effondre.

Les vibrations à 20Hz sont toujours présentes pendant la mise sur orbite, rendant la fin de l’ascension assez désagréable. De nouvelles mauvaises connexions électriques rendent les transmissions difficiles.

Au final, peu d’incidents sur le lanceur ont lieu pour cette mission.

Apollo 12 :

Pour la mission Apollo 12, c’est le 7è vol de la Saturn V. Par rapport au vol précédent, la structure inter-étage entre les deux premiers étages a été modifiée, et l’instrumentation du S-II et du S-IVB a été améliorée.
Mais les problèmes ont commencé avant la mise à feu.

Deux jours avant le tir, un réservoir d’hydrogène du module de service fuit, et sera remplacé par celui d’Apollo 13. 17h avant le tir, une pause de 6h a lieu pour vidanger et re-remplir les réservoirs de ce même module. Mais le retard est rattrapé et ils tirent à l’heure.

Apollo 12 launch
L’énorme Apollo 12 (Spacecraft 108 / Lunar Module 6 / Saturn 507) décolle depuis le Pad A, Launch Complex 39, Kennedy Space Center (KSC), à 11 h 22 EST le 14 novembre 1969. À bord du vaisseau spatial Apollo 12 se trouvaient les astronautes Charles Conrad Jr., commandant; Richard F. Gordon Jr., pilote de module de commande, et Alan L. Bean, pilote de module lunaire (crédit NASA).

Le démarrage des moteurs F-1 ne se passe pas comme prévu. Au lieu d’un allumage séquentiel dit “1-2-2” (le moteur central puis 2 moteurs puis 2 autres), il y a eu un allumage 1-2-1-1. Le moteur n°4 a eu du retard à l’allumage pour une raison inconnue, sans grande conséquence.

Le reste de la phase propulsée se passe plutôt bien pour les moteurs, même s’ils sont un peu moins performants que prévu et qu’ils terminent la poussée avec une vitesse 10m/s trop faible par rapport à l’attendu.

Après 36,5s de vol, la fusée se prend la foudre au milieu des nuages. Mais aucun système du lanceur n’a vraiment été affecté : le S-1C n’a rien senti, le S-II 2 présente de petits signaux mineurs et le S-IVB a eu ses émissions radios affectées une fraction de seconde. Les piles à combustible du module de service ont été brièvement déconnectées.

Les effets d’une décharge électrique sont visibles au Pad A, Complexe 39, après le lancement de la Saturn V au début de la mission Apollo 12 à 11 h 22. EST, vendredi 14 novembre. Les responsables du projet étudient pour déterminer si un tel phénomène électrique a été à l’origine de l’arrêt des piles à combustible du module de service environ 36 secondes après le début du vol. Les astronautes d’Apollo 12 ont remis les piles à combustible en ligne peu de temps après (crédit NASA).

Puis le S-II s’est parfaitement allumé. Alors que le moteur central est coupé plus tôt pour éviter les vibrations, les 5 moteurs se mettent à osciller à 20Hz vers la fin du vol, et plus fort que jamais auparavant !

Pour la première fois, les contraintes mécaniques dépassaient celles pour lesquelles le lanceur a été conçu. L’issue aurait pu être dramatique si les poutres qui tiennent le moteur central s’étaient cassées. L’hydraulique semble en avoir souffert et a soudainement chauffé.

Le moteur J-2 du S-IVB s’est ensuite parfaitement allumé puis éteint pour la mise sur orbite.

Mais avant la 2e poussée du S-IVB vers la Lune, un problème assez sérieux est apparu : il existe un brûleur (une chaudière) sur le S-IVB qui sert à chauffer du gaz pour pressuriser les réservoirs. Il a été allumé et a bien fonctionné avant d’allumer les moteurs. Mais sa vanne d’arrivée de LOX refuse de se fermer en même temps que celle d’hydrogène pour l’éteindre. La combustion à l’intérieur devient “Ox-rich” [riche en oxydant] : le moteur commence à cramer son propre métal. La vanne d’arrivée d’hydrogène se perce, le LH2 revient donc aussi dans la chaudière, relançant l’allumage. Tout ça sort par une tuyère d’évacuation et ça accélère (de façon asymétrique) tout le train lunaire.

Localisation de la vanne d’arrivée de LOX

Au bout d’un moment, la pression d’oxygène commence à baisser, puis finalement une commande arrive à fermer la vanne de LOX pour une raison inconnue. Par contre jusqu’à la fin de l’hydrogène arrivera dans la chambre par la vanne percée.

Puis le système de pressurisation de secours, de l’hélium froid, passe par la chambre pour aller dans les réservoirs. Cet hélium va opportunément former un bouchon d’hydrogène solide qui va venir boucher la tuyère de cette chaudière et éviter ainsi la fuite continue d’ergols.

Deuxième poussée du S-IVB, puis c’est enfin fini pour ce lancement mouvementé.

Apollo 13 : le lanceur aussi a eu des ennuis

La préparation du 8è vol de Saturn V ne se fait pas sans problème. Une vanne de purge du réservoir de LOX du S-1C reste bloquée en position ouverte 2 heures avant le tir, ce qui le vide partiellement. Heureusement ce problème est réglé rapidement par l’envoi d’azote sous pression. En forçant des cycles d’ouverture/fermeture de la vanne, au bout d’un moment elle s’est refermée. Ils n’y ont plus touché ensuite.

L’étage S-II avait pour la première fois de la mousse isolante appliquée en spray comme isolant, comme plus tard la Navette Spatiale.

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Le Pad A, Launch Complex 39, Kennedy Space Center (KSC), avec le lanceur d’Apollo 13 (Spacecraft 109 / Lunar Module 7 / Saturn 508) pendant le test de démonstration de compte à rebours (CDDT). L’équipage de la troisième mission d’atterrissage lunaire de la NASA comprend les astronautes James A. Lovell Jr., commandant ; Thomas K. Mattingly II, pilote de module de commandement ; et Fred W. Haise Jr., pilote de module lunaire. Le lancement d’Apollo 13 est prévu à 14 h 13 EST, le 11 avril 1970 (crédit NASA)

Comme lors du vol précédent, le démarrage s’est fait en 1-2-1-1 parce que le moteur n°4 a été lent à l’allumage. Ce moteur n°4 avait été remplacé peu avant le vol et n’avait jamais été testé avec les autres, ce qui explique en partie sa mauvaise synchronisation.

Le moteur F-1 n°2 n’est pas passé loin d’un gros problème : la pression du lubrifiant (du RP-1) d’un de ses 3 roulements à billes a augmenté et été proche de la limite supportable. Des tests au sol ont montré que si celle limite était dépassée, le roulement explosait.

La séparation des étages S-1C et S-II s’est faite sans problème, à la bonne altitude et à la bonne vitesse. L’allumage des moteurs se fait sans problème, mais le moteur central commence à vibrer (comme précédemment) bien plus tôt que prévu. Et de plus en plus fort. Sauf que cette fois-ci ça n’est pas juste des oscillations acoustiques, c’est du pogo : le moteur oscille avec ses canalisations qui font osciller sa poussée et amplifie le phénomène. La croix de soutien du J-2 vibre à plus de 30g quinze fois par seconde.

Les accéléromètres attachés dessus saturent, le lanceur n’a jamais été conçu pour ça. La pression en entrée du moteur oscille beaucoup, et c’est une baisse trop importante de pression qui coupe le moteur avec 2 minutes d’avance pour éviter de la cavitation.

La trajectoire du lanceur se trouve pas mal impactée, et les 4 moteurs extérieurs se retrouvent à fonctionner 35 secondes de plus que prévu. Mais ça ne suffit pas, l’étage est éteint parce qu’il n’y a plus de LOX à bord et la fusée va trop lentement. Le S-IVB va devoir compenser.

Le S-IVB va fonctionner 10 secondes de plus pour rattraper l’accélération perdue par le S-II. L’injection trans-lunaire se passe bien, le S-IVB est mis ensuite sur une trajectoire d’impact avec la Lune. Mais pour une raison inconnue, il va perdre 3m/s en 1 min ce qui le fera s’écarter de sa cible.

Par chance, ce bug rapproche l’étage du sismomètre d’Apollo 12 et le signal de l’impact sera 4x plus important que prévu. Fin de la mission de la Saturn-V, mais celle d’Apollo 13 ne fait que commencer.

Et on connaît la suite… Apollo 13 n’est pas passé loin de la catastrophe pour les 3 astronautes.

Apollo 14 : presque un vol sans problème

Le 9è vol de la Saturn V s’avèrera être le plus proche de ce qu’on pourrait appeler un vol sans histoire.

Des ajustements ont lieu pendant le compte à rebours. Il fait plus froid que prévu et le RP-1 ne prend pas assez de place, donc les ingénieurs doivent remplir un peu plus les réservoirs. Du RP-1 va d’ailleurs se répandre sur le pas de tir au décollage avec une vanne restée ouverte.

Une batterie a surchauffé et a dû être changée sur le pas de tir. Un “hold[arrêt du compte à rebours] de 40 minutes a lieu à 8 minutes du décollage pour cause météo, l’azimut de tir est modifié de 3,5° en conséquence (roll program modifié). L’horloge de bord retarde de 0,3s mais tant pis, ils décollent comme ça !

Le décollage est nominal. Pour la première fois, le réservoir de LOX a un système venturi pour la pressurisation et remplace la vieille vanne d’oxygène gazeux. Ce système fonctionne très bien.

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Apollo 14 (Spacecraft 110 / Lunar Module 8 / Saturn 509) décolle depuis le Pad A, Launch Complex 39, Kennedy Space Center, Floride, à 16 h 03 EST le 31 janvier 1971. Cette vue du décollage a été prise par une caméra montée sur la tour de lancement mobile. À bord du vaisseau spatial Apollo 14 se trouvaient les astronautes Alan B. Shepard Jr., commandant; Stuart A. Roosa, pilote de module de commande; et Edgar D. Mitchell, pilote de module lunaire (crédit NASA)

A cause du “hold” de 40min, l’hydrogène du S-II s’est un peu trop réchauffé et les pompes n’aiment pas ça, ce qui génère quelques turbulences dans le générateur de gaz. Vu le dernier vol mouvementé, un système anti-pogo a été installé et fonctionne nominalement.

Par contre vers la fin du vol du S-II, le système de pressurisation du réservoir de LOX défaille à cause d’une vanne partiellement ouverte. Si cette vanne avait été seulement 10% moins bien ouverte, la mission était perdue car les 5 moteurs auraient été éteints…

Le S-IVB fait une mission quasi nominale (quelques déviations mineures) et termine sa course à moins de 300 km de sa cible sur la Lune.

Apollo 15 : encore des fuites

Apollo 15 est une mission avec une charge utile plus lourde : elle embarque notamment le rover lunaire. La Saturn V est donc une version améliorée.

Irwin Loads-up the Rover
Le pilote du module lunaire Apollo 15 James B. Irwin charge le “Rover”, Lunar Roving Vehicle (LRV) avec des outils et de l’équipement en préparation de la première activité extravéhiculaire lunaire (EVA-1) sur le site d’atterrissage de Hadley-Apennine. Une partie du module lunaire (LM) “Falcon” est à gauche (crédit NASA)

Avant le vol, le moteur n°1 a été changé suite à l’essai complet de l’étage suite à un défaut, avec pour conséquence, une séquence de démarrage des 5 moteurs qui se fera en 1-1-2-1 (une première) au lieu de 1-2-2.

Lors du démarrage des moteurs, le système d’extinction d’incendie s’est déclenché par erreur dans la chambre 4A, libérant ainsi des centaines de kg de poudre sèche.

Il y a eu une fuite lors du chargement d’oxygène, des faux messages d’erreur lors de celui d’hydrogène. Puis dès l’allumage, le moteur F-1 n°3 fait des siennes : il consomme 65% d’azote en plus que le pire moteur auparavant. L’azote sert à pressuriser les joints de la pompe.

Lors de la séparation d’étages S-1C/S-II, les 5 moteurs F-1 ont une poussée résiduelle plus forte que prévu. Heureusement que les 4 rétrofusées ont bien fonctionné sinon, même avec 3 rétrofusées, l’étage aurait pu remonter taper le S-II. Pour le prochain vol, les ingénieurs vont remettre les 8 rétrofusées comme pour les vols précédents. Ce fut le seul vol avec 4 rétrofusées.

Ensuite, le S-II fait pour la première fois en 10 vols une mission parfaite.

Le S-IVB fait de belles vibrations à 15Hz jusqu’à la mise sur orbite. Puis la vanne d’hydrogène du générateur de gaz fuit, de l’hydrogène liquide coule partout dans le moteur qui devient trop froid. Mais la seconde poussée vers la Lune se passe bien.

La trajectoire n’est pas parfaite puisqu’en orbite basse, de l’oxygène s’était mis à fuir pas une vanne de purge dégazant pas moins de 250 kg d’oxydant. De même après l’injection translunaire, un dégazage d’hélium a donné une impulsion de 2000 kg.s, l’impact sur la Lune de l’étage a été imprécis.

Impact du S-IVB d’Apollo 15 sur la Lune photographié par l’orbiteur LRO (crédit NASA/GSFC/LROC)

Apollo 16 : proche de l’annulation du rendez-vous avec la Lune

Il y a eu de nombreuses modifications du lanceur entre AS-510 et AS-511 (Apollo 16). Outre le retour à 8 rétro-fusées, on notera un changement de matériau pour les conduites de LOX, l’ajout de redondance dans les instruments et des canalisations redondantes et de capteurs dans les moteurs J-2.

Le compte à rebours se passe sans encombre après que des parties du S-II et du S-IVB ont dû être changées une fois le lanceur déjà assemblé. Puis, pendant le remplissage quelques vannes récalcitrantes et des capteurs erratiques, mais rien de bloquant.

Au décollage, un des accéléromètres indique à tort que le lanceur se déplace de 1m/s sur le côté. Le lanceur réagit mollement, et heureusement. Pour les prochains vols, les accéléromètres ne seront plus utilisés pendant les 10 premières secondes du vol.

Apollo 16 Launch
La Saturn V d’Apollo 16 transportant les astronautes John W. Young, Thomas K. Mattingly II et Charles M. Duke, Jr., décolle vers la Lune à 12 h 54 EST le 16 avril 1972 du Kennedy Space Center Launch Complex 39A (crédit NASA)

La manœuvre d’éloignement de la tour a été plus importante et plus longue que prévu, ce qui aura un impact sur la trajectoire. La poussée des moteurs F-1 est globalement nominale, et la fusée est sur la bonne trajectoire pour allumer son étage S-II.

Pour la première fois en 11 vols, la communication n’est pas perdue pendant la séparation des étages S-1C/S-II. Par contre contrairement à AS-510, elle sera de nouveau perdue lors de la séparation de la structure inter-étage autour des S-II qui a lieu 30s après l’allumage des 5 moteurs J-2.

Lors de l’allumage du S-II, le moteur n°4 consomme beaucoup plus d’hélium (de pressurisation) que prévu à cause d’une vanne trop lente. On voit que la pression diminue de 73 psi/s avant de se stabiliser. Les analyses post-vol ont remarqué que si la baisse avait duré 30 secondes de plus, ça aurait suffi à annuler la mission. Ils changeront de vanne pour les vols suivants.

Le S-IVB s’allume ensuite gentiment et termine la mise sur une orbite correcte (quoiqu’un peu trop rapide). Mais l’un des 2 moteurs d’appoints a été sur-pressurisé suite à une fuite d’hélium, puis a continué à fuir pendant tout le reste de la mission rendant l’étage peu contrôlable. L’impact sur la Lune sera très peu précis.

Dès le début du vol, la pression en azote pour refroidir la case à équipement (le “cerveau” de la fusée) s’est mise à chuter. Après 5 heures de vol, plus rien n’était refroidi et ça a commencé à sérieusement chauffer… La catastrophe n’était pas loin.

Apollo 17 : jamais sans quelques défaillances

Le 12è et avant-dernier vol de la Saturn V va envoyer Apollo 17 vers la Lune. Cette Saturn V a des moteurs F-1 améliorés, une toute nouvelle électronique pour les J-2 ainsi que des systèmes de purge repensés, et des modifications dans la case à équipements.

Avant le décollage, l’allumeur du moteur F-1 n°2 tombe en panne et sera remplacé. A 3 minutes du tir, le séquenceur responsable des évènements pré-vol tombe en panne et ne pressurise pas le réservoir de LOX du S-IVB. A H-30s, il y a un “hold” pour réparer, qui va durer… 2h40 !

Les responsables de la NASA évaluent les données du lanceurs pour déterminer la cause des problèmes techniques qui ont retardé le début du lancement d’Apollo 17 vers la Lune d’environ deux heures et demie. À gauche, dans le profil, se trouve le Dr. Kurt H. Debus, directeur du Kennedy Space Center; John J. Williams, directeur des opérations des engins spatiaux KSC; Walter J. Kapryan, main sur la tête, directeur des opérations de lancement du KSC; Dr. Robert H. Gray, en veste, directeur adjoint des opérations de lancement du KSC; Dr. Rocco A. Petrone, directeur du programme Apollo; et Isom A. Rigell, directeur adjoint des opérations de lancement du véhicule KSC. Dr. Hans F. Gruene, assis au centre, est le directeur des opérations de lancement du véhicule de KSC (crédit NASA)

Le tir initialement prévu au crépuscule peu après le coucher de Soleil va se décaler dans la nuit. Finalement ils n’arrivent pas à réparer le séquenceur, et forcent la pressurisation du réservoir de LOX du S-IVB. Tout le reste de la séquence sera nominal, ils décollent à 0h33.

A l’allumage, les moteurs F-1 font un peu n’importe quoi : au lieu d’allumer 1 moteur, puis 2 puis 2 (1-2-2), ils s’allument en 2-1-1-1. Bon, sans conséquence sur la structure heureusement. Les ingénieurs concluent que l’allumage des F-1 n’est pas finement réglable…

Pour une raison inconnue et déjà observée lors du static fire (les moteurs étaient tous testés avant le tir) le moteur n°2 vibre à 11Hz de façon assez violente mais en dessous des limites structurelles, mais sans pogo (ce n’est pas le moteur central).

Dès le décollage, une petite fuite probable dans le générateur de gaz du moteur n°1 fait chauffer le bâti moteur et dépasser les températures attendues. Heureusement la fuite reste contenue et semble s’être bouchée d’elle-même après 1 minute de vol.

Pour une raison pas très claire, l’étage S-II est assez peu performant. Tout semble bien fonctionner, mais l’impulsion spécifique (facteur de qualité) des moteurs est le plus faible jamais enregistré pour un vol de S-II. Cette perte de performance sera compensée pas le S-IVB.

Pour arriver à la même heure que prévue sur la Lune avant le “hold” de 2h40, le rallumage du S-IVB pour partir vers la Lune est avancé de 2h40. Les 2 allumages du S-IVB vont secouer les astronautes car le J-2 a décidé de vibrer à 18Hz comme il le fait parfois.

La case à équipements a décidé de faire des siennes aussi pendant ce vol puisque pendant le vol du S-II la télémétrie a figé à 2 reprises, et plus tard a fait faire une manœuvre erratique à la tuyère du S-IVB. Enfin, une batterie du S-IVB a surchauffé et a grillé en fin de vol.

Skylab : dernier vol de la Saturn V

Le 13è et dernier vol de Saturn V doit envoyer la station Skylab sur orbite. La configuration du lanceur est identique, sauf que le S-IVB a été vidé et transformé en station spatiale. Pour la 1è fois, Saturn V a une coiffe.

Ground-Level View of Pad A, Launch Complex 39, Kennedy Space Center
Une vue du Pad A, Launch Complex 39, Kennedy Space Center, Floride, montrant Skylab 1 / Saturn V peu après avoir été roulé depuis le bâtiment d’assemblage de véhicules (VAB). Le lanceur est composé du premier étage de Saturn V (S-1C), du Apollo Telescope Mount (ATM), du Multiple Docking Adapter (MDA), du Airlock Module (AM), et du Orbital Workshop (OWS) – 16 avril 1973 (crédit NASA)

Afin de ne pas avoir à modifier la case à équipements, elle fut installée au même endroit qu’avant, c’est-à-dire en haut du S-IVB/Skykab. Elle servira à contrôler la station également. Sous la coiffe, un nœud d’amarrage et des instruments.

Il y a beaucoup de modifications sur le lanceur :
– S-1C : les moteurs s’éteignent par paire (1-2-2) comme à l’allumage pour baisser les contraintes sur les télescopes.
– S-II : nombreuses modifications comme l’ajout de 1,2t de ballast dans la structure inter-étage pour augmenter son inertie et limiter le risque de collision en le larguant, modifications de matériaux, ajout d’une redondance pour la séparation de structure inter-étage, ajout de systèmes de purges, etc.

– Des modifications de la case à équipements entre AS-512 et AS-513 : tout le logiciel a été amélioré ou changé, de même que les interfaces électriques, les structures, etc.

L’allumage des moteurs F-1 aurait du se faire par paire, mais pour finir chaque moteur s’est allumé l’un après l’autre sans que les paires soient vraiment visibles. L’accélération est plus rapide qu’avec Apollo et la pression en entrée moteur est d’autant plus augmentée. Cette hausse de pression va légèrement augmenter l’Isp des F-1. De plus, un peu de vent de dos va accélérer la fusée. Pour finir, la Saturn V avance 18 m/s trop vite au moment de l’extinction du S-1C. La pression dynamique maximale fut très élevée.

Les modifications faites au lanceur font qu’il n’a plus les mêmes modes de résonance structurelle. Et c’est ainsi que l’effet pogo va réapparaître sur le S-1C, secouant tout le lanceur à 6Hz dans le sens haut/bas. Au bout d’une minute de vol, tout le lanceur vibre d’un coup. Il sera découvert que la protection contre les météorites de Skylab vient de s’arracher sous la pression du vent et a envoyé des débris un peu partout plus bas sur le lanceur.

Cette photo, réalisée à longue distance du module de commande lors de l’approche de Skylab 2 du complexe Skylab 1 lors d’une inspection, présente la station orbitale avec la zone du bouclier micrométéoroïde manquant visible (crédit NASA)

Plus tard, à 10 min de vol, un panneau solaire déjà endommagé par cet évènement commence à se déployer en plein vol. Il sera arraché, modifiant temporairement la trajectoire du lanceur et compliquant ensuite la vie des astronautes.

Une vue de Skylab avec le panneau solaire gauche manquant – photographiée par le module de commande et de service Skylab-4 (crédit : NASA)

Puis viennent la séparation d’étage S-1C/S-II et l’allumage des moteurs du S-II. Tout se fait parfaitement.
Après 30 secondes, la jupe inter-étage doit être larguée. Mais bizarrement, les J-2 commencent à chauffer et la fusée accélère moins vite que prévu.

Les morceaux de bouclier arrachés ont endommagé le cordon explosif de la structure inter-étage, et un quart du cerclage qui fait le tour du S-II n’explose pas. La structure reste attachée avec ses 1,2 tonne de plomb de ballast. Et les moteurs chauffent énormément.

Si cela avait eu lieu lors d’un vol Apollo, ça aurait été une annulation immédiate de la mission lunaire. Par “chance”, l’arrachage des éléments de Skylab a fait gagner 270 kg à l’ensemble, et le S-1C a sur-performé. Et heureusement qu’il y avait pas mal de marge au décollage !

Tout le bâti moteur brûle. Des températures 150°C plus élevées que prévu sont mesurées tout autour, et les systèmes hydrauliques et électriques sont mis à rude épreuve. De façon incroyable, tout a fonctionné nominalement, même si tout avait à moitié cramé.

Le S-II a poussé plus longtemps pour contrebalancer le lest toujours attaché, et à cause de la chaleur dans la structure les réservoirs de LOX et de LH2 se sont mis à chauffer et à bouillir plus vite que prévu, devant purger en cours de vol ce trop-plein de gaz.

Finalement tout se termine bien pour AS-513, comme pour l’ensemble des missions Apollo.

Le fil complet de Techniques Spatiales


Comme le montrent toutes ces explications, un lanceur est un système complexe et même si la mission est réussie, les ingénieurs rencontrent de nombreux problèmes.

N’oublions pas non plus, que la première mission d’Apollo avec équipage, Apollo 1, a entraîné la mort tragique de 3 astronautes lors d’un test de répétition au sol.

Durant le programme STS, 11 Navettes Spatiales ont dû être reconduites au bâtiment d’assemblage final pour réparer quelque chose. Plusieurs reports de vol ont eu lieu. Les reports pour les missions non habitées pour des raisons techniques sont également nombreux.

Contrairement aux années 1960/1970, la prise de risque n’est plus la même. La NASA a perdu 14 astronautes à cause d’incidents au décollage avec les Shuttle. On peut comprendre les précautions prises par la NASA au moment du décollage du SLS.

2 réflexions sur “Saturn V : Un lanceur pas si parfait

  • Michel Clarisse

    Tous ces problèmes sont sans doute l’une des explications de l’annulation des missions Apollo 18, 19 et 20.

    Et que dire de la N-1 (Nositel-1) !…

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  • Vrins+Michel

    Oui, le 100% n’existe pas.
    Mais la Nasa, entreprise publique, doit honorer des contrats. Elle ne peut éviter, subventions obligent, à commander cher Boeing. Or Boeing connait de sérieux problèmes de management : trop composite, elle fait appel à des sous-traitances, ce qui complique la centralisation de données, la cohésion des équipes.
    Orion était un concurrent de SpaceX pour les transports vers l’ISS. Son vol d’essais fut un échec, le vaisseau ne s’étant pas mis sur la bonne orbite ; la Nasa a contraint Boeing à revoir sa copie : plus de 60 points problématiques ont été relevés, y compris sur le lanceur … Recadré, Boeing a fatalement cumulé du retard.
    Artémis 1 a été testé, y compris des remplissages des carburants ; des défauts ont été relevés et réparés …
    La crainte est que ce vaisseau n’en finisse pas d’avoir des soucis à chaque tir, malgré les tests. Cette fois, des soucis de joints, de capteurs … qui n’avaient pas été révélés lors des précédents tests.
    La fiabilité est donc mise à l’épreuve car à chaque vidange, l’équipement souffre.
    A côté de cela et sans prendre parti, SpaceX développe son lanceur, d’une tout autre conception. Les essais montrent de nombreuses choses à revoir, mais Starship progresse et se montre très compétitif (surfaces de vie, récupérations …). Entreprise privée, elle se défend et veut gagner des parts de marché. Boeing n’a pas cette compétitivité.
    Le contexte n’est donc pas comparable à la Saturne V qui, pour l’époque, était d’une incroyable ingénierie.
    Votre article est bien évidemment intéressant, d’autant qu’il apporte des informations méconnues du grand public. Merci à vous.

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