Rêves d'Espace

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Retour sur la Lune avec Artemis

Artemis, c’est le nom du nouveau programme lunaire de la NASA.

Je vous propose une synthèse de ce programme qui fera revenir l’Homme sur la Lune avec les hypothèses connues à ce jour. Un tel programme pourrait connaître tellement d’impondérables que les dates annoncées ou les scénarios prévus pourraient changer dans les mois ou années à venir.

Pour rester sur la Lune

La NASA ne souhaite pas refaire les mêmes missions qu’Apollo : quelques jours à la surface de la Lune et puis s’en vont.

Au-delà de l’atterrissage prévu lors de la mission Artemis 3 sur le pôle sud, le programme Artemis envisage des voyages d’astronautes dans d’autres parties de la Lune, ainsi que la construction d’une base lunaire et d’une petite station spatiale en orbite autour de la Lune appelée Lunar Gateway, pour laquelle les premiers composants devraient être lancés en 2024.

Présentation des différentes phases d’Artemis pour le retour sur la Lune (crédit NASA)

Artemis comprend ainsi un vaisseau habité, Orion, un lanceur lourd, le SLS, une station spatiale en orbite lunaire, la Gateway, avec une logistique de réapprovisionnement, des systèmes d’atterrissage habités et des systèmes pour supporter les expéditions d’astronautes sur le sol lunaire, ainsi que le soutien des installations et des systèmes terrestres [voir plus bas].

Phases de développement d’un retour durable s_ur la Lune (crédit NASA)

A l’instar de la commercialisation de l’orbite basse qui a commencé avec les vols de cargos puis les vols habités vers la Station Spatiale Internationale (Commercial Crew Program), la NASA veut développer une économie lunaire avec de nouvelles industries, en soutenant la croissance de l’emploi [américain de préférence] et en renforçant la demande d’une main-d’œuvre qualifiée dans le cadre de partenariats public-privé. C’est ainsi que la NASA argumente auprès du congrès américain pour obtenir son budget d’exploration [pour aller plus loin : FY 2033 budget request].

La mission Artemis 1 dans cet articleObjectif Lune : la première mission Artemis“. Je détaillerai les missions Artemis 2 et suivantes dans de futurs articles.

Une plus grande diversité dans les équipages Artemis

Nommé depuis la déesse grecque, sœur d’Apollon, en référence au programme Apollo qui a vu les premiers pas d’Hommes sur la Lune. Ce nom féminin n’est pas le fruit du hasard pour ce programme ambitieux. Il se veut plus représentatif de la société actuelle.

Pour rappel, lors des missions Apollo, les équipages étaient constitués de 100% d’hommes, la plupart d’anciens militaires. Pour Artemis, la NASA l’a annoncé :

La NASA fera atterrir la première femme et la première personne de couleur sur la Lune, ouvrant la voie à une présence lunaire à long terme et servant de tremplin pour envoyer des astronautes sur Mars.

Communiqués officiels de la NASA

Au-delà de cette volonté de diversité qui n’était pas présente lors du programme Apollo, d’autres différences notables sont présentes.

Dès décembre 2020, la NASA annonçait la pré-sélection de 18 des ses astronautes pour les missions Artemis :

Les équipages à partir d’Artemis 4 devraient embarquer des non-américains, notamment des astronautes européens, canadiens ou japonais.

La participation d’autres nations

La NASA ne va pas retourner seule sur la Lune. Elle va collaborer avec des partenaires commerciaux et internationaux.

En octobre 2020, l’ESA a signé un accord avec la NASA pour contribuer à la construction des modules d’habitation et de ravitaillement et de communications lunaires pour la future station en orbite lunaire : la Lunar Gateway (la passerelle lunaire). L’ESA va ainsi fournir le module d’habitation I-HAB [voir plus loin].

En décembre 2020, le Canada a signé un accord avec la NASA pour participer à la Lunar Gateway et fournir une robotique externe avancée. Le système robotique externe fourni par l’ASC comprend un bras robotique de nouvelle génération, le Canadarm3.

En décembre 2020 également, le Japon a finalisé un accord avec la NASA pour fournir plusieurs capacités pour l’I-HAB. Les contributions prévues de JAXA comprennent le système de contrôle environnemental et de survie d’I-HAB, les batteries, le contrôle thermique et les composants d’imagerie, qui seront intégrés dans le module par l’ESA avant le lancement.

D’autres pays ont signé les Accords Artemis. Certains d’entre eux n’ont pas vraiment d’activités spatiales à ce jour mais la NASA cherche justement de nouveaux partenaires pour l’exploration lunaire, la science et les activités commerciales en orbite et sur le sol lunaire, mais aussi pour l’exploration martienne et des astéroïdes à venir [Article dédié : Accords Artemis : Une réinvention du droit de l’Espace dans le fond et la forme].

Les pays ayant signé les accords Artemis au 11/09/2023 (crédit NASA)

Les piliers du programme

Pour le programme Artemis, plusieurs éléments sont nécessaires pour l’exploration de la Lune, que ce soit en orbite ou sur le sol lunaire.

Le lanceur SLS

La NASA a développé depuis plusieurs années un lanceur lourd : le Space Launch System.

Il est plus puissant que la Saturn V des missions Apollo et comporte plusieurs variantes.

Comparaison des tailles du SLS et de Saturn V et de la Navette Spatiale (crédit Nature)

Détails sur le lanceur sur cette page : Le Space Launch System.

Le SLS sur le pas de tir le 2 septembre 2022 (crédit NASA)

Le vaisseau Orion

Pour emmener les astronautes en orbite lunaire, le vaisseau s’appelle Orion.

La NASA a fait appel à Lockheed Martin comme maître d’œuvre mais l’Agence Spatiale Européenne fournit le module de service du vaisseau.

A découvrir sur cette page : Le vaisseau lunaire Orion

La Lunar Gateway

La Lunar Gateway est un élément essentiel du programme Artemis de la NASA. Cette “passerelle” [gateway en anglais] servira d’avant-poste polyvalent en orbite autour de la Lune.

Illustration de la Gatway en orbite lunaire avec le vaisseau Orion qui s’approche (crédit Thales Alenia Space/Briot)

Elle permettra le transfert des équipages entre l’orbite et le sol lunaire via l’atterrisseur HLS.

Lors des missions régulières Artemis, il est prévu que les astronautes vivent et travaillent en partie sur la station spatiale lunaire mais celle-ci, contrairement à la Station Spatiale Internationale qui est continuellement habitée depuis plus de 20 ans, ne sera pas forcément occupée à plein temps.

La Gateway accueillera également des expériences scientifiques et fournira des données supplémentaires sur les impacts des vols dans l’espace lointain sur les humains et les systèmes embarqués.

Au fil du temps, la Gateway devrait devenir le passage obligé pour le développement de dépôts de ravitaillement, de plates-formes d’entretien et une installation de traitement d’échantillons lunaires et d’autres corps célestes.

Les différentes pièces de la Gateway et ses différents contributeurs en septembre 2019 (crédit NASA)

Plusieurs modules sont d’ores-et-déjà prévus sur la Gateway qui sera en orbite quasi rectiligne de halo NRHO (comme CAPSTONE). Cette orbite permet notamment un accès facilité à différents lanceurs (SLS et Starship par exemple), des communications continues avec la Terre et des études sur les radiations pour de futurs voyages vers Mars.

Illustration des différentes orbites lunaires possibles mais c’est NRHO qui a été choisi pour la Gateway (crédit NASA)

La NASA a déjà concentré le développement de la Gateway sur les deux premiers éléments de la Gateway : l’élément de puissance et de propulsion (PPE – Power and Propulsion Element) et l’avant-poste d’habitation et de logistique (HALO) qui seront lancés ensemble sur une Falcon Heavy. Le module d’habitation I-HAB est également en construction et est fourni par l’ESA.


Le PPE, Power and Propulsion Element

L’élément d’alimentation et de propulsion PPE est un module de propulsion solaire électrique de 60 kilowatts de haute puissance qui fournira de l’énergie, des communications à haut débit, un contrôle d’attitude et des capacités de transfert orbital pour la Passerelle.

C’est Maxar Technologies qui développe et construit ce module.

Illustration du PPE (crédit MAXAR)

HALO (Habitation and Logistics Outpost)

HALO est le second module de la configuration initiale de la Gateway. C’est une cabine pour l’équipage appelée l’avant-poste d’habitation et de logistique (Habitation and Logistics Outpost).

HALO est l’endroit où les astronautes vivront (dormir, manger et faire de l’exercice) et mèneront des recherches lors de leur visite à la Gateway. Il y aura des équipements de recherche à l’intérieur mais aussi à l’extérieur.

Ils pourront y faire les communications avec les expéditions sur la surface lunaire grâce au système de communication lunaire HLCS (HALO-Lunar Communication System) qui sera fourni par l’ESA.

Les quartiers d’habitation pressurisés fourniront des systèmes de commande et de contrôle pour la Passerelle et des ports d’amarrage pour les engins spatiaux en visite, tels que le vaisseau Orion, les atterrisseurs lunaires et les cargos de réapprovisionnement.

Les batteries fournies par la Japan Aerospace Exploration Agency (JAXA) alimenteront HALO jusqu’à ce que les panneaux solaires EPI puissent être déployés et pendant les périodes d’éclipse. Les interfaces robotiques fournies par l’Agence Spatiale Canadienne (ASC-CSA) hébergeront des charges utiles et fourniront des points de base pour les opérations robotiques du Canadarm3.

HALO permettra également l’agrégation d’éléments habitables supplémentaires pour étendre les capacités de la Gateway.

HALO est développé sous la maîtrise d’œuvre de Northrop Grumman.

Illustration du module HALO connecté au PPE en orbite lunaire (crédit Northrop Grumman)

Le module d’habitation I-HAB

L’I-HAB est un module pressurisé qui fournira des logements supplémentaires aux astronautes pour permettre des missions de plus longues durées jusqu’à 90 jours. Il comprend plusieurs ports d’amarrage pour les vaisseaux ou cargos ainsi que d’autres modules.

Il offrira environ 10 mètres cubes d’espace de vie et, avec le module HALO, fournira suffisamment de place pour quatre astronautes.

Le module de ravitaillement comprendra également des fenêtres d’observation de l’équipage.

l’I-HAB est l’une des contributions majeures de l’ESA à la Gateway. La JAXA fournit le système de support de contrôle environnemental, ainsi que d’autres équipements tels que les pompes de refroidissement thermique et les batteries.

Au centre ici de la Gateway, le module européen I-Hab (crédit ESA/NASA/ATG Medialab)

Le Gateway External Robotic System (GERS) ou Canadarm3

Le Canadarm3, dérivé des bras robotiques Canadarm sur la Navette Spatiale et l’ISS, se déplacera de bout en bout pour atteindre de nombreuses parties de l’extérieur de la passerelle, où sa «main» d’ancrage se branchera sur des interfaces spécialement conçues.

Concept d’artiste du grand bras du Canadarm3 sur la passerelle lunaire (crédits : CSA, NASA)

Communications module and connecting module (ESPRIT)

Il est prévu une deuxième contribution de l’ESA à la Gateway avec ESPRIT (European System Providing Refueling, Infrastructure and Telecommunications).

Le module de ravitaillement ESPRIT a quatre fonctions principales : transporter du fret vers la station, fournir un espace de stockage une fois amarré à la Gateway, fournir du carburant au système de propulsion PPE, et fournir une vue sur l’espace et la Lune à travers ses fenêtres similaires à l’observatoire Cupola sur l’ISS (construit en Europe).

Le maître d’œuvre et concepteur d’ESPRIT est Thales Alenia Space à Cannes (France).

Illustration du module ESPRIT amarré à la Gateway (crédit Thales Alenia Space)

Des sas et des modules logistiques devraient compléter à terme la Gateway.

Human Landing System

Le HLS ou Human Landing System (système d’atterrissage humain) sera le premier véhicule commercial pour transporter les humains vers et depuis la surface de la Lune. La NASA a demandé que ce soit un système d’atterrissage réutilisable contrairement au LM d’Apollo.

La NASA a attribué un contrat pour le développement complet d’une capacité d’atterrissage initiale à SpaceX en avril 2021. En mars 2022, la NASA a demandé des propositions aux autres fournisseurs potentiels pour une solution d’atterrisseur redondante.

Actuellement il est prévu que pendant la mission Artemis III, le HLS de Space X, c’est-à-dire le Starship, s’amarre d’abord avec Orion en orbite lunaire pour le transfert d’équipage, après quoi le HLS descendra sur la surface lunaire avec deux astronautes pour un séjour d’environ six jours où ils effectueront des sorties extra-véhiculaires pour mener des objectifs scientifiques comme collecter les matériaux de la surface lunaire. Le HLS montera ensuite de la surface à l’orbite lunaire pour un nouveau rendez-vous avec Orion.

Concept des opérations d’Artemis 3 avec le Starship de SpaceX (crédit NASA)

Artemis Base Camp

Pour donner aux astronautes un endroit où vivre et travailler sur la Lune, le concept Artemis Base Camp (ou camp de base Artemis) comprend un habitat de surface fixe, un rover non pressurisé et un abri mobile.

Le rover non pressurisé ou véhiculaire lunaire de terrain ou LTV (Lunar Terrain Vehicle) devra transporter les équipages autour des zones d’atterrissage. La plate-forme de mobilité habitable et donc pressurisée devra permettre aux équipages de traverser la Lune jusqu’à 45 jours.

L’habitat de surface abriterait jusqu’à quatre membres d’équipage. Il devra être alimenté par un système de fourniture de puissance pour les nuits lunaires.

De nouveaux scaphandres de sorties extra-véhiculaires sont également en cours de conception. Ils devront être modernes et surtout robustes au régolithe lunaire extrêmement abrasif et qui se niche partout.

Illustration d’un camp de base Artemis par la NASA

Pour compléter, plusieurs missions d’exploration robotique et d’apport de frets (fournitures aux équipages et expériences scientifiques) sur le sol lunaire sont prévues dans le cadre du programme CLPS pour Commercial Lunar Payload Services pour lequel la NASA passe des contrats avec plusieurs entreprises américaines [article à venir].


Il ne faudrait pas oublier toutes les personnes et les infrastructures sur Terre pour mener à bien cette nouvelle exploration lunaire : les ingénieurs et techniciens de la conception à la fabrication, les moyens sols comme la tour de lancement du SLS et le crawler (le gigantesque tracteur du lanceur pour le roulage entre le bâtiment d’assemblage final et le pas de tir), les centres de missions du lanceur, du vaisseau, et de la station lunaire, et bien plus encore…

Le pôle sud comme lieu d’atterrissage

Alors que les missions Apollo étaient situées relativement proches de l’équateur sur le côté de la Lune qui fait face à la Terre, les missions Artemis devraient atterrir près du pôle sud de la Lune.

Cartes des sites d’alunissage Apollo et des futures missions Artemis (crédit Nature)

Le pôle sud lunaire n’a jamais été exploré par des astronautes ou des atterrisseurs jusqu’à ce jour. Quelques missions robotiques devraient précéder les missions habitées comme VIPER (Volatiles Investigating Polar Exploration Rover) en 2024 [article à venir !].

Parce que la lumière du Soleil n’atteint jamais certaines parties du pôle sud, certaines zones pourraient être gelées depuis des milliards d’années. Elles pourraient contenir de la glace et d’autres composés qui sont rares sur la Lune. En trouvant ces substances volatiles et en les étudiant, les scientifiques pourraient avoir un aperçu de l’origine et de l’évolution de la Lune, ainsi que de l’histoire plus large du Système Solaire, y compris de la Terre.

Plusieurs sites d’atterrissage potentiels se trouvent près du cratère Shackleton de 21 kilomètres de large, qui se trouve au pôle sud et porte le nom de l’explorateur antarctique Ernest Shackleton [article à venir aussi].

Un planning ambitieux

Voici le planning annoncé en octobre 2022 par la NASA pour les différentes phases du retour durable sur la Lune

Mars en ligne de mire

La NASA ambitionne d’envoyer des Humains sur Mars dans les années 2030. En plus de son programme robotique pour mieux comprendre la planète (Curiosity, Perseverance, Mars Sample Return et les orbiteurs), le programme Artemis est pour elle une bonne façon de préparer ses missions martiennes.

L’une des évolutions du SLS pourrait permettre d’envoyer des astronautes dans l’espace lointain. La Lunar Gateway servira à tester plusieurs technologies et à surveiller les effets des radiations (ces radiations sont limitées en orbite basse). Les rovers, les scaphandres, les habitats de surface et les centrales électriques seront construits avec les missions futures vers Mars à l’esprit.

Pour la NASA, presque tous les systèmes déployés sur la surface de la Lune serviront de prototypes pour les futurs systèmes à la surface de Mars.

Mais la route vers Mars reste longue avec de nombreux défis à relever.


Je détaillerai au fur et à mesure les différents éléments d’Artemis. Car j’espère que les années à venir seront riches pour le blog aussi !

3 réflexions sur “Retour sur la Lune avec Artemis

  • Michel Clarisse

    Le 13 décembre 2022, le Rwanda et le Nigeria sont devenus les 22e et 23e pays à avoir signé les “Artemis Accords”. Ce sont aussi par la même occasion les deux premiers pays africains à l’avoir fait.

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