Rêves d'Espace

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Ariane 5 : L’heure de la retraite a sonné après 27 ans de succès

L’aventure d’ingénierie et humaine d’Ariane 5 vient de prendre fin le 5 juillet à 22h00 UTC avec le dernier lancement VA261, son 117e vol.

VA261 car c’est le 261e vol d’une fusée Ariane depuis 1979.

Ariane 5, c’est 27 ans d’aventure spatiale européenne avec un taux de fiabilité exceptionnel : 98,4%.

Des débuts difficiles et de nombreux satellites sur orbite

Le premier vol inaugural d’un lanceur est toujours un grand moment pour les équipes de développement. Le vol V501 ou VA88 en juin 1996 restera malheureusement un très mauvais moment alors qu’il se solde par la destruction commandée du lanceur qui déviait de sa trajectoire.

Ce n’est pas l’étage central à hydrogène liquide, ni les propulseurs à poudre (les EAP), qui sont en cause mais une anomalie logicielle, notamment un mauvais héritage de code d’Ariane 4.

Le deuxième lancement en octobre 1997 est un échec partiel (atteinte d’une orbite dégradée) mais par la suite, c’est un quasi sans-faute.

En tout, 115 lancements réussis sur 117 entre juin 1996 et juillet 2023.

Ariane 5 connaîtra également 1 autre échec, VA157 en décembre 2002 et 2 mises sur orbite dégradée, VA142 en juillet 2001 et VA241 en janvier 2018.

L’échec de 2002 (VA157) a lieu lors de la mise en service de la version ECA (Evolution Cryotechnique type A), la plus puissante version d’Ariane 5, avec une augmentation de la charge propulsive dans ses boosters solides et une capacité accrue de combustible cryogénique dans l’étage principal pour alimenter le moteur principal Vulcain 2.

La variante ECA est la version ayant le plus réalisé de missions Ariane 5 depuis 2006 et la version volant exclusivement depuis 2019. Sa capacité de charge utile en orbite de transfert géostationnaire (GTO) dépasse les 11 tonnes.

Ariane 5 VA240
Moment d’allumage du moteur principal Ariane 5 VA240 le 12 décembre 2007 au port spatial européen de Kourou, en Guyane française, juste avant l’allumage des EAP. Le système de suppression acoustique vient de commencer à pomper de l’eau sur la rampe de lancement (crédits : ESA / M. Pédoussaut)

Des succès et des missions mémorables

76% des satellites lancés par Ariane 5 sont des satellites de télécommunications, pour la majorité des opérateurs de télécommunications par satellites dans le monde (Eutelsat, Intelsat, SES, Telesat, Inmarsat, JSAT, …). Normal, vu que le lanceur a été développé principalement pour ce marché.

239 satellites, pour une masse cumulée de près de 950 tonnes, ont été placés sur orbite nominale, dont 197, soit 82% en orbite de transfert géostationnaire (GTO).

Les missions mémorables d’Ariane 5 pour l’ESA

Mais Ariane 5 a aussi mis sur orbite cinq cargos européens ATV à destination de la Station Spatiale Internationale entre 2008 et 2015. Ils font partie des charges utiles les plus lourdes lancées par Ariane 5 : 20 tonnes sur orbite basse.

ATV-5 on Ariane 5 before encapsulation
Le cargo ATV-5 a été installé sur son lanceur Ariane 5 dans le BAF (Bâtiment d’Assemblage Final) le 11 juillet 2014. Le cinquième et dernier véhicule de transfert automatisé de l’ESA, Georges Lemaître, livrera plus de 2600 kg de fret sec à la Station Spatiale Internationale (crédits : ESA – M. Pedoussaut)

Douze des 24 satellites de navigation européenne Galileo actuellement opérationnels ont été lancés par Ariane 5 par groupe de 4, doublant la capacité de la Soyouz guyanaise utilisée pour les autres lancements. Les trois missions Galileo d’Ariane 5 ont été lancées en novembre 2016, décembre 2017 et juillet 2018.

Ariane 5 VA233
Vol Ariane 5 VA233 le 17 novembre 2016 avec quatre satellites Galileo (crédits : ESA / S.Corvaja)

Lors du 4e vol, en décembre 1999, c’est le premier vol commercial avec le lancement du télescope spatial en rayons X XMM-Newton. Ce satellite dont la durée de vie était de 2 ans est toujours en opérations.

Ariane 5 et sous la coiffe XMM (crédit ArianeGroup)

L’une des missions les plus emblématiques est sans doute Rosetta. Initialement prévue en 2003, la mission a dû trouver une nouvelle destination, la comète 67P/Churyumov–Gerasimenko, à la suite de l’échec de VA157 de 2002 qui avait cloué Ariane 5 au sol pendant plusieurs mois

Rosetta décolle de Kourou le 2 mars 2004 à bord d’Ariane 5 VA 158 (crédit ESA/CNES/ARIANESPACE-Service Optique CSG, 2004)

D’autres belles missions décollent avec Ariane 5 comme les deux télescopes Herschel et Planck en 2009 ou la sonde BepiColombo à destination de Mercure en 2018.

Fin 2021, le lancement du très attendu James Webb Telescope est l’un des moments forts de l’année et de la carrière d’Ariane 5. Il ne fallait pas rater la mise sur orbite de cet observatoire à plusieurs milliards de dollars et espéré par la communauté scientifique depuis tant d’années.

Humanity’s Last Glimpse of the James Webb Space Telescope
Le JWST s’éloigne de l’étage supérieur d’Ariane 5 le 25/12/2021 (crédit Arianespace, ESA, NASA, CSA, CNES)

Elle aurait dû être la dernière passagère d’Ariane 5, mais un retard du satellite Heinrich-Hertz a fait changer l’ordre des vols, la mission JUICE a décollé en avril 2023 à destination de Jupiter et de ses lunes glacées, clôturant les belles missions d’exploration lancées par Ariane 5.

Juice encapsulated in Ariane 5 fairing
Le 4 avril, Juice a été encapsulé à l’intérieur de la coiffe d’Ariane 5 (crédit : ESA – M. Pédoussaut)

Désormais place à Ariane 6

Crédit Arianespace

Ariane 5 reste une très belle réussite de la coopération européenne de plus de 600 entreprises impliquées dans le programme. Ariane est créée, fabriquée et financée par plusieurs pays européens (dont l’Allemagne et la France) sous la direction de l’Agence Spatiale Européenne (ESA). ArianeGroup est le maître d’œuvre de la fusée.

Les pays contributeurs à Ariane 5 (crédit Arianegroup)

Ariane 5 se retire du marché pour faire place à un lanceur “plus compétitif, plus puissant et plus polyvalent” selon Arianespace : Ariane 6 [Article à venir sur Ariane 6]. Ariane 5 n’est plus adaptée au marché des satellites actuels avec de plus en plus de constellations, des lancements “rideshare” de plusieurs satellites ou déployeurs, ou carrément de très grosses charges utiles.

Prévue un temps pour le vol habité avec la navette Hermès, l’Europe n’a pas franchi le cap du temps d’Ariane 5. Les ambitions actuelles de l’ESA en ce sens pourraient changer la configuration des futurs lanceurs et du Centre Spatial Guyanais.

On regrettera l’absence quasi permanente de caméras embarquées dans Ariane 5 pour suivre le décollage “comme si on était dans la fusée”. On espère un changement de stratégie de communications pour Ariane 6.

Ariane 6 doit prendre la relève dans quelques mois mais le développement et les essais finaux ont pris du retard. C’est souvent le cas pour un nouveau lanceur. Mais on peut regretter qu’Arianespace et ses partenaires n’aient pas prévu de recouvrement des 2 lanceurs comme ce fut le cas entre Ariane 4 et Ariane 5.

L’Europe va rester plusieurs mois sans aucun lanceur (en attendant la reprise des vols Vega-C), l’obligeant à lancer ses propres satellites sur des lanceurs américains comme ce fut le cas il y a quelques jours avec le télescope Euclid, et comme il est prévu pour le satellite d’observation EarthCare et peut-être d’autres.

Il ne reste plus qu’à espérer un aussi beau succès à Ariane 6 et rester nostalgique d’une fusée emblématique que fut Ariane 5, dont j’ai eu le privilège de voir 3 décollages (Souvenirs de campagne 2009, Campagne mars/avril 2010 puis mai 2010). J’espère voir évidemment un vol Ariane 6 !

Sources multiples dont ESA et Arianespace et pour les statistiques Un autre regard sur la Terre

Image de couverture : ESA/S.Corvaja

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