L’actualité spatiale du 12 au 18 novembre: GSLV, Falcon 9 , Progress MS-10 et Cygnus NG-10, Virgin Orbit
Et encore plein de lancements cette semaine !
Le lanceur lourd indien GLSV Mark 3 confirme
Mercredi 14 novembre, le lanceur GSLV a mis sur orbite de transfert géostationnaire le satellite de télécommunications GSAT-29 après un décollage à 1h38 UTC depuis le Satish Dhawan Space Center (Sriharikota).
Il s’agit du second vol orbital opérationnel du lanceur GSLV Mk 3 (Geosynchronous Satellite Launch Vehicle) Mk.III, le premier vol orbital ayant eu lieu en juin dernier, et le premier vol test en 2014. Ce lanceur lourd de 43,4 mètres de haut et de 630 tonnes est conçu pour rendre l’ISRO entièrement autosuffisante dans le lancement de satellites de télécommunications lourds (4500 à 5000 kg) en orbite géostationnaire. La fusée est composée d’un premier étage constitué de deux gros propulseurs à propergol solide, d’un 2e étage à propergol liquide et d’un dernier étage à moteur cryogénique.
Le prochain lancement d’une GSLV Mk3 est prévu pour début 2019 avec la mission Chandrayaan 2 vers la Lune [article à venir en temps et en heure ?], et à terme pour des vols habités.
Le satellite GSAT-29, d’une masse au décollage de 3 423 kg, est un satellite de télécommunications fabriqué en Inde, équipé de transpondeurs de communication à haut débit en bande Ka / Ku, pour réduire la fracture numérique des utilisateurs indiens, notamment ceux de l’état du Jammu-et-Cachemire et des régions du Nord-Est de l’Inde. Il transporte également une charge utile en bande Q / V, configurée pour la démonstration technologique dans des bandes de fréquences supérieures, une caméra haute résolution géostationnaire et une charge utile de communication optique (laser) pour la transmission de données de l’orbite GTO.
C’était le 5e lancement de l’année pour l’Inde.
18e lancement réussi de l’année pour SpaceX
Jeudi 15 novembre, retour de Falcon 9 après plusieurs semaines de non-lancements. La fusée a décollé à 20h46 UTC depuis Cap Canaveral en Floride pour mettre sur orbite de transfert géostationnaire un satellite de télécommunications.
Le satellite de télécommunications Es’hail 2 a été fabriqué par Mitsubishi Electric Corporation (MELCO) pour le compte de la société publique Qatar Satellite Company, ou Es’hailSat. Il couvrira le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. En plus de ses transpondeurs commerciaux, Es’hail-2 comprend 2 antennes de radioamateur, AMSAT, une première pour l’orbite géostationnaire.
Le booster du premier étage, le Core 1047, a réussi un second atterrissage après son retour réussi en juillet dernier après la mise sur orbite de Telstar 19V, et du coup, c’est la 31e récupération réussie pour SpaceX. Il s’agit d’un booster Block5 dont Elon Musk a annoncé qu’il serait possible de les réutiliser sans maintenance au moins 10 fois. Pour l’instant, les boosters n’ont été réutilisés que 2 fois.
Retour en vol de Soyouz-FG pour l’ISS
Vendredi 16 novembre, à 18h14 UTC, transportant près de trois tonnes de vivres, de carburant et de fournitures diverses pour la Station Spatiale Internationale, le cargo de ravitaillement russe Progress 71 ou MS-10 (selon la dénomination américaine ou russe) a décollé à bord d’une Soyouz-FG depuis le Cosmodrome de Baïkonour (Kazakhstan).
C’est le premier vol réussi d’une fusée Soyouz FG depuis l’accident du 11 octobre [Accident du Soyouz MS-10 : résultats de l’enquête], mais le 4e d’un lanceur Soyouz dont le système de séparation des boosters du premier étage est identique sur tous les modèles. Initialement, la mission Progress MS-10 devait être lancée le 31 octobre mais avait été retardée le temps de comprendre les raisons de l’échec du Soyouz MS-10. Le prochain vol Soyouz FG est prévu le 3 décembre avec un vaisseau Soyouz et un équipage pour l’ISS.
L’amarrage du cargo à l’ISS à l’arrière du module russe Zvezda a été réalisé de façon automatique dimanche 18 novembre à 19h28 UTC après 34 orbites terrestres.
The approaching cargo craft fires its thrusters as it targets the rear port of the space station's Zvezda service module. https://t.co/yuOTrZ4Jut pic.twitter.com/X8pdd3570K
— International Space Station (@Space_Station) November 18, 2018
Le compartiment pressurisé du Progress MS-10 contient une cargaison sèche d’environ 1 300 kg (aliments, vêtements, fournitures, expériences et pièces de rechange). Le Progress transporte dans ses réservoirs 725 kg de carburant qui seront transférés dans le système de propulsion du module Zvezda (pour la réhausse de l’orbite de la Station), 420 kg d’eau et 50 kg d’oxygène et 24 kg d’oxygène dans des bouteilles pour le renouvellement de l’air de l’ISS.
Lancement réussi pour le cargo Cygnus NG-10 pour l’ISS
Un nouveau cargo Cygnus a été lancé à destination de la Station Spatiale Internationale le samedi 17 novembre. Après de multiples reports, la fusée Antares a décollé à 9h01 UTC depuis la base NASA de Wallops en Virginie.
Décollage Antares / Cygnus NG-10 le 17/11/2018 (credit NASA/Joel Kowsky)
C’est la dixième mission opérationnelle de ravitaillement de l’ISS par ce cargo en partie européen, le module cargo pressurisé (PCM), ayant été développé par Thales Alenia Space, tandis que le module de service a été réalisé par Northrop Grumman (ex Orbital ATK). Le lancement d’aujourd’hui marque la première mission Cygnus et Antares sous l’égide de Northrop Grumman Corp., qui a finalisé l’acquisition d’Orbital ATK plus tôt cette année. Cela a entraîné un changement dans la désignation des missions dans le programme Cygnus. Le cargo et le booster ont été conçus par Orbital Sciences Corp. Les premières missions Cygnus (2013-2014) avaient reçu le sigle «ORB-xx». Après quoi, Orbital ayant fusionné avec des éléments d’Alliant TechSystems au début de 2015, les six missions suivantes (2015-2018) avaient été étiquetées « OA-xx ». Désormais les missions recoivent la nomenclature «NG-xx».
Ce vaisseau Cygnus a été nommé John Young en l’honneur de l’astronaute des missions Gemini et Apollo, l’un des 12 hommes à ce jour à avoir foulé le sol lunaire et l’un des pères fondateurs de la
corporation des astronautes de la NASA, décédé en janvier dernier [(re)lire Disparition de John Young, l’astronaute de toutes les missions]
Le cargo amène 3 400 kg de fret, dont les principales charges utiles expérimentales sont :
- Refrabricator, la première imprimante 3D intégrée et de son recycleur pour transformer des matériaux plastiques de récupération en filaments 3D de haute qualité pour créer ainsi les outils et matériaux nécessaires aux missions spatiales de longue durée, au-delà des orbites terrestres basses
- une expérience conjointe canado-américaine VECTION qui examinera les modifications de l’apport sensoriel en microgravité, ce qui peut entraîner des erreurs humaines de perception de la vitesse, de la distance ou de l’orientation
- MPV-Cell 5, une expérience financée par la NASA visant à examiner le processus complexe de la solidification du ciment afin d’explorer comment les niveaux de gravité comme ceux de la Lune et de Mars peuvent
potentiellement affecter le durcissement du béton, pour la construction de structures à base de corps extraterrestres. Une fois les échantillons de l’ISS retournés sur Terre, des analyses microstructurales détaillées seront entreprises dans l’espoir de développer à l’avenir des habitats spatiaux plus sûrs et plus légers, ainsi que de meilleures techniques de traitement du ciment au sol. - La formation expérimentale de chondrules à l’ISS (EXCISS) simule la formation du système solaire de haute énergie et de faible gravité pour mieux comprendre comment la «poussière d’étoile» initiale causée par les processus d’évolution stellaire a évolué en particules assez grosses pour former des planètes, leurs lunes et leurs particules. autres corps célestes. L’expérience émettra une charge électrique dans un conteneur rempli de particules de poussière spécialement formulées, une fois par heure sur une période de 30 jours, afin d’examiner la forme et la texture des «granulés» obtenus dans l’environnement de microgravité unique offert par l’ISS.
- L’étude de la croissance des cristaux de protéines, en particulier la protéine LRRK-2 riche en leucine, qui est profondément impliquée dans le développement de la maladie de Parkinson.
Décollage Antares / Cygnus NG-10 le 17/11/2018 (credit NASA/Joel Kowsky)
Arrivé à l’ISS le 19 novembre
Le cargo a atteint l’ISS lundi 19 novembre. Il a été capturé à 10h28 UTC par le bras robotique commandé par Serena Auñón-Chancellor puis amarré à 12h31 UTC sur la jonction Nadir (vers la Terre) du Node 1.
Cygnus restera stationné à l’ISS jusqu’en février, date à laquelle il sera rempli d’ordures et relâché pour se brûler intentionnellement dans l’atmosphère terrestre. Mais avant de se détruire, Cygnus déploiera une série de petits cubesats construits par des étudiants et 105 minuscules « chipsats », de minuscules satellites de type « puces » mesurant seulement 3 cm de côté.
Et encore un lancement chinois pour BeiDou
Dimanche 18 novembre, 18h07 UTC, la Chine a procédé à un nouveau lancement de 2 satellites de navigation BeiDou avec une Long March 3B depuis le centre de lancement des Satellites de Xichang.
Ces 2 satellites de 3e génération vont rejoindre 10 autres satellites BeiDou-3 déjà sur orbite.
C’était le 33e lancement de l’année chinois, loin devant les autres nations spatiales.
Premier vol captif pour Virgin Orbit
Virgin Orbit a effectué le premier vol captif de transport de son système de lancement aérien LauncherOne le 18 novembre.
Le Boeing 747-400 modifié, nommé « Cosmic Girl » a effectué un vol de 80 minutes au-dessus du sud de la Californie. La fusée LauncherOne est resté attachée pour ce premier vol. Virgin Orbit a déclaré dans un communiqué en octobre qu’un « certain nombre » de vols captifs est prévu, « rassemblant des téraoctets de données précieuses sur les performances aérodynamiques, la charge structurelle, etc. ». Ce programme d’essais aboutira à un test où la fusée sera libérée en vol de l’avion mais n’allumera pas son moteur et tombera au sol. Le premier vol orbital est planifié début 2019. LauncherOne est prévu à terme pour le lancement de charges utiles spatiales jusqu’à 300 kg pour des missions sur une orbite héliosynchrone.
CIMON s’est réveillé
En juin dernier, une expérience particulière avait pris place à bord du cargo Dragon CRS-15 : CIMON pour Crew Interactive Mobile CompanioN, un système d’assistance mobile et autonome. Il avait rejoint l’ISS le 2 juillet.
Le 15 novembre 2018, après avoir récupéré Cimon de sa boîte, Alexander Gerst a « donné vie » au démonstrateur d’intelligence artificielle avec les mots « Réveille-toi, Cimon ! ». La réponse de Cimon a été : « Que puis-je faire pour vous? ». CIMON a alors entamé une navigation autonome avec plusieurs rotations et mouvements dans toutes les directions, avant de prouver qu’il était capable de reconnaître le visage d’Alexander Gerst et d’établir un contact visuel. Pour démontrer ses capacités d’assistant, il a affiché sur son « visage », un écran situé au centre de la boule, les instructions d’une expérience scolaire de cristallisation, puis diffusé une vidéo sur le Rubik’s Cube. Sur demande, il a également joué la chanson préférée d’Alexander, une chanson de Kraftwerk. Il a en outre testé ses capteurs ultrason, dont la fonction est similaire à celle de l’aide au stationnement d’un véhicule, et fait une photo et une vidéo d’Alexander Gerst avec ses caméras intégrées. Une fois toutes ces tâches accomplies, l’astronaute a raccompagné son assistant dans le module Columbus. CIMON deviendra peut être un compagnon virtuel des astronautes comme c’est le cas de certains assistants vocaux sur Terre.
Le récap de la semaine en vidéo :
A venir !
NB : pour ce qui concerne les futurs vols habités, l’Inde construit la capsule « Gaganyan » (ex-« Avatar »), assez comparable à « Apollo ». Elle sera lancée fin 2021 ou en 2022, selon les sources, par cette fusée GSLV MkIII-D2 (ou peut-être par une autre version).
Selon le site russe « astronaut.ru », après deux vols automatiques prévus pour décembre 2020 et juin 2021, le premier vol habité (piloté) aurait lieu en décembre 2021 (mais plus vraisemblablement en 2022) avec, dès ce premier vol, trois « vyomanautes » à bord de la capsule « Gaganyan » n° 3. Ce vol durerait de 5 à 7 jours.
Aussi, je pense que le premier groupe de vyomanautes a été constitué mais « pas de nouvelles, bonnes nouvelles » !… Ce sera le 3e groupe indien après ceux de 1981-82 (cosmonautes) et de 1984-85 (astronautes).
Pour le 1er groupe indien (1981-82), il y eut 240 candidats –> 20 –> 10 –> 4 –> 2.
Le 1er (et seul) cosmonaute indien fut Rakesh Sharma qui effectua la mission Soyuz T-11 / Salyut 7 / Soyuz T-10 du 3 au 11 avril 1984. Il fut le 138e homme de l’espace (vols orbitaux seuls) et le 12e « autre ». Il partit à bord de Soyuz T-10 en compagnie de Yuriy Malyshev et Gennadiy Strekalov, ce dernier remplaçant Nikolay Rukavishnikov. Sa doublure était Ravish Malhotra (le premier titulaire mais Sharma parlait mieux le russe). Le deux semi-finalistes étaient Yogesh « Yuri » Suri et S. C. Mittal.
Pour le 2e groupe indien (1984-85), il y eut environ 400 candidats –> 30 –> 7 –> 2.
Celui qui aurait dû voler lors de la mission STS-61I / Challenger, en septembre 1986, était Nagapathi Chidambar « N. C. » Bhat avec pour doublure Paramaswaren Radakhrishnan Nair. Je ne connais toujours pas les noms des 5 autres semi-finalistes (présélectionnés). N. C. Bhat aurait dû voler en compagnie de Donald E. Williams, Michael J. Smith (qui fut le pilote de Challenger…), Bonnie J. Dunbar, Manley L. « Sonny » Carter et James P. Bagian. Cette mission fut bien entendu annulée, comme bien d’autres, suite au « Challenger disaster ».
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NB : John W. Young n’a pas volé seulement lors de missions Gemini (2) et Apollo (2) mais aussi lors de 2 missions (STS-1 et 9) de la navette spatiale « Columbia » (F-1 et 6). Il fut le premier homme à avoir effectué 6 vols orbitaux. Ils sont actuellement 9 (7 Américains et 2 Russes).
NB : la chanson de Kraftwerk, je suppose que c’est « Radioactivity ». C’est en tout cas la mieux connue.
Sinon, il y a aussi « Autobahn ». De circonstance avec les « gilets jaunes » en attendant les « chemises noires »… ou « brunes ».
suite
Une petite remarque quant à la composition de l’équipage de ce qui aurait dû être la mission STS-61I / Challenger, en septembre 1986, si elle n’avait pas été annulée.
Equipage prévu : Donald E. Williams, Michael J. Smith, Bonnie J. Dunbar, Manley L. « Sonny » Carter, James P. Bagian et « N. C. » Bhat (qui aurait été le premier astronaute et le 2e Indien dans l’espace après Rakesh Sharma qui vola en tant que cosmonaute).
Manley L. « Sonny » Carter et James P. Bagian étaient pressentis (en 1990 ?) pour devenir les deux premiers Américains à voler dans le cadre du programme SMM (Shuttle-Mir Missions).
Et ceci donc bien avant le lancement officiel de ce programme, le 17 juin 1992 (accord Bush – Eltsine sur le désarmement et la coopération spatiale), ce qui prouve bien que la NASA avait pris les devants sans attendre le feu vert officiel des politiques et que les missions spatiales sont préparées longtemps à l’avance…
Mais « Sonny » Carter s’est tué dans le crash d’un avion commercial (à Brunswick, Géorgie) le 5 avril 1991. Ils furent alors remplacés par Norman E. Thagard et Bonnie J. Dunbar.
Pour mémoire, James P. Bagian quitta le service actif en août 95.
Norman E. Thagard fut le premier Américain à voler à bord de Mir, lors de l’expédition 18, du 14 mars au 7 juillet 1995 (avec Dezhurov et Strekalov).
En revanche, sa doublure, Bonnie J. Dunbar, n’a pas effectué de vol de longue durée. Elle effectua tout de même 5 vols orbitaux et fut l’une des vedettes du 30e Congrès mondial des astronautes qui eut lieu à Toulouse du 16 au 20 octobre 2017.