Télescope James Webb : en attendant les premières images
La NASA l’a annoncé le 1er juin : les premières images du télescope spatial James Web (ou JWST, James Webb Space Telescope) seront publiées le 12 juillet. Elles seront les premières en couleur et les premières à présenter toutes les capacités scientifiques de Webb selon les communiqués de presse.
Nos objectifs pour les premières images et données de Webb sont à la fois de présenter les puissants instruments du télescope et de prévisualiser la mission scientifique à venir. Nous voulons répondre à un « wow » attendu depuis longtemps par les astronomes et le public.
Klaus Pontoppidan, astronome et scientifique du projet Webb au STScI
Alignement final des miroirs en avril
Lors de mon dernier article [en mars, le temps file…], les miroirs étaient tous alignés en mode « phasage fin » mais il restait à aligner les instruments puis les calibrer.
Fin avril, l’alignement des miroirs du télescope spatial James Webb était vraiment terminé : l’observatoire était alors en mesure de capter des images nettes, parfaitement mises au point, avec chacun de ses quatre instruments scientifiques.
Une série d’images montrant le champ de vision complet du télescope Webb confirment l’alignement des instruments. Les miroirs de Webb réfléchissent maintenant la lumière captée depuis l’espace de manière précise vers les instruments, qui la captent à leur tour pour produire des images.
Les trois imageurs de Webb sont le NIRCam (images montrées ici à une longueur d’onde de 2 microns), le NIRISS (image montrée ici à 1,5 micron) et le MIRI (image montrée à 7,7 microns, cette longueur d’onde plus grande révélant l’émission de la lumière des nuages interstellaires et des étoiles). Le NIRSpec est un spectrographe plutôt qu’un imageur, mais il peut aussi produire des images, comme celle présentée ici à une longueur d’onde de 1,1 micron, pour l’étalonnage et l’acquisition de cibles. Les régions sombres visibles dans certaines parties des données du NIRSpec sont dues aux structures mêmes de son réseau de centaines de milliers de micro-obturateurs qui peuvent être ouverts ou fermés pour sélectionner la lumière transmise au spectrographe. Enfin, le détecteur de guidage de précision de Webb (ou FGS) pointe l’observatoire vers des étoiles guides avec une extrême précision. Ses deux capteurs ne sont généralement pas utilisés pour l’imagerie scientifique, mais ils peuvent prendre des images d’étalonnage telles que celles présentées ici. Toutes ces données sont utilisées non seulement pour évaluer la netteté des images, mais aussi pour mesurer et étalonner avec précision les fines distorsions des images et les alignements entre les capteurs dans le cadre du processus global d’étalonnage des instruments de Webb.
Calibration des instruments
Chaque instrument est un ensemble de haute technologie de détecteurs équipés de lentilles, de masques, de filtres et de matériel spécialement adapté aux contraintes spatiales qui contribuent à la réalisation des activités scientifiques pour lesquelles il a été conçu. La calibration des instruments permet de vérifier que l’ensemble de leurs composants sont configurés et prêts pour les observations astronomiques.
Ces instruments doivent être aussi très froids pour fonctionner correctement, et ils doivent être refroidis lentement pour éviter le dégazage (libération de gaz piégé sur ou à l’intérieur des surfaces sur Terre et qui peuvent se condenser sur les optiques et les électroniques et ainsi dégrader leurs performances). Ainsi, les instruments ont commencé à refroidir quelques jours après le lancement et ont continué à se refroidir lentement tout au long de la mise en service du télescope. Mais c’est l’instrument MIRI, la caméra la plus sensible à la température, qui a nécessité jusqu’à 3 mois pour atteindre sa température de fonctionnement finale.
Le 21 avril, la NASA et l’ESA annonçaient que l’instrument MIRI était refroidi à moins de 7 kelvins (-266°C) par son cryocooler. Les premiers tests pouvaient commencer.
L’image de test MIRI (à 7,7 microns de longueur d’onde) montre une partie du grand nuage de Magellan. Cette petite galaxie satellite de la Voie lactée a fourni un champ d’étoiles dense pour tester les performances de Webb. L’image MIRI obtenu montre le gaz interstellaire dans des détails sans précédent, avec des émissions d’hydrocarbures aromatiques polycycliques, des molécules de carbone et d’hydrogène qui jouent un rôle important dans l’équilibre thermique et la chimie du gaz interstellaire.
Le 27 juin, l’agence spatiale canadienne, l’ASC, annonçait que le NIRISS qu’elle fournit était prêt pour les observations astronomiques.
Le dernier mode d’observation du NIRISS qui a été vérifié avant que l’équipe chargée de la mission déclare l’instrument prêt pour les observations est le mode de spectroscopie sans fente sur un seul objet (SOSS). Les prismes de NIRISS dispersent la lumière stellaire en trois spectres distincts. Ainsi, le rayonnement infrarouge est collecté lors d’une seule observation en plus de 2000 nuances. C’est ce mode qui servira à sonder l’atmosphère des exoplanètes en transit, c’est-à-dire des planètes qui éclipsent périodiquement leur étoile, dont la luminosité diminue alors pendant un certain temps. En comparant avec grande précision les spectres recueillis pendant et avant ou après un transit, on peut déterminer non seulement si l’exoplanète possède une atmosphère, mais aussi, si c’est le cas, de quels atomes et molécules elle est constituée.
Les autres instruments scientifiques ont également été calibrés et sont prêts pour le début de la phase scientifique.
Des tests de stabilité thermique aussi
Dans le cadre de la mise en service scientifique des instruments, le télescope a été pointé vers différentes zones du ciel où la quantité totale de rayonnement solaire frappant l’observatoire varie pour confirmer la stabilité thermique lors du changement d’orientation du télescope vers les cibles d’observation. Même si l’énorme pare-soleil du JWST doit maintenir le télescope et les instruments scientifiques au froid spatial à environ – 183°C, et les protéger des rayonnements du Soleil, de la Terre et de la Lune, toute variation infime peut altérer les observations et les mesures.
L’équipe de la mission a effectué des mesures de base de la stabilité de pointage, de l’erreur optique du front d’onde et de toute oscillation causée par l’électronique de l’instrument en fonction de l’orientation du JWST selon 2 positions extrêmes : l’attitude «chaude» où le Soleil illumine totalement le pare-soleil et l’attitude «froide» où la lumière du Soleil est réduite d’un facteur d’environ 0,7.
Mais le JWST percuté par des micrométéorites
Entre le 23 et le 25 mai, le James Webb a subi un impact sur l’un de ses principaux segments de miroir. Heureusement après analyse, le JWST fonctionnait toujours à un niveau qui dépasse toutes les exigences de la mission malgré un effet légèrement détectable dans les données.
Le Web a été conçu pour résister à des impacts de micrométéoroïdes : le miroir principal est dimensionné afin que même après des années de petits impacts, il ait toujours la surface réfléchissante et la qualité nécessaires pour faire sa mission scientifique. Le pare-soleil est constitué de cinq couches pour tolérer plus que le nombre de petits trous attendus, et, presque tous les composants sensibles de Webb (en plus des miroirs et du pare-soleil) sont protégés derrière des « boucliers de protection ».
De plus, en ajustant la position du segment affecté, les ingénieurs peuvent annuler une partie de la distorsion induite par un impact sur un miroir, même si toute la dégradation ne peut être annulée de cette façon. Les ingénieurs ont déjà effectué des ajustements de ce type pour le segment C3 affecté par l’impact de mai. Ces étapes seront répétées si besoin en réponse à des événements futurs dans le cadre de la surveillance et de l’entretien du télescope tout au long de la mission.
Pour protéger Webb en orbite, les équipes de vol peuvent aussi utiliser des manœuvres de protection qui détournent intentionnellement l’optique des averses de météores connues avant qu’elles ne se produisent.
Cet évènement n’a pas modifié le calendrier des opérations du Webb.
A quoi s’attendre pour les premières images ?
Le premier lot d’images sera axé sur les objectifs scientifiques à l’origine et au cœur de la mission : l’Univers primordial, l’évolution des galaxies au fil du temps, le cycle de vie des étoiles et les exoplanètes. Toutes les données de mise en service du télescope Webb, les données recueillies lors de l’alignement du télescope et de la préparation des instruments, seront aussi rendues publiques.
Rendez-vous le 12 juillet ! Sur les réseaux sociaux, le hashtag utilisé sera #UnfoldTheUniverse!
Et plusieurs évènements en Europe sont annoncés sur cette page
Alors impatients de voir ces premières images du James Webb Space Telescope ?
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Sources de l’article : sites de la NASA, ESA et ASC. Image de couverture : NASA