Troisième survol de Mercure par BepiColombo
BepiColombo, la mission conjointe de l’ESA et de la JAXA (agence spatiale japonaise) à destination de Mercure, vient de réaliser son troisième survol de sa planète cible le 19 juin 2023.
Depuis son lancement le 20 octobre 2018, BepiColombo profite de l’assistance gravitationnelle de la Terre (survol en avril 2020), de Vénus (survols en octobre 2020 et août 2021) et de Mercure (premier survol et second), pour modifier sa trajectoire et sa vitesse, sans consommer trop de carburant pour lutter contre l’attraction gravitationnelle du Soleil, pour l’objectif final : la mise sur orbite des 2 orbiteurs constituant la mission.
Cette troisième assistance gravitationnelle, sur 6 planifiées, permet désormais d’ajuster la trajectoire de la sonde pour une mise en orbite circulaire autour de Mercure prévue le 5 décembre 2025.
Un survol à 236 km de la surface de Mercure pour ralentir
BepiColombo est rentrée dans la sphère gravitationnelle mercurielle entre 7h20 UTC le 19 juin et 11h03 UTC le 20 juin.
Bepi a survolé la surface de la planète Mercure à 236 km d’altitude à 23h34 UTC. BepiColombo s’est approchée du côté nuit de la planète. Les images capturées par les caméras à bord ont été enregistrées qu’environ 13 minutes après le survol lorsque la partie illuminée de la planète est entrée dans le champ de vision.
Le survol a réduit l’aphélie (le point de la trajectoire héliocentrique le plus loin, à l’opposé du périhélie) de 0,63 UA à 0,59 UA. Le passage a également réduit globalement l’amplitude de vitesse de la sonde par rapport au Soleil de 0,8 km/s, et a changé sa direction de 2,6 degrés.
BepiColombo a survolé Mercure à environ 3,6 km/s, soit un peu plus de la moitié de la vitesse à laquelle la sonde avait fait ses survols précédents. Elle ralentit comme attendu.
Après ce survol, la mission entrera dans une partie très difficile de son voyage vers Mercure, augmentant progressivement l’utilisation de son système de propulsion électrique lors de poussées longues qui peuvent durer de quelques jours à deux mois, interrompus périodiquement pour la navigation et l’optimisation des manœuvres de correction de trajectoire. Une première phase de propulsion de 6 semaines est déjà prévue pour cet août-septembre.
Nouvelles images de Mercure par BepiColombo
La sonde a capturé de nouvelles images et des données qui donnent aux scientifiques un avant-goût de ce qui devrait arriver pendant la mission principale.
Pendant les survols, il n’est pas possible de prendre des images haute résolution avec la caméra scientifique principale car elle est protégée par le module de transfert lorsque la sonde est en vol de croisière. Cependant, la caméra de surveillance (MCAM) n°3 de BepiColombo a pris des photos en noir et blanc avec une résolution de 1 024 x 1 024 pixels.
Voici les premiers clichés publiés.
À environ 2 536 km de Mercure, cette première image montre plusieurs caractéristiques géologiques intéressantes : Beagle Rupes, un escarpement de 600 km de long qui serpente à la surface, traversant un cratère allongé distinctif nommé Sveinsdóttir, qui a probablement obtenu sa forme d’un impacteur frappant la surface avec un angle important. Beagle Rupes limite une plaque de croûte de Mercure qui a été poussée vers l’ouest par au moins 2 km sur le terrain adjacent. Les géologues peuvent utiliser cette géométrie pour estimer l’épaisseur de la plaque tectonique qui a été déplacée.
Sur la seconde image, un grand cratère d’impact de 218 km de large est visible juste en dessous et à droite de l’antenne. Grâce au survol de Bepi, ce cratère vient de recevoir le nom de Manley par le groupe de travail de l’Union Astronomique Internationale (IAU) sur la nomenclature des systèmes planétaires d’après l’artiste jamaïcaine Edna Manley.
Le bassin de Raditladi, large de 258 km, est visible entre l’antenne à gain élevé de BepiColombo et le haut de la troisième image. Il s’agit d’un bassin relativement jeune, et les scientifiques continuent de débattre sur la formation du matériau lisse sur son sol à partir de roches directement fondues par l’impact ou par des éruptions volcaniques ultérieures séparées en temps géologique de l’impact. Les données collectées par BepiColombo lorsqu’il est en orbite autour de Mercure seront essentielles pour résoudre ce mystère.
La tache sombre près du bord supérieur de Mercure marque le cratère Atget. Atget a excavé des matériaux anciens et sombres du plus profond de la sous-surface de Mercure et les a déposés au-dessus de plaines volcaniques plus jeunes et plus lumineuses dans le vaste bassin de Caloris, long de 1 550 km, le plus grand bassin d’impact bien conservé de la planète. Les scientifiques utilisent de telles observations pour comprendre l’ordre dans lequel différents types de roches se sont formés au cours de l’évolution d’une planète. Ce matériau sombre pourrait représenter des restes de la croûte initiale de Mercure qui a ensuite été enfouie sous les plaines de lave. Atget doit son nom au photographe français Eugène Atget (1857-1927).
Le cratère Xiao Zhao est quant à lui un cratère d’impact lumineux et étoilé. Ces rayons brillants se sont formés immédiatement après l’impact lorsque le matériau a été éjecté du cratère. Xiao Zhao est l’un des cratères d’impact les plus récents sur Mercure. Xiao Zhao (1130–1162) était un peintre chinois.
Le bassin de Rembrandt est le deuxième plus grand bassin d’impact bien conservé sur Mercure après Caloris avec un diamètre de 716 km. Cet impact colossal a créé des écharpes linéaires qui rayonnent du centre du bassin, dont certaines peuvent être vues dans ces images MCAM. Ce bassin d’impact géant sur Mercure porte le nom d’un des géants de l’histoire de l’art, l’artiste néerlandais Rembrandt (1606-1669).
Bien que la surface du cratère ressemble à première vue à la Lune de la Terre, Mercure a une histoire bien différente. Dès fin 2025, les deux orbiteurs scientifiques de BepiColombo, Mercury Planetary Orbiter (MPO) de l’ESA et Mercury Magnetospheric Orbiter (MMO) de la JAXA, étudieront Mercure : cartographie et analyse de la surface, du champ magnétique et de son exosphère, afin de mieux comprendre l’origine et l’évolution d’une planète proche de son étoile mère.
Le prochain survol de Mercure par Bepi est prévu le 5 septembre 2024.
Pour savoir où se situe BepiColombo en temps réel : https://bepicolombo.esac.esa.int/itl-viewer/where/
Image à la une : illustration du survol de Mercure par BepiColombo (crédit ESA/ATG medialab et ESA/BepiColombo/MTM, CC BY-SA 3.0 IGO)
Sources principales de l’article : site ESA