Rêves d'Espace

Un site sur l'actualité spatiale : les vols habités, les lancements, l'exploration de l'espace, les grandes missions actuelles et futures

ArtemisLune

Peregrine, première mission commerciale américaine pour la Lune

Peregrine Mission One (PM1, première mission Peregrine) de l’entreprise Astrobotic est sur le point d’être l’une des premières missions commerciales américaines à tenter d’atterrir sur la Lune.

Peregrine PM1 lors de son arrivée en Floride depuis Astrobotic en Pennsylvanie pour sa phase d’intégration finale avec le lanceur en octobre 2023 (crédit ULA)

Le nom « Peregrine » a été choisi pour l’atterrisseur car c’est le nom de l’oiseau volant, le faucon pèlerin en français, le plus rapide sur Terre.

Peregrine, le transporteur de missions lunaires

Astrobotic, fondée en 2007, se définit comme une société de logistique lunaire fournissant des services de livraison de bout en bout pour des charges utiles vers la Lune. Elle intègre les différentes charges utiles sur un atterrisseur et fournit la puissance électrique et les services de données pendant la phase de croisière vers la Lune et à la surface sélène.

Les prix de base de la commercialisation sont de 300 000 $/kg pour une mise sur orbite, 1,2 million de $/kg pour un alunissage et 4,5 millions de $/kg pour une livraison sur un rover lunaire, avec un support technique pour le développement des charges utiles.

Une fois les charges utiles réceptionnées, Astrobotic réalise leur intégration sur l’atterrisseur et suit leurs données avec son centre de mission (MCC, Mission Control Center, situé à Pittsburgh en Pennsylvanie) lors du vol vers la Lune et à la surface. Astrobotic a ainsi défini des standards pour les interfaces et si on veut en déroger, ce sont des coûts additionnels.

PM1 lors de son arrivée en Floride depuis Astrobotic en Pennsylvanie pour sa phase d’intégration finale avec le lanceur en octobre 2023 (crédit ULA)

Peregrine, 1,9 mètre de haut sur 2,5 mètres de large, est constituée d’une structure porteuse en alliage d’aluminium, d’un système de navigation (GNC, Guidance Navigation and Control), d’un système de puissance (batterie Lithium-ion + panneau solaire), d’équipements d’avionique pour les commandes de l’atterrisseur et la gestion des données et d’un système de contrôle thermique pour supporter les différents environnements rencontrés (-40 °C à +60 °C pendant la phase de croisière, -120 °C à +100 °C pendant l’orbite lunaire et -30 °C à +80 °C sur la surface lunaire).

Le système de propulsion de Peregrine comprend 5 moteurs principaux et 12 propulseurs d’attitude et de commande (ACS), 2 réservoirs chacun du carburant et de l’oxydant sont espacés uniformément autour de l’engin avec un cinquième réservoir pour l’hélium pressurisé au centre. Les carburants utilisés sont un dérivé d’hydrazine éprouvé, la monométhylhydrazine (MMH) comme carburant et l’oxydant est une solution d’oxydes d’azote mixtes (MON-25). Chacun des moteurs principaux situés au centre produit 667 N de poussée. Les propulseurs ACS, regroupés en grappes de 3 et placé sur l’atterrisseur pour assurer le contrôle avec six degrés de liberté, et maintenir l’orientation de l’atterrisseur tout au long de la mission, génèrent chacun 45 N de poussée.

Le système de télécommunication assurera les commandes et les télémétries de l’atterrisseur avec la Terre en bandes X. Il relaiera également les données entre les charges utiles et leurs clients tout au long de la mission. L’atterrisseur utilise plusieurs antennes à faible gain pour une couverture optimale pendant les opérations de croisière et d’orbite lunaire puis passe à une antenne à gain moyen ou élevé actionnée après l’alunissage pour une bande passante accrue. Un système sans fil assurera les communications entre l’atterrisseur et les charges utiles déployées sur la surface lunaire. Peregrine relaiera les télécommandes et la télémétrie des charges utiles en temps quasi réel.

Le GNC est constitué de traqueurs d’étoiles (star trackers), de capteurs solaires et d’une unité de mesure inertielle qui aide le système GNC à maintenir une orientation du panneau solaire face au soleil lors des croisières nominales. Pendant l’atterrissage, un Doppler LiDAR (NDL, Navigation Doppler Lidar) fourni par la NASA, fonctionne sur les mêmes principes de radar mais utilise des impulsions de lumière provenant d’un laser au lieu d’ondes radio. NDL mesure la vitesse du véhicule (vitesse et direction) et l’altitude (distance au sol) avec une grande précision pendant la descente jusqu’à l’alunissage.

Avec la NASA, le Jet Propulsion Laboratory (JPL), Moog Space and Defense et Moog Broad Reach, Astrobotic a développé le capteur OPAL (Optical Precision Autonomous Landing). OPAL est un ensemble de navigation relative basé sur l’imagerie de terrain qui est embarqué comme démonstration technologique sur Mission One, puis devra être incorporé au système GNC sur les missions suivantes. Le capteur OPAL se compose d’un appareil photo et d’un ordinateur hautes performances, qui utilise des images de la caméra et des cartes stockées dans la mémoire de l’atterrisseur pour estimer la position de l’atterrisseur en temps réel et ainsi réduire la précision de la trajectoire d’une ellipse de 24 km x 6 km à une ellipse de 100 m x 100 m.

Les 4 pieds d’atterrissage ont été conçus et fabriqués par Airbus Space en Allemagne. Ils doivent absorber le choc et stabiliser Peregrine lors de l’alunissage.

Astrobotic n’est pas responsable des systèmes de déploiement des charges utiles à la surface de la Lune. C’est au fournisseur de sélectionner, de tester et d’intégrer ces systèmes, avec les recommandations d’Astrobotic sur les mesures de sécurité à respecter. Si le déploiement s’effectue mal, ce ne serait pas de la responsabilité d’Astrobotic !

Peregrine Mission One (PM1) doit atterrir près des monts Gruithuisen à 36,2°N et 40,2°O. Du coup, l’atterrisseur (ou lander) est en configuration « latitude moyenne » (entre 30° et 50° nord ou Sud). L’atterrisseur dispose de radiateurs latéraux et d’un panneau solaire monté sur le dessus. Pour des missions ultérieures plus près du pôle sud par exemple, l’atterrisseur disposera de panneaux solaires montés sur le côté pour produire une puissance suffisante à des latitudes plus élevées et répondre aux besoins des charges utiles et l’avionique sera montée sur un radiateur au sommet du lander.

20 charges utiles et 7 nations à bord de Peregrine Mission 1

Avec l’entreprise américaine Intuitive Machines, qui construit son propre atterrisseur lunaire robotique Nova-C qui doit décoller en février prochain, Astrobotic a gagné l’appel d’offres CLPS, Commercial Lunar Payloads Services, de la NASA pour plusieurs millions de dollars pour aider à stimuler le développement de leurs atterrisseurs, qui, à leur tour, fournissent à l’agence spatiale un moyen d’envoyer des expériences scientifiques sur la Lune.

Le lander a divers emplacements pour stocker des charges utiles pour des expériences scientifiques ou juste des produits qui seront en environnement lunaire.

Les logos des différents clients d’Astrobotic sur PM1

Pour PM1, il y a 21 charges utiles à bord dont 6 pour la NASA.

Les différentes charges utiles présentes sur Peregrine Mission 1 (crédit Astrobotic)

Trois des instruments, NIRVSS (Near-Infrared Volatile Spectrometer System, spectromètre proche infrarouge), NSS (Neutron Spectrometer System, spectromètre à neutrons) et PITMS (Peregrine Ion-Trap Mass Spectrometer, spectromètre) doivent étudier les substances volatiles comme l’eau, le dioxyde de carbone, l’ammoniac et le méthane, des composés soufrés à la surface et l’exosphère de la Lune. Ils pourraient aider à mieux comprendre comment les molécules d’eau migrent et éventuellement se retrouvent sur les pôles lunaires froids. Ils devraient ou non confirmer la détection de soufre effectuée par l’atterrisseur indien Chandrayaan-3 en 2023 à une latitude d’environ 70° au sud.

NIRVSS mesure l’hydratation de la surface et du sous-sol (H2O et OH) ainsi que le CO2 et le méthane (CH4) tout en cartographiant simultanément la morphologie de la surface et la température de surface. PITMS caractérisera l’exosphère lunaire en y mesurant le faible niveau de gaz attendu et libéré par l’interaction des régolites avec les perturbations de surface, comme les rovers. L’instrument NSS permettra de déterminer l’abondance des matériaux porteurs d’hydrogène et la composition des régolites en vrac sur le site d’atterrissage et de mesurer les variations temporelles de l’abondance des composés volatiles hydrogénés au cours du cycle diurne. Le capteur PITMS est un héritage direct du spectromètre de masse PTOLEMY qui a effectué les premières mesures in situ de substances volatiles et organiques sur la comète 67P avec l’atterrisseur Philae. PITMS est un projet conjoint NASA-ESA mis en œuvre par le centre NASA Goddard et l’Open University de l’ESA (OU).

Le quatrième instrument, le Linear Energy Transfer Spectrometer (LTS), prendra des mesures de rayonnement pendant la phase de croisière vers la Lune, en orbite lunaire et après l’atterrissage. Le cinquième instrument, le Laser Retroreflector Array (LRA), est un instrument passif conçu pour permettre des mesures de distance de l’atterrisseur et est similaire aux rétroréflecteurs utilisés sur d’autres atterrisseurs.

5 charges utiles pour des mesures scientifiques sur la Lune et un Lidar sont fournis par la NASA (crédit photo)

La NASA avait prévu d’embarquer jusqu’à 10 instruments sur Peregrine, mais elle en a retiré 5 en 2023 en raison de problèmes de performance de l’atterrisseur et des moteurs de descente disponibles. Pour la NASA, les missions ultérieures du CLPS auront des objectifs scientifiques plus complexes

On peut citer aussi l’expérience M-42 de l’agence spatiale allemande, le DLR, détecteur de rayonnement déjà embarqué sur Artemis-1 pour mesures les radiations lors du voyage vers la Lune.

Il y a 2 charges utiles qui doivent être déployées à la surface de la Lune :

  • 5 petits robots COLMENA de l’agence spatiale mexicaine pesant moins de 60 grammes et mesurant 12 centimètres de diamètre, et qui seront catapultés sur la surface lunaire.
  • Iris, un rover de 2 kg de l’Université Carnegie Mellon conçu par des étudiants.
Le petit rover Iris (crédit Carnegie Mellon University)
L’un des rovers COLMENA (crédits UNAM / AEM)

Peregrine emporte également différents objets commémoratifs (plaque souvenir, capsule temporelle, œuvre d’art digitale, textes, …) dont les capsules mémorielles des entreprises Celestis et Elysium Space. Le projet Enterprise Flight de Celestis embarque du matériel génétique de plusieurs personnalités et les cendres du créateur de Star Trek, Trek Gene Roddenberry et de son épouse, Majel Barrett-Roddenberry, et des acteurs de la série historique, Nichelle Nichols (Uhura), James Doohan (Scotty), et DeForest Kelley (Bones) ainsi que l’ADN des présidents américains George Washington, Dwight D. Eisenhower et John F. Kennedy, parmi d’autres. Ces charges utiles ont suscité de vives critiques de la part de la nation Navajo qui considère que placer des restes humains sur la Lune est un acte de profanation.

ELYSIUM_CAPSULES_1
La capsule d’Elysium Space (crédit photo) sur la structure de Peregrine en cours d’intégration

3 orbites lunaires et un site d’alunissage pour des objectifs scientifiques

Peregrine doit s’insérer sur 3 orbites lunaires distinctes (LO pour Lunar Orbit) et 2 sont disponibles (LO2 et LO3) pour le déploiement d’une charge utile. Pour les 3 orbites, le périapse est constant à 100 km tandis que l’apoapse diminue à travers des manœuvres d’insertion d’orbite lunaire (LOI) à 8 700 km vers une orbite circulaire à 100 km d’altitude. L’inclinaison orbitale est déterminée par le site d’atterrissage en surface.

L’orbite lunaire initiale, LO1, est une orbite hautement elliptique. Peregrine devrait passer nominalement 12 heures en LO1. La prochaine orbite lunaire, LO2, est une orbite elliptique stable. Le temps que Peregrine passera en LO2 dépend de la date de lancement et de la trajectoire ultérieure ainsi que le calendrier de déploiement orbital, jusqu’à 35 jours si besoin. L’orbite lunaire finale, LO3 est une orbite circulaire à 100 km d’altitude. Peregrine devrait y passer nominalement 72 heures pour les préparatifs de la descente pour l’alunissage.

Illustration des 3 orbites lunaires de Peregrine (crédit Astrobotic)

Le site d’alunissage a été sélectionné pour répondre à divers critères : une pente efficace ≤ 10° et une hauteur de roche maximale attendue de 0,3m. L’heure d’atterrissage est aussi choisie pour maximiser le temps d’opération des charges utiles (ensoleillement maximum) sur la surface lunaire. Pour Mission One, Peregrine atterrira 55 à 110 heures après le lever du soleil. Une journée lunaire, du lever du soleil local au coucher du soleil sur la Lune, équivaut à 354 heures, soit environ 14 jours terrestres. Aux latitudes moyennes, Peregrine devrait fonctionner nominalement pendant 192 heures, ou 8 jours terrestres, après l’atterrissage.

Avec un décollage au 8 janvier, l’atterrissage de Peregrine est prévu le 23 février dans la plaine Sinus Viscositatis près des Dômes de Gruithuisen.

Les Dômes de Gruithuisen sont une énigme géologique. Les observations de la sonde Lunar Reconnaissance Orbiter (LRO) de la NASA ont confirmé que les Dômes de Gruithuisen sont distincts du terrain environnant, qui est couvert par d’anciennes coulées de lave basaltique durcies. Les Dômes de Gruithuisen ont été formés par des éruptions de laves siliciques, qui ne coulaient pas facilement vers l’extérieur, créant des dômes, contrairement aux coulées de lave basaltique plus fluides. Sur Terre, les volcans siliciques se forment généralement grâce à la tectonique de l’eau et des plaques. Mais sans ces ingrédients clés sur la Lune, les scientifiques se demandent comment les Dômes de Gruithuisen se sont formés.

Image LRO (NASA) et localisation des Domes de Gruithuisen par Jatan Mehta

Peregrine n’est que la première plateforme, de « petite classe », développée par Astrobotic. L’entreprise développe un atterrisseur « medium-class », Griffin, avec des fonctionnalités améliorées. Ce lander doit envoyer d’ici fin 2024 le robot de la NASA VIPER (qui a pour mission de rechercher de la glace d’eau à la surface du pôle Sud) sur la Lune. Ce sera pour un autre article 😉

Astrobotic fait également partie de la « National Team » qui a remporté avec Blue Origin le contrat NASA du second atterrisseur lunaire habité en mai 2023 [Artemis : Blue Moon de Blue Origin sélectionné comme second atterrisseur lunaire].

Encapsulation: Vulcan Cert-1
L’atterrisseur Peregrine PM1 lors de la mise sous coiffe du lanceur Vulcan en décembre 2023 (crédit ULA)

Sources principales : site d’Astrobotic et Guide de l’utilisateur

Publicités

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.