Rêves d'Espace

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Lune

Chandrayaan-3 est une mission réussie avec une surprise à la clé

La mission Chandrayaan-3 s’est posée à la surface de la Lune le 23 août. Rapidement le rover Pragyan a roulé sur le sol lunaire. La mission scientifique est aussi au rendez-vous.

L’atterrisseur Chandrayaan-3 a été photographié par l’orbiteur LRO de la NASA le 27 août au centre de l’image, son ombre sombre est visible au centre d’un halo lumineux entourant le lander. L’image mesure 1 738 mètres de large (crédits : Goddard Space Flight Center / Arizona State University de la NASA)

Les instruments ont tous bien fonctionné

L’atterrisseur Vikram est équipé de 3 instruments scientifiques (ou payloads dans les schémas ci-dessous) développés par des laboratoires indiens :

  • RAMBHA-LP (Radio Anatomy of Moon Bound Hypersensitive ionosphere and Atmosphere Langmuir Probe) pour la mesure des changements dans l’environnement local de gaz et de plasma au fil du temps,
  • ChaSTE (Chandra’s Surface Thermophysical Experiment) pour l’étude des propriétés thermiques de la surface lunaire,
  • ILSA (Instrument for Lunar Seismic Activity) pour la mesure de l’activité sismique sur le site de débarquement afin de délimiter la croûte et le manteau souterrains.
Les différents sous-systèmes de Vikram (crédit ISRO)
Les différents sous-systèmes de Vikram (crédit ISRO)

Dès le 27 août, l’ISRO publiait les premières observations de l’instrument ChaSTE : la sonde de température a mesuré le profil de température de la couche arable lunaire dans la région polaire sud. Le mécanisme de pénétration contrôlée et ses 10 capteurs de température individuels a pu atteindre une profondeur de 10 cm sous la surface.

Ainsi, Chandrayaan-3 a mesuré pour la première fois la température sous la surface lunaire et a montré que la température diminue avec l’augmentation de la profondeur sous la surface lunaire.

Le graphique présenté illustre les variations de température de la surface/près de la surface lunaire à différentes profondeurs, telles qu’enregistrées lors de la pénétration de la sonde de ChaSTE (crédit ISRO)La température du sol à la surface lunaire est d’environ 50 °C. La température est de 0 °C à une profondeur d’environ 70 mm sous la surface lunaire. La température est de -10 °C à une profondeur d’environ 80 mm. Le gradient thermique moyen dans les 80 premiers mm du sous-sol lunaire est de 0,75 °C/mm.

L’instrument ILSA, dont l’objectif principal est de mesurer les vibrations du sol générées par les tremblements de terre naturels, les impacts et les événements artificiels, grâce à des accéléromètres à haute sensibilité, a enregistré le 25 août les vibrations dues aux mouvements de Rover et d’autres charges utiles.

Enregistrement des mouvements du rover Pragyan par ILSA de Vikram (crédit ISRO)

Le 26 août, il a enregistré un évènement naturel, dont la source est en cours de recherche (météorite ?) :

Événement naturel enregistré par ILSA de Chandrayaan-3 (crédit ISRO)

RHAMBA-LP, une sonde de Langmuir, situé sur le haut du lander, de près de 1 mètre de long a été déployée peu après l’atterrissage.

L’ombre de la sonde de Langmuir RAMBHA-LP de Vikram sur le sol lunaire vue depuis une caméra embarquée sur le lander (crédit ISRO)

La longueur du mât déployé garantit que la sonde sphérique en son extrémité fonctionne dans un environnement plasma lunaire non perturbé, isolé du corps de l’atterrisseur. Le système peut détecter des courants de retour infimes, aussi bas que les pico-ampères, avec un temps d’échantillonnage de 1 milliseconde. En appliquant un potentiel de biais de balayage allant de -12 à +12 V par incréments de 0,1 V à la sonde Langmuir, le système peut déterminer avec précision les densités ioniques et électroniques ainsi que leurs énergies en fonction du courant de retour mesuré.

La première mesure de RAMBHA-LP indique que le plasma englobant la surface lunaire est relativement clairsemé, caractérisé par une densité allant d’environ 5 à 30 millions d’électrons par mètre cube. Cette évaluation concerne spécifiquement les premières heures de la journée lunaire. La sonde a fonctionné sans interruption, dans le but d’explorer les changements survenus dans l’environnement plasma proche de la surface tout au long de la journée lunaire et pour comprendre le processus de charge dans la région lunaire proche de la surface, en particulier en réponse aux fluctuations de la météo spatiale (vent solaire notamment).

Mesures du plasma entourant le lander de Chandrayaan-3 (crédit ISRO)

Sur le rover, l’instrument LIBS (Laser Induced Breakdown Spectroscope) a effectué les toutes premières mesures in situ sur la composition élémentaire de la surface lunaire en région polaire sud grâce à des impulsions laser à haute énergie extrêmement chaud et localisé. La lumière plasmatique résultante est analysée par des détecteurs qui permettent de déterminer les éléments présents grâce à un ensemble caractéristique de longueurs d’onde de lumière émis lorsqu’ils sont à l’état plasma. Ces mesures in situ confirment sans ambiguïté la présence de soufre (S) dans la région, ce qui n’était pas possible par les instruments à bord des orbiteurs.

Ce graphique montre les analyses préliminaires qui ont dévoilé la présence d’aluminium (Al), de soufre (S), de calcium (Ca), de fer (Fe), de chrome (Cr) et de titane (Ti) sur la surface lunaire. D’autres mesures ont révélé la présence de manganèse (Mn), de silicium (Si) et d’oxygène (O). Une étude approfondie sur la présence d’hydrogène est en cours (crédit ISRO)

Le 29 août l’instrument APXS (Alpha Particle X-ray Spectrometer) s’est déployé depuis le rover.

L’instrument APXS a réalisé des analyses in situ de la composition élémentaire du sol et des roches à la surface. Il transporte des sources radioactives qui émettent des particules alpha et des rayons X sur l’échantillon de surface. Les atomes présents dans l’échantillon émettent à leur tour des lignes de rayons X caractéristiques correspondant aux éléments présents. En mesurant les énergies et les intensités de ces rayons X caractéristiques, les chercheurs peuvent trouver les éléments présents et leurs abondances.

APXS a découvert la présence d’éléments mineurs intéressants, dont du soufre (détecté également par LIBS), en dehors des principaux éléments attendus tels que l’aluminium, le silicium, le calcium, le fer.

Cette première découverte de Chandrayaan-3 oblige les scientifiques à développer de nouvelles explications sur la source du soufre (S) dans la région : intrinsèque ?, volcanique ?, météoritique ?

Le rover Vikram a bien roulé

Les équipes de la mission ont testé l’agilité du rover Pragyan en lui faisant faire des tours sur lui-même :

Mais le rover Pragyan ne s’est pas contenté de rester à côté de l’atterrisseur.

Le 27 août, il rencontrait un cratère de près de 4 m de diamètre. Les équipes sur Terre lui ont ordonné de faire demi-tour.

Le 30 août, Pragyan était suffisamment loin de Vikram pour le prendre en photo :

Les images montraient les instruments ChaSTE et ILSA déployés sur la surface lunaire :

Pragyaan a dépassé les 100 m sur la surface lunaire :

Le 2 septembre, l’ISRO annonce que le Rover a terminé sa mission principale. Il a été mis en mode veille. Les charges utiles APXS et LIBS ont été désactivées. Les données de ces instruments ont été transmises à la Terre via l’atterrisseur. La batterie a été complètement chargée et le panneau solaire est orienté pour recevoir la lumière au prochain lever du soleil prévu le 22 septembre 2023. Le récepteur de communication est resté allumé. Il n’est pas du tout sûr que Pragyan se réveille de la nuit lunaire mais on peut espérer !

Et hop !

Le 4 septembre, l’ISRO annonce une manœuvre peu souvent effectuée sur des atterrisseurs automatiques (Surveyor-6 en 1967 uniquement sauf erreur) : un léger décollage et ré-atterrissage.

Les équipes de la mission ont l’allumage des moteurs, et Vikram s’est élevé d’environ 40 cm comme prévu et a atterri en toute sécurité à une distance de 30 à 40 cm.

L’ISRO a confirmé à l’issue de ce test que tous les systèmes fonctionnaient nominalement. La rampe par laquelle Pragyaan était descendue et les sondes ChaSTE et ILSA ont été repliés et redéployés avec succès après le “saut”.

Pourquoi ce saut ? Une façon de voir le comportement du lander et des ses sous-systèmes dans le cadre de futures missions de retours d’échantillons et de mission habitées !

Au 4 septembre, Chandrayaan-3 est en mode “sommeil” car la nuit lunaire de 14 jours est sur la zone d’atterrissage. N’étant pas équipés d’un système de chauffe a radio-isotope comme les missions Chang’e 3 ou 4 de la Chine,l’atterrisseur et le rover se réveilleront-il après cette nuit glacée vers le 22 septembre lors du prochain jour lunaire ? A suivre !

Source principale : site ISRO

Image de couverture : Vikram par Pragyaan (crédit ISRO/ traitement Thomas Appéré)

2 réflexions sur “Chandrayaan-3 est une mission réussie avec une surprise à la clé

  • Éric38fr

    Pas bien compris, ce qu’était la surprise. La découverte du soufre ? ou bien le saut de puce final ? En tout cas, grand merci pour ce superbe résumé bien complet.

    Répondre

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