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Astronomie

Trop tard pour sauver le radiotélescope Arecibo

Suite aux derniers évènements, je fais une mise à jour de cet article publié initialement le 30/11/2020 avec un nouveau triste titre. Le titre précédent était : « Sauvez le radiotélescope Arecibo ! »

Le radiotélescope Aricebo à Porto-Rico est menacé de démantèlement à la suite de 2 incidents majeurs en août et début novembre.

Sur cette image satellite du 17/11/2020, on voit bien l’endommagement du réflecteur du radiotélescope Arecibo (crédit Maxar)

Vous connaissez ce télescope terrestre si vous avez déjà vu le film James Bond « GoldenEyes » ou le film « Contact » réalisé par Robert Zemeckis avec Jodie Foster qui joue le rôle d’une scientifique à la recherche de signaux extraterrestres.

Le grand héritage du 2e plus grand radiotélescope au monde

Construit en 1963, l’Observatoire Arecibo sur l’île de Porto-Rico a longtemps été la plus grande antenne au monde, permettant à des scientifiques du monde entier d’effectuer des recherches sur les pulsars, les quasars, les sursauts radio rapides (ou FRB pour fast radio burst) ou la détection d’astéroïdes géocroiseurs (croisant l’orbite terrestre). Il n’a été dépassé en taille qu’en 2016 par le radiotélescope chinois FAST.

Images de l'astéroïde géocroiseur 3200 Phaethon capturé par l'Observatoire d'Arecibo le 17 décembre 2017. Crédit: Arecibo Observatory / NASA / NSF.
Images de l’astéroïde géocroiseur 3200 Phaethon capturé par l’Observatoire d’Arecibo le 17 décembre 2017 (crédit: Arecibo Observatory / NASA / NSF)

S’agissant d’un radiotélescope, il observe dans des gammes d’ondes différentes des ondes visibles, à travers la poussière cosmique interstellaire et dans les coins les plus éloignés de l’Univers pour observer de plus près les objets du ciel profond. Arecibo a également mené des études sur les planètes de notre Système Solaire, collectant des données sur Mercure, Vénus, les anneaux de Saturne et les lunes de Jupiter. Il a permis de déterminer notamment la période de rotation de Mercure en 1964 (en 59 jours, et non 88 comme les astronomes l’avaient initialement pensé).

Les scientifiques du Search for Extraterrestrial Intelligence (SETI, recherche d’intelligence extraterrestre) ont utilisé Arecibo pour rechercher dans le ciel des transmissions radio dans l’espace lointain qui pourraient potentiellement provenir de mondes intelligents extraterrestres. 

Le 16 novembre 1974, la première transmission délibérée à une civilisation extraterrestre était effectuée depuis Arecibo. Ce message en code binaire représente notamment la double hélice de l’ADN, un humain avec « 14 » d’un côté et « 4 milliards » de l’autre (le premier chiffre représentant la taille d’un humain moyen, en unités de 12,6 centimètres, la longueur des ondes radio utilisées pour envoyer le message, et le 2e nombre, la population humaine sur Terre dans les années 1970), une carte du Système Solaire (avec 9 planètes à l’époque) et une représentation du télescope Arecibo lui-même, avec sa taille notée en unités de longueur d’onde radio, pour indiquer le niveau de technologie utilisé pour poster la « carte postale ». Dans environ 25 000 ans, le message devrait rencontrer l’amas globulaire M13 [pour en savoir plus sur ce message : article de NationalGeographic].

Le message envoyé en 1974 par Arecibo à l’amas globulaire M13, avec des couleurs ajoutées pour identifier les différents composants (crédit NORRO/ RAWASTRODATA)

Ce message a été transmis par l’astronome Dr Frank Drake, l’un des directeurs d’Arecibo par la suite. C’est lui qui a établi une équation « l’équation de Drake » pour tenter de prédire la présence extraterrestre dans l’Univers.

L’observatoire est géré par la National Science Foundation (NSF) (Fondation nationale pour la science), agence indépendante des Etats-Unis. La NASA finance une partie d’Arecibo via son programme Near Earth Objects pour soutenir son utilisation en tant que radar planétaire, aidant à affiner les trajectoires et les formes des astéroïdes proches de la Terre.

Des dommages menaçant la sécurité du personnel

L’observatoire principal se compose d’une parabole radio de 305 m de large avec une plate-forme de 900 tonnes suspendue à 150 m au-dessus de la parabole et suspendue par des câbles connectés à 3 tours.

Le radiotélescope de 300m d’Arecibo avant août 2020 (crédit University of Central Florida)

Le 10 août dernier, l’un de ses câbles de support s’est détaché laissant un trou de 30 mètres dans la parabole, et endommageant des panneaux dans un récepteur appelé le Gregorian Dome monté sur cette plate-forme.

Une image montrant des dommages à l’antenne du télescope Arecibo après qu’un câble ait cassé en août 2020. (Image crédit : UCF/AO)

Le 6 novembre, l’un des principaux câbles qui supporte la plate-forme du récepteur s’est cassé alors qu’une évaluation des dégâts du premier incident était en cours.

Selon Ralph Gaume, directeur de la division d’astronomie de la National Science Foundation :

Les deux câbles qui ont cassé étaient attachés à la même tour de support et les ingénieurs ont déclaré qu’une autre rupture de câble de cette tour entraînerait l’effondrement de l’ensemble du télescope. Les ingénieurs ont conclu que tous les câbles étaient suspects et pourraient ne pas être capables de supporter les charges qu’ils étaient censés supporter. Tout effort de réparation ne ferait que mettre en danger les travailleurs et le reste de l’observatoire et n’empêcherait probablement pas un «effondrement catastrophique incontrôlé»

Une vue par drone de l’endommagement d’un câble à l’observatoire Arecibo à Porto Rico capturée après la défaillance d’un deuxième câble le 6 novembre 2020.  (Crédit : NAIC/NSF via Space.com)

Si certains des câbles restants se cassent, les ingénieurs craignent que la plate-forme suspendue de 900 tonnes au-dessus de l’installation ne s’écrase sur la parabole d’Arecibo. Il est également possible que trois tours environnantes, qui mesurent plus de 90 mètres de haut, basculent dans n’importe quelle direction, heurtant potentiellement le centre des visiteurs ou d’autres bâtiments importants à proximité.

La National Science Foundation a annoncé le 19 novembre qu’elle procéderait à un « déclassement contrôlé » du radiotélescope. Le calendrier de déclassement se concentrera uniquement sur le télescope de 300 m et préservera d’autres parties de l’observatoire, a déclaré NSF, pour les préserver pour de futures recherches et activités éducatives.

Dans un communiqué, la NASA a déclaré qu’elle n’était pas impliquée dans la décision de la NSF, mais qu’elle avait été tenue informée avec d’autres parties prenantes et a fourni à la NSF un soutien technique. « La NASA respecte la décision de la National Science Foundation de mettre la sécurité de ceux qui travaillent, visitent et étudient à l’observatoire historique avant tout ».

Selon SpaceNews, une évaluation environnementale de 2016 préparée par la NSF, élaborée dans le cadre des efforts de l’agence pour se désengager des observatoires astronomiques plus anciens, estimait les coûts de déconstruction de 10,6 millions de dollars à 18,7 millions de dollars, selon les structures abandonnées en place ou complètement enlevées.

Une fois le processus de déclassement terminé, les responsables de la NSF déclarent avoir l’intention de reprendre les opérations dans d’autres parties de l’observatoire, telles que l’installation LIDAR (détection et télémétrie de la lumière) de l’observatoire d’Arecibo, le centre des visiteurs et l’installation de Culebra, qui analyse la couverture nuageuse et les précipitations.

Le 24 novembre, NFS a annoncé qu’au cours de la surveillance aérienne par drone du radiotélescope, les ingénieurs ont observé des ruptures supplémentaires sur les fils extérieurs des câbles restant attachés à la tour 4. Il s’agit de la même tour à laquelle le câble auxiliaire défectueux et le câble principal rompu étaient attachés.

1er décembre : la plate-forme s’effondre

Le 1er décembre à environ 7h55 heure locale, la plate-forme d’instruments du radiotélescope de 305 mètres est tombée. Cela a endommagé la parabole et les installations environnantes. Aucun blessé n’a été signalé à la suite de l’effondrement.

Après / avant le 1er décembre à Arecibo (crédit Deborah Martorell)

Les premiers résultats indiquent que la partie supérieure des trois tours de support du télescope de 305 mètres s’est rompue. Lorsque la plate-forme d’instruments de 900 tonnes est tombée, les câbles de support du télescope ont également chuté.

Gros plan sur les dégâts du 1er décembre Crédit: UCF

Les dégâts sont énormes. Il est difficile de dire si un autre observatoire pourra prendre place à cet endroit dans les années à venir. C’est une grande perte pour les scientifiques du monde entier.

Mise à jour 03/11/2020 : nouvelle vidéo

La NFS a publié une vidéo de caméra de surveillance fixe ou par drone montrant l’effondrement de la plateforme.

Une pétition en ligne pour sauver l’observatoire

Mise à jour 02/12/2020 : Malheureusement c’est trop tard

Une pétition pour une action d’urgence pour évaluer et stabiliser le radiotélescope Arecibo est en ligne depuis le 21 novembre qui demande à la Maison Blanche :

Une action d’urgence pour que le Corps des ingénieurs de l’armée ou une autre agence évalue la structure du télescope et recherche un moyen sûr de la stabiliser, afin de laisser le temps d’envisager et de mener d’autres actions.

La structure du télescope comprend 20 tonnes de contrepoids en plomb. Sa démolition ou son effondrement non planifié présente le potentiel d’une urgence environnementale car il se trouve au sommet d’un aquifère et affecterait la population voisine.

Wilbert Ruperto-Hernández, étudiant à l’Université de Porto Rico à Mayagüez qui est parmi les organisateurs d’un campagne intitulée « Save the Arecibo Observatory » a déclaré à Space.com :

Cela peut sembler un désastre, mais je pense que nous pouvons le transformer en une opportunité de faire de l’Observatoire d’Arecibo une meilleure institution.

Nous ne devrions pas faire cela [mettre hors service le télescope] avant d’avoir un plan, avant de savoir ce qui va suivre et, surtout, de savoir comment nous allons continuer à faire de la science avec l’Observatoire d’Arecibo, soit en réparant ce que nous avons, soit en construisant une structure complètement nouvelle qui peut améliorer les capacités qu’Arecibo possède ou possédait.

Je pense que le plus grand perdant sera Porto Rico. Nous perdrons cette inspiration et la source de nos rêves.

Si la pétition atteint 100 000 signatures dans le mois suivant sa création, la Maison Blanche devra fournir une réponse à l’équipe dans un délai de deux mois.

Lien de pétition : https://petitions.whitehouse.gov/petition/petition-emergency-action-evaluate-and-stabilize-arecibo-radio-telescope

Sources diverses comme TheVerge, Space.com, SpaceNews.

Crédit image de couverture : University of Central Florida « Nuit étoilée au-dessus d’Arecibo »

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Une réflexion sur “Trop tard pour sauver le radiotélescope Arecibo

  • Jean-Charles

    J’ai signé la pétition!

    Répondre

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