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La NASA à la rencontre du Soleil avec Parker Solar Probe

La sonde Parker Solar Probe va aller à la découverte du Soleil. Bien que d’autres missions spatiales étudient déjà notre étoile, comme SOHO, STEREO ou SDO, cette mission devrait s’approcher de l’astre comme jamais.

Un voyage d’un peu plus de 6 ans pour arriver au plus près du Soleil

Le voyage vers le Soleil a commencé à bord d’une Delta IV Heavy ce dimanche 12 août 218.

La sonde Parker Solar sur l’étage supérieur du lanceur Delta IV Heavy lors de la mise en place de la coiffe le 16/07/2018 (crédit NASA/Johns Hopkins APL/Ed Whitman)

A 7h31 UTC, le lanceur lourd d’ULA a décollé sans problème de Cap Canaveral en Floride.

Parker Solar Probe Launch (NHQ201808120007)
Parker Solar Probe Launch (NHQ201808120009)

Photos crédit : NASA

La sonde a été séparée du lanceur 43 minutes après le décollage sur une orbite elliptique autour du Soleil (plus de détails sur le lanceur et le profil de vol dans cette plaquette, en anglais, d’ULA).

A noter que ce lancement a eu lieu dans la direction opposée au mouvement de la Terre.

La sonde est de faible masse (685 kg, et d’une taille d’une voiture) vis-à-vis de la puissance générée par la Delta IV Heavy, mais ce rapport poids/puissance a permis de propulser la sonde à une vitesse d’environ 15 km/s, lui évitant de faire ensuite de nombreux survols de planètes pour bénéficier de leur assistance gravitationnelle (donc de s’accélérer et de modifier la trajectoire).

Trajectoire de Solar Parker Probe (crédit NASA)

Parker Solar Probe (ou PSP) ralentira au fur et à mesure qu’elle sortira de la zone d’influence gravitationnelle de la Terre. Dès lors, PSP voyagera à une vitesse de 12,3 km/s par rapport à la Terre.

Le premier survol de Vénus aura lieu le 3 octobre 2018, soit seulement 6 semaines après son lancement, et devrait permettre à la sonde d’atteindre la vitesse de 95 km/s. PSP effectuera 6 autres survols de Venus par la suite.

La première visite au Soleil aura lieu début novembre 2018, puis PSP continuera d’orbiter autour du Soleil en diminuant au fur et à mesure sa distance de celui-ci jusqu’à un passage au plus près estimé à fin 2024. En tout, il est prévu que PSP effectue 24 orbites et dure 7 ans.

Au service de l’héliophysique

Initialement baptisée Solar Probe Plus, la mission a été renommée en 2017 du nom de l’astrophysicien Eugène Parker, 90 ans. C’est la première fois qu’une sonde est baptisée du nom d’une personne de son vivant. Eugène Parker est à l’origine de la découverte du phénomène physique communément appelé “vent solaire”.

Parker Solar Probe Prelaunch (NHQ201808100001)

Eugene Parker, astrophysicien et professeur émérite à l’Université de Chicago, devant le lanceur Delta IV Heavy le 10 août 2018, entouré de Thomas Zurbuchen, administrateur adjoint de la NASA pour les missions scientifiques (à gauche), Tory Bruno (à droite), directeur de United Launch Alliance. (Crédit photo : NASA / Bill Ingalls)

Au début des années 1950, Eugene Parker, astrophysicien de l’Université de Chicago, étudie pourquoi l’atmosphère du Soleil est si chaude. En 1958, Parker publie un article dans lequel ses calculs révèlent qu’aux températures extrêmement élevées des couches les plus superficielles de la couronne solaire, le gaz doit être éliminé très rapidement de celui-ci. Le phénomène est constitué d’un système complexe de flux de plasma, de champs magnétiques et de particules de haute énergie. Selon Parker, cela affecte toutes les planètes et l’espace du Système Solaire et il prédit correctement la forme torsadée, maintenant appelée la spirale de Parker, du vent solaire transportant le champ magnétique du Soleil dans le Système Solaire extérieur. Sa théorie fut largement ignorée jusqu’en 1962 jusqu’à ce que Mariner 2 devienne la première sonde à voyager au-delà du champ magnétique terrestre et observe le vent solaire supersonique (et le fait que notre magnétosphère nous en protège largement). Parker a été alors reconnu.

Eugene Parker
Le Dr Eugène Parker (Archives photographiques de l’Université de Chicago)

Parker a également théorisé une explication de l’atmosphère solaire surchauffée, la couronne solaire, qui est, contrairement aux lois de la physique, plus chaude d’environ 100 fois, que la surface du Soleil elle-même. C’est comme si vous étiez assis près d’un feu et que l’air sur votre visage était cent fois plus chaud que les flammes elles-mêmes.

La sonde Parker Solar Probe devrait aider les scientifiques à mieux comprendre le Soleil. Bien que les scientifiques sachent ce qui crée la dynamique magnétique (les gaz chauds chargés circulant à l’intérieur de l’étoile jaune créent des charges électriques qui génèrent le champ puissant), on ne sait pas pourquoi le Soleil bascule environ tous les 11 ans entre un état de tranquillité relative et un état à fortes éruptions solaires. On ne sait exactement comment, ou pourquoi, le vent solaire est généré, ni comment il produit des jets de matériaux violents, de courte durée, d’environ 10 000 km de longueur, appelés spicules. Et on ne sait pourquoi la couronne est si chaude.

Schéma du Soleil et du phénomène de spicules via la Société Astronomique de Touraine

Les scientifiques ne savent non plus pourquoi le Soleil crache aussi des éjections de masse coronales, des éruptions gigantesques de particules énergétiques, et personne ne peut les prédire de manière fiable à ce jour. Ces éjections de masse coronale prennent généralement plusieurs heures ou jours pour parcourir la distance entre le Soleil et la Terre. Une fois qu’elles atteignent la Terre, elles peuvent interférer avec les satellites, les communications au sol et les réseaux électriques. Elles peuvent ainsi causer des coupures de courant considérables à Terre. Par exemple, la coupure géante d’électricité au Canada en 1989 qui dura 9 heures.

De plus, les particules solaires peuvent être dangereuses pour les astronautes qui s’aventurent en dehors des Ceintures de Van Allen protégeant notre planète, lors de missions vers la Lune ou Mars. Une meilleure compréhension de ce phénomène pourrait aider à prévoir et davantage protéger les équipages lors de missions interplanétaires.

De la haute technologie pour “toucher” le Soleil

Parker Solar Probe devrait s’approcher du Soleil plus que tout autre vaisseau spatial de l’histoire spatiale à ce jour, battant le record de Helios-B, une sonde de la NASA et l’agence spatiale de l’Allemagne de l’Ouest (ancêtre à l’époque du DLR), qui s’est approché à “seulement” 43 millions de kilomètres en 1976 (ou 0,29 UA, pour Unité Astronomique, soit la distance Terre/Soleil, environ 150 millions de kilomètres).

Image d’artiste de la Parker Solar Probe au plus près du Soleil (crédit NASA)

Au passage au plus proche du Soleil, au périhélie, Parker Solar Probe se trouvera à 6,16 millions de kilomètres de la surface visible du Soleil, soit plus de sept fois plus près qu’Hélios-B, et soit à moins de 10 rayons solaires (la Terre est à environ 250 rayons solaires).

Ne pas se faire “griller”

La principale difficulté réside dans la conception de la sonde pour éviter qu’elle ne soit grillée par l’immense chaleur du Soleil. En effet, PSP doit résister à plus de 1400°C. La sonde connaîtra 475 fois le rayonnement solaire de la Terre.

À l’instar de Juno, en orbite actuellement autour de Jupiter, l’orbite elliptique de PSP constitue l’une des premières mesures de protection.

PSP sera protégée par des boucliers thermiques, des pompes de refroidissement et des radiateurs spécialement conçus.

Présentation du bouclier thermique (Thermal protection system), du système de refroidissement des panneaux solaires (Solar array cooling system) et de senseurs (crédit : NASA/Johns Hopkins APL/Ed Whitman)

Le bouclier thermique en composite de carbone de près de 12 cm d’épaisseur de PSP est sans précédent dans l’exploration spatiale. La surface du bouclier va se trouver exposée à environ 2,8 millions de watts d’énergie solaire, et seulement environ 20 watts parviendront aux instruments, dont la quasi-totalité restera cachée derrière le bouclier. Ils ne devraient ressentir que 29°C.

Parker Solar Probe en tests d’environnement. Le bouclier thermique est en haut de l’image (Credit : NASA/Johns Hopkins APL/Ed Whitman)

Des panneaux solaires spécifiques

Pour éviter que les panneaux solaires de 1,55 m² surchauffent aux passages près du Soleil, ils ont été montés sur des bras articulés pouvant les replacer derrièrele bouclier thermique. Un ordinateur de vord prédit continuellement les besoins en énergie et détermine le pourcentage des panneaux solaires à exposer.

Concept d’opérations et présentation du positionnement des panneaux solaires selon la position orbitale (crédit NASA)

Pour empêcher les bords des panneaux de surchauffer, de l’eau circule dans un réseau de tubes en titane et aussi dans 4 radiateurs pour dissiper la chaleur.

Inspection d’un des 2 panneaux solaires de Parker Solar Probe. Les radiateurs pour dissiper la chaleur sont visibles en haut de l’image (Credit : NASA/Johns Hopkins APL/Ed Whitman)

La sonde transporte toutefois des appareils de chauffage pour contrecarrer le froid de l’espace pendant la phase de navigation.

Un système très autonome

À une distance de 150 millions de km, les communications entre la sonde et la Terre prendront plusieurs minutes, de sorte que de nombreuses tâches de la sonde seront effectuées de manière autonome. Le vaisseau spatial est programmé avec une multitude de commandes auxquelles il peut accéder selon les changements de situation, avec la contrainte la plus importante de s’assurer que le bouclier thermique soit toujours dirigé vers le Soleil.

La sonde utilise des senseurs d’étoiles et une unité de mesure inertielle pour détecter sa position. Sept capteurs solaires montés autour du vaisseau spatial peuvent également émettre des alertes.

Quatre instruments scientifiques

Présentation des 4 instruments (Credit : NASA/Johns Hopkins APL/Ed Whitman)

Les instruments scientifiques sont emballés dans un système de refroidissement, pour un fonctionnement autour de la température ambiante (25°C).

  • Solar Wind Electrons Alphas and Protons Investigation (SWEAP), instrument de comptage des particules les plus abondantes dans le vent solaire, électrons, protons et ions d’hélium, et mesures de leurs propriétés. SWEAP utilise deux instruments, le Solar Probe Cup (SPC) et les analyseurs de sondes solaires (SPAN) pour recueillir les mesures du plasma du vent coronal et solaire nécessaires pour atteindre les objectifs scientifiques du PSP.
  • Wide-field Imager for Solar Probe Plus (WISPR), imageur à champ large, ou un télescope qui réalisera des images en 3D de la couronne solaire et de l’héliosphère interne. L’expérience va effectivement “voir” le vent solaire et fournir des images en 3D des chocs et autres structures à mesure qu’ils approchent et passent devant la sonde.
  • Electromagnetic Fields Investigation (FIELDS), qui permettra de mesurer directement les ondes de choc qui se propagent dans le plasma atmosphérique du Soleil. FIELDS comprend 3 magnétomètres et cinq antennes électriques mesurant les champs et les ondes électriques et magnétiques, les fluctuations de densité et les émissions radio.
  • Integrated Science Investigation of the Sun (IS☉IS), qui consiste en deux instruments qui recenseront les éléments de l’atmosphère du Soleil à l’aide d’un spectromètre de masse pour peser et trier les ions à proximité de PSP. IS☉IS est composé de deux instruments indépendants (EPI-Hi et EPI-Lo) couvrant différentes gammes d’énergie. Ils effectueront des observations d’électrons, de protons et d’ions lourds énergétiques accélérés à haute énergie (10 keV à 100 MeV) dans l’atmosphère et l’héliosphère interne du Soleil.

A noter que des laboratoires français participent à la mission :

  • Le Laboratoire de physique et chimie de l’environnement et de l’espace (LPC2E ; CNRS/Université d’Orléans) qui a développé un magnétomètre à induction (SCM) qui mesurera les variations du champ magnétique dans la couronne solaire.
  • Les équipes du Laboratoire d’études spatiales et d’instrumentation en astrophysique (LESIA ; Observatoire de Paris–PSL/CNRS/Université Paris Diderot/Sorbonne Université) et du Laboratoire de physique des plasmas (LPP ; CNRS/Observatoire de Paris–PSL/Ecole polytechnique/Université Paris-Sud/Sorbonne Université) qui ont participé à la mise au point d’un récepteur radio et de deux spectromètres
  • L’Institut de recherche en astrophysique et planétologie (IRAP ; CNRS/Cnes/Université Toulouse III-Paul Sabatier) qui sera impliqué dans l’exploitation des images de la caméra embarquée par la sonde.
  • Le four solaire du Laboratoire Procédés, matériaux et énergie solaire du CNRS, qui a permis d’éprouver les matériaux et capteurs de Parker Solar Probe dans des conditions proches de celles auxquelles ils seront confrontés autour du Soleil

Votre nom est-il dans la sonde ?

En mars 2018, la NASA proposait de mettre son nom dans Parker Solar Probe [lire Envoyez votre nom vers le Soleil]. Si comme moi vous avez envoyé votre nom sur le site dédié, vous voulez savoir si votre nom a décollé à bord de la sonde.

Le 18 mai 2018, une plaque dédiant la mission à son homonyme, Eugène Parker, a été installée sur le vaisseau spatial. Une carte mémoire contient 1 137 202 noms soumis par le public pour voyager près du Soleil à bord de PSP ainsi que des photos de Parker et une copie de son document scientifique révolutionnaire de 1958. La plaque est montée sous l’antenne à gain élevé, que l’engin spatial utilisera pour transmettre les données à la Terre.

Pose de la carte mémoire avec les noms du public et l’hommage à Eugène Parker sur la sonde Parker Solar Probe (crédit NASA/Johns Hopkins APL/Ed Whitman)

Le site officiel de la mission : http://parkersolarprobe.jhuapl.edu/index.php

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