Rêves d'Espace

Un site sur l'actualité spatiale : les vols habités, les lancements, l'exploration de l'espace, les grandes missions actuelles et futures

La Chine spatiale

La Chine fête 50 ans de son programme spatial

Le 24 avril dernier, la Chine fêtait les 50 ans de l’envoi de son premier satellite DFH-1 (Dong Fang Hong 1) par son propre lanceur.

24 avril 1970 : Long March 1 / DHF-1

Le satellite expérimental DHF-1 était un polyèdre symétrique à 72 faces presque sphériques de 1 mètre de diamètre. Il était alimenté par batterie et transportait un émetteur radio. Sa mission principale était de diffuser la chanson « Dong Fang Hong » (L’Orient est rouge), rendant hommage au président Mao, et d’annoncer l’heure. 

DHF-1 (via space.skyrocket.de)

Au total, cinq satellites identiques ont été construits pour avoir des satellites prêts à être lancés en cas d’échec de lancement. Mais fort heureusement, la première tentative a été un succès et les 4 autres exemplaires n’ont jamais été lancés.

DFH-1 a été lancé par une fusée Chang Zhen-1, pour Long March 1 sur une orbite elliptique de 441 × 2 286 km inclinée à 68,4° depuis le site de lancement de Jiuquan. Le lanceur est un dérivé d’un missile balistique, le DF-3. Le satellite a cessé de transmettre en juin 1970.

La Long March 1 sur le pas de tir (via space.skyrocket.de)

Tsien Hsue-shen, le pionnier

Le programme spatial chinois a débuté dans les années 50 sous l’impulsion de Mao Tsé-toung avec évidemment un intérêt essentiellement militaire comme les autres pays de l’époque. Ce programme est dirigé par le pionnier de l’astronautique chinois Tsien Hsue-shen (ou Qian Xuesen). Cet homme, diplômé du célèbre Massachusetts Institute of Technology (MIT) et du California Institute of Technology (Caltech), a contribué au développement de la fusée américaine Titan et à la création du Jet Propulsion Laboratory Il a été soupçonné d’espionnage en 1950 en raison de sa nationalité, et a été accueilli en 1955 en Chine comme un héros. Il a aidé aux négociations de 1956 avec l’Union Soviétique pour le transfert des technologies liées aux lanceurs et au nucléaire.

Tsien Hsue-shen et Mao Zedong (crédit DR)

Une première génération de lanceurs

Rapidement après la CZ-1, la Chine est passée au développement des CZ-2, CZ-3, et CZ-4 et différentes variantes à partir du missile balistique DF-5 [pour les détails des différentes configurations, allez voir les sites complets, space.skyrocket.de ou spacelaunchreport.com]. Il y a eu aussi le Feng Bao (FB-1) mais abandonné en 1981 par manque de fiabilité.

Ces lanceurs ont toute une même caractéristique en commun : un diamètre de leurs 1er et 2e étages de 3,35 m.

Famille des Long March 1 à 4 (crédit inconnu)

A partir de 1986, la Chine offre ses services de lancement commerciaux aux pays étrangers. La Chine a lancé 27 satellites de fabrication étrangère entre 1985 et 2000. Depuis l’embargo américain sur les transferts de technologie avec la Chine, les lancements commerciaux se font plus rares.

Le premier vol réussi d’une Long March 2 modifiée, version CZ-2C, date de 1975. A fin 2019, cette version avait réalisé 55 lancements orbitaux et seulement 2 échecs.

Les Long March 2, 3 et 4 totalisent à fin 2019, toutes variantes confondues, 305 lancements orbitaux dont 14 échecs (fiabilité ~95,4%).

La nouvelle génération de lanceurs

Actuellement la Chine est en train de remplacer petit à petit ces lanceurs par une nouvelle génération de lanceurs à la fois pour les programmes d’exploration de la Lune, de Mars et la construction de sa Station Spatiale orbitale mais aussi pour remplacer les carburants toxiques actuellement utilisés dans les moteurs, à savoir l’hydrazine (UDMH) et le peroxyde d’azote (N₂O₄), par du kérosène (LH2) et de l’oxygène liquide (LOX), ou à combustible solide pour la CZ-11.

La nouvelle génération de lanceurs chinois présentée en mai 2019 à la Cité de l’espace de Toulouse (crédit personnel)

Les sites de lancements

Historiquement, par souci de confidentialité, la Chine a établi trois sites de lancement loin du littoral pour atteindre diverses orbites : Jiuquan, pour les lancements sur orbites à inclinaison moyenne, Xichang pour le lancement sur orbite géosynchrone, et Taiyuan pour les orbites polaires. Ces bases de lancement étant situées profondément dans le pays, les boosters des premiers étages tombent régulièrement sur des zones habitées faisant des dégâts matériels (si dégâts humains, ils ne sont pas annoncés).

Débris de la fusée CZ-4 (moteur du premier étage ?) lancée le 27/08/15 retombé sur une maison dans la province Shaanxi en Chine (source @sinodefence)

Une quatrième base de lancement, Wenchang, sur l’île de Hainan a démarré ses activités le 25 juin 2016 avec le lancement inaugural de la Long March 7. Elle devrait voir le nombre de ses décollages augmenté avec les lanceurs lourds CZ-5 (et ses variantes) , et la CZ-9.

Les 4 bases de lancements officielles de la Chine

Un autonomie sur tous les domaines spatiaux

Depuis 50 ans, la Chine a acquis son autonomie dans tous les domaines de l’espace : satellites militaires et civils d’observation de la Terre avec les satellites Gaofen par exemple, la navigation par satellites avec son système BeiDou avec sa 3e génération de satellites en passe d’être finalisée, satellites météorologiques et de télécommunications, mais aussi les vols habités et les missions d’exploration du Système Solaire.

Le système de navigation global chinois BeiDou

Un programme de vols habités

Dès 1999, le programme de vols habités commence avec l’envoi du premier vaisseau Shenzhou-1, sans équipage.

Le premier vol habité a lieu le 15 octobre 2003 avec Shenzhou-5 et le premier taïkonaute : Yang Liwei. Il ne restera dans l’espace que 21 heures.

Yang Liwei, le premier taïkonaute, après l’atterrissage dans le nord de la Chine, le 16 Octobre 2003 (Credit AP)

Une première petite station spatiale est mise sur orbite en 2011, Tiangong-1 puis une seconde Tiangong-2 en 2016. Toutes les deux ont été désorbitées.

Plus de détails sur les vols habités chinois dans :

Depuis le Shenzhou-11 en 2016, il n’y a pas eu de taïkonautes dans l’espace.

Après des années de retard, la construction de la « grande » station orbitale spatiale chinoise doit débuter en fin d’année 2020 si tout va bien. Elle devrait se composer de trois parties : un module de base fixé à deux laboratoires, pesant chacun environ 20 tonnes. Elle devrait comporter 2 panneaux solaires d’une envergure de 30 mètres, deux bras robotiques. Elle sera donc équivalente à la station Mir russe. Elle pourrait être habitée nominalement de 3 astronautes mais ils pourraient être jusqu’à 6 lors des rotations d’équipages. On en reparlera !

Vue d’artiste de la future station spatiale chinoise

L’exploration de la Lune et au-delà

Avec les missions Chang’e, la Chine gravit pas à pas les étapes de l’exploration approfondie de la Lune. Avec Chang’e4, elle a réussi l’exploit historique de se poser sur la face cachée de la Lune le 3 janvier 2019, une première mondiale.

Fin 2020, si tout va bien, la Chine lancera sa mission de récupération d’échantillons du sol sélène, Chang’e5. On en reparlera !

 Désormais la Chine rêve aussi de Mars et à l’occasion de ce 50e anniversaire, elle a dévoilé le nom officiel de la mission qui doit décoller à mi-juillet : Tianwen-1. [article détaillé à venir]

La Chine rêve aussi de missions plus lointaines : sur des astéroïdes, Jupiter et même au-delà. A suivre !

Les projets d’exploration de la Chine présentés en mai 2019 à la Cité de l’espace de Toulouse (crédit personnel)

 

Résumé des missions d’exploration et des vols habités [cliquez sur le logo Mindomo en bas pour ouvrir la mindmap dans une fenêtre ou lien]

 

Le spatial chinois : une organisation complexe

Trois organismes d’état gèrent les grandes activités du spatial chinois :

  • L’Administration spatiale nationale chinoise ou CNSA
  • La Société de sciences et technologies aérospatiales de Chine (China Aerospace Science and Technology Corporation) ou CASC
  • La China Aerospace Science and Industry Corporation ou CASIC, qui s’occupe plutôt du développement des missiles et par extension leur reconversion en lanceurs, comme c’est le cas avec l’entreprise semi-privée Expace et son lanceur Kuaizhou

Sous la CASC, plusieurs sous-divisions s’occupent de différents secteurs : la CALT (Académie chinoise de technologie des lanceurs) et la SAST (Shanghai Academy of Spaceflight Technology) fabriquent les lanceurs, alors que la CAST (China Academy of Space Technology) est le principal constructeur chinois de satellites et vaisseaux spatiaux, et la CGIW (China Great Wall Industry Corporation) commercialise les produits de la CASC et de la CASIC. Ces divisions s’appuient sur le CLTC (China Satellite Launch & Tracking Control), département en charge des sites de lancement et des stations sols.

Relations entre la CGWIC et la CALT ou la SAST et le CLTC (crédit CGWIC)

Depuis quelques années, des entreprises privées et des startups émergent sur le secteur des lanceurs légers et des satellites.

En voici une représentation [cliquez sur le logo Mindomo en bas pour ouvrir la mindmap dans une fenêtre ou lien ; Cliquez sur les +/- en bas à droite pour zoomer et dé-zoomer]

Cet article n’est qu’un résumé très personnel et bref de 50 ans d’histoire du spatial chinois. D’autres sites sont beaucoup plus exhaustifs.

Si vous voulez en savoir plus sur le programme spatial chinois, je ne peux que vous recommander les livres de Philippe Coué, qui est, l’un des meilleurs spécialistes sur le sujet.

Et à venir très bientôt, le blog de Daniel sur le New Space et le spatial « exotique » : www.space-kiwi.fr

En couverture : timbre édité pour les 50 ans du spatial chinois (via twitter)

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Une réflexion sur “La Chine fête 50 ans de son programme spatial

  • Michel Clarisse

    NB : Tsien Hsue-shen fut donc l’une des nombreuses victimes de la « chasse aux sorcières » initiée par le sénateur républicain Joseph McCarthy dans les années 1950-54, d’où son nom de maccarthysme.

    Parmi les autres victimes célèbres, on peut citer John Berry, Bertolt Brecht, Charlie Chaplin, Jules Dassin (le père de Joe Dassin), Joseph Losey et Orson Welles, excusez du peu ! De nombreux artistes furent dénoncés par leurs petits camarades (parmi lesquels Ronald Reagan).

    NB : Jiuquan fut d’abord dénommé « Shuang Cheng Tzu » ainsi que « Base 20 ». Cette base est située dans le désert de Badain Jaran, lui-même un sous-ensemble du désert de Gobi, en Mongolie intérieure.

    ***

    Un programme de vols habités

    NB : Ce programme n’a pas commencé en 1999 mais dès les années 60 (si ce n’est plus tôt) sous l’impulsion du maréchal Lin Piao (ou Lin Biao) qui fut soupçonné de tentative de coup d’état contre Mao Tsé-toung (ou Mao Zedong) et décédé dans un mystérieux accident d’avion le 13 septembre 1971.

    Il y eut en réalité 5 groupes de taïkonautes (désignés également taikongren ou yuangyuan) alors qu’officiellement il n’y en a eu que 2, un 3e groupe (en fait donc le 6e) étant en cours de formation.

    Le premier groupe (1970-71) fut constitué le 15 mai 1971 pour le programme Shuguang, équivalent chinois du programme US Gemini des années 60. Il comprenait 18 taïkonautes (ou 19 ou 20 selon les sources) choisis parmi 88 candidats présélectionnés. Je connais les noms de ces 18 taïkonautes ainsi que d’un candidat, peut-être le 19e.

    Le 2e groupe (1979-80) comprenait 7 ou 8 taïkonautes mais leurs noms restent inconnus.

    Sur le 3e groupe (1985-86), on n’a pratiquement aucun renseignement.

    Ces 3 groupes sont considérés officiellement comme n’ayant jamais existé. Ils sont donc passés pour pertes et profits.

    Le 4e groupe (1995-96), officiellement donc le premier, fut constitué pour le programme Shenzhou, équivalent chinois du programme soviétique (puis russe à partir de la fin 91) Soyouz des années 60, programme toujours en cours. Il comprenait 14 membres.

    Le 5e groupe (2009-10), officiellement le 2e, comprenait 7 membres : 5 hommes et 2 femmes (*) (Liu Yang et Wang Yaping). Je connais les noms de 35 autres candidates féminines.

    Le 6e groupe (2017-20), officiellement le 3e, est en cours de constitution. Sa composition aurait dû être annoncée à la fin 2018 ; on l’attend toujours.

    Ses membres (parmi lesquels des femmes) seront sans doute affectés au VNG (vaisseau de nouvelle génération) dont on ne connaît toujours pas le nom officiel. Il devrait effectuer son premier vol, automatique, le 10 mai prochain (la veille du déconfinement…).

    Sur les 21 taïkonautes (14 + 7) sélectionnés officiellement, ils sont 11 à être allés dans l’espace, à savoir Yang Liwei (Shenzhou V), Fei Junlong (Shenzhou VI), Nie Haisheng (Shenzhou VI et X), Zhai Zhigang et Buo Boming (Shenzhou VII), Jing Haipeng (Shenzhou VII, IX et XI), Liu Wang et Liu Yang* (Shenzhou IX), Zhang Xiaoguang et Wang Yaping* (Shenzhou X) et Chen Dong (Shenzhou XI).

    Rappel : en chinois, on donne d’abord le nom de famille et ensuite le prénom.

    Shenzhou I, II, III, IV et VIII furent des vols automatiques.

    Plusieurs vols furent annulés.

    Yang Liwei avait pour « doublure » Zhai Zhigang et pour « triplure » Nie Haisheng.

    ***

    Après des années de retard, la construction de la « grande » station orbitale spatiale chinoise doit débuter en fin d’année 2020 si tout va bien.

    Cette future grande station orbitale chinoise pourrait accueillir des astronautes étrangers, parmi lesquels Samantha Cristoforetti, Matthias Maurer ou Thomas Pesquet par exemple. En ce cas, je me demande s’ils seront désignés taïkonautes.

    ***

    Tchin tchin !

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