Des navettes spatiales bien secrètes
Saviez-vous qu’actuellement il y a deux « navettes spatiales » dans l’espace : la X-37B américaine et un « avion spatial » chinois ? Des missions plutôt discrètes pour 2 engins spatiaux automatiques sans équipage.
Article initialement publié le 18/09/2022 et mis à jour le 08/05/2023 après l’atterrissage des 2 navettes.
X-37B : un record en cours avec OTV-6
La navette automatique X-37B a décollé pour un sixième vol orbital du programme le 16 mai 2020 à bord d’une Atlas V et s’appelle donc OTV-6, pour Orbital Test Vehicle n°6.
L’avion spatial a été observé sur une orbite 328×342 km. Mais l’OTV est prévu pour fonctionner sur des altitudes entre 240 et 805 kilomètres. Il est désormais le modèle X-37B qui a le plus de jours sur orbite, battant le record du modèle OTV-5 de 780 jours.
Désignation | Décollage | Atterrissage | Nombre de jours sur orbite | Lieu d’atterrissage |
---|---|---|---|---|
OTV-1 | 22 avril 2010 | 3 décembre 2010 | 224 | Vandenberg Space Force Base, Californie |
OTV-2 | 5 mars 2011 | 16 juin 2012 | 468 | Vandenberg Space Force Base, Californie |
OTV-3 | 11 décembre 2012 | 17 octobre 2014 | 674 | Vandenberg Space Force Base, Californie |
OTV-4 | 20 mai 2015 | 7 mai 2017 | 718 | Kennedy Space Center, Floride |
OTV-5 | 7 septembre 2017 | 27 octobre 2019 | 780 | Kennedy Space Center, Floride |
OTV-6 | 17 mai 2020 | 12 novembre 2022 | 908 | Kennedy Space Center, Floride |
Le X-37B mesure environ 8,8 mètres de long et 2,9 m de haut, avec une envergure d’un peu moins de 4,6 m. Au lancement, il pèse environ 5 tonnes. Construit par Boeing, l’OTV comprend de nombreux éléments utilisés pour la première fois pour un avion spatial comme les fonctions de désorbitation et d’atterrissage entièrement automatisées, les commandes de vol et les freins qui utilisent des actionnements électromécaniques (pas d’hydraulique) et un corps composé d’une structure composite relativement légère, plutôt que de l’aluminium traditionnel [description du constructeur].
C’était initialement un projet de la NASA qui est passé sous la gouvernance de la DARPA puis de l’US Air Force et devenant ainsi un projet classifié. Mais avec OTV-6, une partie des charges utiles a été dévoilée pour la première fois.
Le satellite FalconSat-8 développé par la U.S Air Force Academy et parrainé par l’Air Force Research Laboratory, sera déployé de l’OTV-6 pour mener 5 expériences sur orbite. Il sert de plateforme d’apprentissage pour les cadets de l’US Air Force Academy [Vidéo].
Un module de service de la NASA hébergeant des expériences est fixé à l’arrière de la navette pour étudier les effets de l’environnement spatial sur des matériaux fixés sur une plaque d’échantillonnage et sur des graines de culture.
L’une de ces expériences, de l’U.S.Naval Research Laboratory (USNRL), étudie la transformation de l’énergie solaire en énergie micro-ondes radiofréquence qui pourrait être ensuite transmise à la Terre. L’expérience s’appelle le Photovoltaic Radio-frequency Antenna Module, ou PRAM-FX. Les premiers résultats préliminaires de PRAM-FX à bord d’OTV-6 ont été publiés en janvier 2021. Ces données préliminaires proviennent uniquement de l’ensemble de données de simulation thermique comme si l’expérience se situait en orbite géostationnaire. La puissance RF maximale atteinte à ce jour est de 8,4 W, à un angle de 32° par rapport au zénith. Cela correspond, explique le document, à une efficacité totale du module d’environ 8%, conforme aux essais sur Terre. PRAM-FX est l’une des premières missions d’étude de station solaire orbitale auxquelles le Pentagone, et d’autres, pense beaucoup depuis 20 ans. La Chine a annoncé en 2016 qu’elle visait à développer des centrales solaires orbitales.
L’avion spatial, souvent soupçonné d’être une arme potentielle, est probablement trop petit et pas suffisamment maniable pour ce type de mission selon des experts. L’US Air Force rappelle souvent que la mission principale est de tester de nouveaux capteurs et d’autres technologies satellitaires de nouvelle génération, pour voir comment ils fonctionnent et tiennent le coup dans l’environnement spatial.
Le X37-B est rentré sur Terre le 12 novembre 2022. A lire sur L’avion-spatial X37-B OTV-6 de retour sur Terre après 908 jours dans l’espace
L’avion-spatial chinois très secret
La Chine possède également son avion-spatial réutilisable, même si on ne connaît pas grand-chose sur l’engin.
Le 4 août 2022, cet engin chinois décollait pour la seconde fois à bord d’une Long March 2F (ou CZ-2F) depuis le centre spatial de Jiuquan, et il est toujours sur orbite au moment de l’écriture de cet article. Selon le 18e Escadron de défense spatiale de la Force spatiale américaine (18th SDS), qui surveille les objets spatiaux, l’avion-spatial serait sur une orbite de 346×593 kilomètres d’altitude, inclinée de 50 degrés depuis le lancement, avec juste une petite manœuvre le 24 août qui l’a fait passer sur une orbite de 351 km x 595 km.
Le premier vol d’essai avait été réalisé en septembre 2020 et n’avait duré que 2 jours. L’orbite de ce dernier était plus circulaire, 331 x 347 kilomètres.
Les images divulguées des débris de la coiffe de la Long March 2F suggèrent que l’avion-spatial réutilisable chinois serait similaire au X-37B.
La coiffe semble être une version modifiée de la coiffe de 4,2 mètres de diamètre de 12,7 mètres de long utilisée précédemment avec la Long March 2F pour lancer les laboratoires spatiaux Tiangong 1 et 2. On voit des ajouts qui auraient pu être faits pour accueillir l’envergure supplémentaire d’un vaisseau spatial à ailes…
Lors de la première mission le 18th SDS avait observé la libération d’un petit satellite d’essai émettant des signaux radio en bande S. Cela a fait penser aux petits satellites Banxing déployés par des missions Shenzhou pour faire des observations à distance [Lire Le laboratoire spatial chinois Tiangong-2 photographié depuis un satellite]. Lors de ce second vol, il a été observé jusqu’à 7 objets dans le même plan orbital que l’avion-spatial. Bien que certains de ces objets doivent être des débris du second étage du lanceur CZ-2F, on peut penser qu’il y aurait également des expériences ou des satellites compagnons qui ont été déployés.
La mission est très secrète et on ne connaît pas la date d’atterrissage de ce « spaceplane« . Il devrait avoir lieu sur l’aéroport Alxa Right Banner Badanjilin qui comporte une longue piste d’atterrissage.
En complément, pour démonter que la Chine évolue vite dans le domaine spatial et des systèmes réutilisables : Moins d’un mois après le début de ce second vol d’un avion spatial, la Chine a procédé avec succès le 26 août depuis Jiuquan au second vol suborbital d’une « mini-navette ».
Le communiqué de la CASC précise qu’il s’agit du même véhicule testé en juillet 2021. L’avion suborbital chinois pourrait être utilisé 50 fois. La dénomination exacte du véhicule est : « engin de transport suborbital à portance » (升力式亚轨道运载器) [information via Philippe Coué, spécialiste du spatial chinois et auteur d’un livre sur les projets d’avions aérospatiaux réutilisables].
Mise à jour 08/05/2022
Selon Jonathan McDowell, l’avion spatial chinois aurait éjecté le 31/10/22 un objet qui pourrait être son module de service. Le petit satellite a volé à proximité immédiate de l’avion spatial.
L’orbite a été circularisée pendant de longs mois sur une orbite de 597 par 608 kilomètres. Le vaisseau spatial a effectué de nombreuses manœuvres orbitales pendant son vol, avec des ajustements ces dernières semaines, laissant penser à un atterrissage imminent.
Pendant sa mission, le spaceplane aurait effectué au moins deux et peut-être trois opérations de capture / amarrage avec un objet co-orbitant selon des données d’observation des objets en orbite de Leolabs.
L’avion spatial chinois a atterri juste après minuit le 8 mai (~ 00h20 UTC) sur la piste d’un site d’essais nucléaires à Lop Nur au Xinjiang après 276 jours sur orbite (source)
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L’avion spatial chinois est également désigné CSSHQ pour Chongfu Shiyong Shiyan Hangtian Qi.
Chongfu = répéter ;
Shiyong = utiliser ;
Shiyan = expérimental ;
Hangtian = aérospatial ;
Qi = ce ou 7 (entre autres).
Au fait, on ne connaît toujours pas (en tout cas pas moi) :
– les noms des trois taïkonautes affectés à la mission Shenzhou-16 (et encore moins, si c’était possible, ceux affectés à Shenzhou-17 et ceux du 3e équipage en constituant les « doublures »);
– les noms de ceux qui constituent, du moins officiellement, le 3e groupe de taïkonautes ;
– la durée exacte des dernières EVA, ce qui est tout de même fort étonnant lorsque l’on sait que l’on peut, grâce aux satellites, mesurer la hauteur des vagues au millimètre près tout comme on peut, depuis 300 km d’altitude, distinguer un véritable colonel d’un vulgaire lieutenant-colonel.