L’actualité de la semaine du 27 août au 2 septembre : fuite dans l’ISS et réveille-toi Opportunity !
Une semaine qui aurait dû être très calme car aucun lancement, mais au final, ce sont les résidents de la Station Spatiale Internationale qui ont eu droit à un événement inattendu jeudi.
Dépressurisation dans l’ISS
Dans la nuit de mercredi à jeudi 30 août, les contrôleurs au sol de Houston et de Moscou remarquent une dépressurisation lente mais progressive de la pression interne de la Station Spatiale Internationale.
Il est décidé alors de laisser l’équipage dormir car il est estimé que les 6 astronautes ne sont pas en danger immédiat.
A leur heure de réveil habituel (vers 6h30 UTC), l’équipage est informé et commence la recherche de la fuite d’air vers l’extérieur grâce à des procédures établies pour ces cas d’incident.
Dans les communications entre les astronautes et le Sol (qui sont restées étonnamment disponibles publiquement toute la journée sur le live de la NASA, grâce auxquelles on a pu suivre en direct ce qui se passait, et grâce auxquelles, on m’a avertie de l’anomalie vers 10h heure de Paris de l’anomalie), il a été mentionné que la perte de pression était d’environ 0,8 millibar par heure, et donc laissait environ 18 jours d’air si rien n’était effectué.
Rapidement, fermant sas après sas entre tous les modules, attendant des mesures de pression, la fuite est localisée au niveau du Soyouz MS-09, le vaisseau qui a amené en juin dernier les astronautes Alexander Gerst, Sergey Prokopyev et Serena Auñón-Chancellor.
La localisation de la fuite a été effectuée vers 9h45 UTC dans le Module Orbital (BO pour Bytovoi Otsek) du Soyouz, la partie sphérique du Soyouz qui s’amarre à l’ISS, qui est larguée dans l’atmosphère lors de la rentrée sur Terre (les cosmonautes rentrent sur Terre dans le module central, dit de rentrée, ou SA pour Spuskaemyi Apparat).
Le trou de 2 mm environ se situe à l’arrière des toilettes du module. Les astronautes en prennent des photos pour les envoyer au Sol.
Le trou est, dans un premier temps bouché, par le doigt d’Alexander Gerst ! Puis, un adhésif type kapton, très utilisé dans le spatial car résistant à une large gamme de températures, a été appliqué sur le trou en tant que réparation temporaire. Les centres de contrôle russe et américain ont alors discuté de la phase suivante, à savoir une réparation plus définitive.
Les 2 cosmonautes russes peu stressés par cet incident partent déjeuner pendant qu’au Sol, les experts décident de la marche à suivre. Toutes les activités de l’équipage prévues le 30 août avaient été annulées entre temps.
A savoir, le Soyouz, même amarré à la Station est considéré comme de responsabilité du commandant du vaisseau (pour le MS-09, Sergueï Prokopiev) et non de responsabilité du commandant de l’ISS (actuellement l’américain Drew Feustel).
Une réparation jugée définitive a ensuite été appliquée à base de résine epoxy dans le trou.
Entre temps, les contrôleurs de vol à Moscou ont procédé à une augmentation partielle de l’atmosphère de la Station grâce à l’approvisionnement en air du cargo Progress MS-09.
Plus de peur que de mal !
Le 31 août, Roscosmos a annoncé que la surveillance de la pression effectuée au cours de la nuit du jeudi au vendredi n’avait révélé aucun changement de pression à l’intérieur du Soyouz, ni de l’ISS.
Dmitry Rogozin, directeur général de Roscosmos a également déclaré que le vaisseau spatial Soyouz MS-09 peut être utilisé pour un retour sur Terre en toute sécurité ; le retour d’Alexander Gerst, Sergey Prokopyev et Serena Auñón-Chancellor est prévu en décembre prochain.
Des investigations sont en cours côté russe pour comprendre l’origine du trou et donc de la fuite d’air : micro-météorite, défaillance structurelle (fatigue du métal) ou trou à cause d’un perceuse mécanique lors de la fabrication au sol comme le laisse supposer l’apparence visuelle du trou ? On devrait avoir un rapport officiel d’ici quelques semaines.
A noter que dans l’histoire spatiale, plusieurs cas de dépressurisation de vaisseaux ont été rencontrés : Zond-6 en 1968 (sans équipage), Soyouz-11 en 1971 (perte de l’équipage), Apollo 15 en 1971, Mir en 1997, Soyouz MS-02 en 2017 (informations N. Pillet de kosmonavtika.com).
Quant à l’ISS, elle connaît régulièrement des défaillances matérielles sérieuses : pannes répétées des toilettes du segment américain, dysfonctionnement du système de contrôle thermique du module japonais en juillet dernier entraînant de la condensation sur les parois jusqu’à 20 ml par jour que les astronautes ont dû essuyer à l’aide de lingettes, le segment américain a enregistré à plusieurs reprises des fuites d’ammoniac, grosse panne en 2015 du système d’évacuation du dioxyde de carbone de l’atmosphère de l’ISS (Carbon Dioxide Removal Assemblies -CDRA), …
Au cours des communications échangées entre les différents centres de contrôle et l’équipage, on a pu noter quelques différends sur la manière de boucher le trou à l’origine de la fuite. En tout cas, pour Alexander Gerst, les entraînements aux situations d’urgence restent essentiels et la coopération internationale dans la Station est toujours à l’ordre du jour !
Yesterday showed again how valuable our emergency training is. We could locate and stop a small leak in our Soyuz, thanks to great cooperation between the crew and control centres on several continents. pic.twitter.com/Jo0MnIIprL
— Alexander Gerst (@Astro_Alex) August 31, 2018
Réveille-toi Opportunity !
La tempête sur Mars continue de diminuer de jour en jour [lire L’actualité spatiale de la semaine du 18 juin : … et tempête martienne].
La NASA a annoncé qu’elle n’avait toujours pas repris contact avec le rover Opportunity dont les communications ont été interrompues le 10 juin. Les ingénieurs du Jet Propulsion Laboratory de la NASA, en Californie, estiment que le rover âgé 15 ans et doté de panneaux solaires sera bientôt suffisamment éclairé par le Soleil pour lancer automatiquement ses procédures de rétablissement des communications. Deux phases vont désormais commencer : lorsque le niveau tau (une mesure de la quantité de matière particulaire dans le ciel martien) descendra en dessous de 1,5, ils commenceront à communiquer activement avec le rover en lui envoyant des commandes via les antennes du Deep Space Network. Cette première phase va durer 45 jours. Puis, une phase d’écoute passive va commencer pendant plusieurs jours en espérant que le vent martien nettoie les panneaux solaires d’Opportunity et que le rover reprenne les communications de lui même. Même si l’équipe du JPL reçoit des nouvelles du rover au cours d’une des deux phases, rien ne garantit que le mobile sera opérationnel. Le probabilités d’un réveil d’Opportunity restent faibles (source).
En bref :
Démission d’un candidat astronaute
C’est la première fois depuis 1968, qu’un candidat astronaute démissionne de la NASA en cours d’entrainement. La démission de Robb Kulin, pour raisons personnelles, a été annoncé le 31 août par la NASA. Il avait été sélectionné dans le groupe 22 des astronautes américains en 2017.
Le recap d’août en vidéo :
Le recap de cette semaine en vidéo :
A venir !
Avant d’être sélectionné dans le groupe 22 de la NASA, Robb Michael Kulin avait été candidat astronaute pour les groupes 20 (en 2008-09) et 21 (en 2011-13). Il fit partie des finalistes (présélectionnés) du groupe 21.
Suite à sa démission, le nombre d’astronautes du groupe 22 passe de 12 à 11 et celui des astronautes « actifs » de la NASA passe de 51 à 50 (dont 17 femmes, soit un tiers).
NB : la précédente démission d’un astronaute en cours d’entraînement fut celle de John A. Llewellyn, du groupe 6, qui était d’origine galloise, car il n’avait pas pu obtenir la qualification de pilote.
Il y eut aussi auparavant les démissions de Duane E. Graveline, Frank Curtis Michel et Brian T. O’Leary, les deux premiers du groupe 4, le 3e du groupe 6.
La démission de Robb Michael Kulin, effective au 31 août, fut annoncée le 27.
A noter qu’il ne sera pas remplacé par l’un des candidats figurant sur la liste complémentaire du groupe 22 (dont je ne connais toujours pas la liste complète).
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Autres événements de la semaine :
1) le décès (le 28 août) de Tat’yana Dmitriyevna Kuznetsova-Pitskhelauri.
Elle fut, alors qu’elle n’avait alors que 20 ans et demi, l’une des premières jeunes femmes à avoir été sélectionnées comme « cosmonettes ».
Son mari , Lado V. Pitskhelauri, fut candidat cosmonaute à deux reprises, en 1962 et 1965. Leur fils, Vladimir, est ingénieur-programmeur chez Microsoft aux USA, comme quoi le monde a bien changé, du moins en apparence car on ne sait jamais…
Tat’yana Kuznetsova fut la doublure de Valentina Ponomaryova pour la mission Voskhod-5 qui aurait dû avoir lieu à la fin 66, avec pour équipage Valentina Ponomaryova – Irina Solov’yova et pour doublures Tat’yana Kuznetsova – Zhanna Yorkina. Au cours de cette mission, Irina Solov’yova aurait dû être la première femme à effectuer une EVA. Mais les missions Voskhod 3, 4, 5 et 6 furent annulées comme chacun sait.
2) la mise en chantier de la capsule Orion n° 3 alors que la première est pratiquement terminée.