Peu de risque que la Long March 5B vous tombe sur la tête
Le 29 avril dernier, une Long March 5B mettait sur orbite le premier module de la nouvelle station spatiale chinoise, Tianhe. L’étage central du lanceur restait lui aussi sur orbite. N’étant plus du tout sous contrôle, c’est dorénavant lui qui fait la Une des médias car personne ne sait très à l’avance ni où ni quand il va faire sa rentrée atmosphérique. Mais le risque que ce débris spatial vous tombe sur la tête est faible, et nul si vous habitez en France métropolitaine et dans le nord de l’Europe.
De quoi parle-t-on ?
La Long March 5B, ou Chang Zheng 5B (CZ-5B) est un dérivé de la Long March 5, sans second étage. L’étage central de la CZ-5B, c’est 30 mètres de long sur 5 mètres de diamètre, pour 23 tonnes au décollage.
La Long March 5B ne dispose pas de second étage pour mettre sur orbite sa charge utile, c’est l’étage central qui a assuré cette fonction. Par construction, les Chinois n’ont pas prévu de système de désorbitation de cet étage central. Et donc, une fois sur orbite basse, il continue de tourner autour de la Terre à une vitesse d’environ 28 000 km/h.
En raison, du vent solaire, de l’attraction terrestre, de quelques particules d’atmosphère terrestre résiduelles, et de l’absence de contrôle d’attitude, l’objet effectue toutefois une lente descente naturelle jusqu’aux hautes couches de l’atmosphère.
Arrivé là, l’étage va se désintégrer en grande partie. Mais certaines pièces conçues pour résister à de très grandes températures pourraient survivre à la rentrée atmosphérique. C’est le cas notamment de tuyaux ou d’éléments des moteurs soumis à de grosses pressions et de hautes températures lors du lancement.
Quel risque ?
Bien que les chances ne soient pas nulles, la probabilité que les débris de la Long March 5B tombent sur une zone peuplée est extrêmement faible.
En raison de son inclinaison (41,48°), l’étage de la Long March 5B rentrera dans une bande de latitude à ± 41,48. Dans cette région, la majeure partie de la surface de la Terre est couverte par l’océan ou des zones inhabitées, de sorte que la probabilité statistique d’un impact au sol dans les zones peuplées est faible.
Jonathan McDowell, astronome au Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics, bien connu dans la communauté spatiale pour sa surveillance experte des objets spatiaux artificiels estime que :
Au printemps dernier, lors du lancement inaugural de la Long March 5B, le corps central s’est désintégré dans l’atmosphère au-dessus de l’océan Atlantique et des débris étaient au-dessus de la Côte d’Ivoire. Personne n’avait été blessé.
Tous les jours des bolides et des débris spatiaux rentrent dans l’atmosphère. Vous avez plus de probabilité d’être frappé par la foudre que par un débris spatial !
Comment connaître le lieu et la date de la rentrée atmosphérique ?
Il faut savoir que depuis les débuts de la conquête spatiale, les engins spatiaux qui ont terminé leur mission (étages de lanceurs et satellites) restent majoritairement sur orbite basse. Ce n’est que depuis quelques années que la plupart des pays lanceurs d’objets spatiaux répondent à une loi spatiale de désorbitation contrôlée de ces objets. Une partie importante des débris spatiaux sont aussi des fragments de destruction d’engins spatiaux formés à la suite d’explosions et de collisions de ces objets en orbite [vidéo recommandée sur le sujet].
Plusieurs organismes suivent les objets spatiaux et plus particulièrement les débris, à la fois pour la sécurité des personnes sur Terre mais avant tout pour la sécurité de leurs propres satellites, afin d’éviter au maximum les collisions. C’est notamment le cas du NORAD américain (North American Aerospace Defense Command), du АСПОС ОКП russe (système d’alerte automatisé pour les situations dangereuses dans l’espace proche de la Terre) ou de l’EUSST (European Union Space Surveillance and Tracking), un consortium de pays membres de l’Union Européenne qui mettent en commun leurs moyens de surveillance de l’espace (télescopes, radar, lasers).
Du coup, ces organismes émettent des alertes de collisions vers les opérateurs de satellites ou de lancements. Ils suivent également la Long March 5B. Comme l’étage n’a pas de système de contrôle de son orientation, il tourne de façon rapide sur lui même et donc sa rentrée atmosphérique
Mais malheureusement une estimation précise de l’heure et de la localisation de sa chute ne sera possible que quelques heures avant la rentrée réelle.
Les prédictions s’affinent d’heures en heures et voici au moment de l’écriture de cet article les estimations de l’EUSST :
La fenêtre actuelle du 9 mai à 00:24 UTC ± 361 minutes continuera de se rétrécir et d’éliminer certaines des localisations terrestres au sol.
La figure ci-dessous montre le tracé au sol pour la fenêtre de rentrée.
Mise à jour 14h00 UTC : la fenêtre de rentrée est estimée par l’EUSST au 9 mai à 02:11 UTC ±190 minutes.
Je mettrai potentiellement à jour l’article dans la journée selon les dernières informations disponibles
Image à la Une : Observation de l’objet CZ-5B capturée par le télescope AROAC-T08 par l’EUSST.