MDRS 185 : suite et fin d’un Noël sur Mars
Thibault et Arno, 2 étudiants français de l’école Polytechnique de Paris-Saclay viennent de vivre deux semaines d’isolement dans la station de simulation martienne MDRS (Mars Desert Research Station) de la Mars Society. Ils y ont testé notamment une combinaison martienne qu’ils ont développée dans leur école, la X-1.
Voici la dernière partie de leur aventure [A lire la partie 1, partie 2]
Dans un épisode précédent, nous nous étions quittés sur fond de télécommande sans pile et de GPS récalcitrant… Qu’est-il arrivé depuis ?
SOL 10, une EVA mouvementée
Alors que la sortie de la veille avait été un peu mouvementée, celle du matin du Sol 10 a elle aussi été un peu remuante. J’étais de sortie mais pas X-1, qui devait encore subir quelques réparations avant ses derniers essais. Avec David, nous avons fait une EVA assez courte pour une expérience d’orientation sur le terrain, avec deux des combinaisons oranges de MDRS. Cette EVA a été plus compliquée que prévue car après que j’aie glissé depuis le sommet d’une petite colline jusqu’à sa base, le sol sec et instable s’étant littéralement dérobé sous mes pieds, David a trébuché sur des rochers et est tombé de tout son long dans le désert… Nous avons malgré tout atteint nos objectifs sans dommages autres qu’une rayure sur une de nos visières.
L’après-midi a été consacrée à une séance de fitness pour maintenir nos effectifs en forme car quand nous ne sommes pas de sortie, nous ne devons guère faire plus de 400 mètres dans la journée… Le rêve de tout fainéant accompli ! Cela se ressent d’ailleurs sur les repas. Les gens qui ne sortent pas mangent souvent beaucoup moins que ceux qui reviennent d’EVA, ce qui est à la fois normal et représentatif.
En fin de journée, nous avons pris quelques heures pour lire des questions que nous ont envoyées des enfants et des ados des quatre coins de la planète (la bleue pas la rouge) et préparer nos réponses. Eau, maladies, activités physiques, composition de l’atmosphère, nationalité des équipages… Il y en avait sur tous les sujets et de manière souvent très ciblée. Impressionnant !
Le soir, après le repas, nous avons regardé Interstellar. Les films spatiaux sont en effets particulièrement appréciables dans le coin 🙂
SOL 11, longues EVA et détente
Au Sol 11, nous avons fait la première d’une série de deux très longues EVAs : quatre heures de sortie et usage intensif des rovers électriques et des quads pour aller jusqu’au Nord de la zone d’exploration qui entoure MDRS. Là se trouvent deux immenses canyons qui ressemblent beaucoup à la Lune mais dans des teintes ocres (d’où le nom de cette aire qui s’appelle Yellow Moon). En plus de ramasser des échantillons géologiques, Arno, John et Ilaria ont profité de cette sortie pour mener à bien des expériences sur les conditions d’utilisation de nos véhicules et sur l’orientation des astronautes sur le terrain. Pendant ce temps-là, David et moi sommes restés au Hab. J’ai pour ma part partagé mon temps entre une imprimante 3D récalcitrante et un gratin aux pommes de terre réhydratées, car j’étais aux fourneaux pour le déjeuner et je préférais anticiper (à raison) la faim de nos camarades sur le terrain.
L’après-midi nous avons fait un poker pour nous détendre (je ne pensais pas pouvoir me faire plumer aussi rapidement). Puis, alors que j’avais tenté pendant deux heures de faire démarrer notre imprimante, en vain, Arno a réussi à la lancer en 5 minutes chrono. Rageant ! 😉
SOL 12, bientôt la fin
Au Sol 12, qui était la veille de la fin de la mission, j’ai passé mon tour pour la grande EVA. Je préférais me réserver pour un dernier essai avec X-1 qui, après deux semaines, pesait toujours ses 50 kilos. Ce sont donc Ilaria et John qui sont retournés dans le coin de Yellow Moon, tandis que David, Arno et moi restions au Hab. En ce dernier jour de simulation, nous avons commencé à le nettoyer de fond en comble et à tout ranger. Et même en étant très méticuleux et très organisés (chaussons dedans et chaussures dehors), force est de constater qu’après deux semaines, il y avait de la poussière rouge du désert partout, en poudre volatile ou en plaques agglomérées sur le sol. Mais après quelques heures d’efforts collectifs, d’inventaires et d’emballages, nous avons finalement réussi à redonner fière allure au Hab en prévision de l’arrivée de l’équipage 186. Mission accomplie !
SOL 13, place à MDRS 186
Pour l’ultime Sol 13, nous nous sommes levés avant même le soleil, afin que tout soit nickel pour l’inspection finale de Shannon. Puis, nous avons tenté une ultime sortie avec X-1 pour ses toutes dernières qualifications. Succès sur toute la ligne ! Nous avons même réussi à l’utiliser pour piloter un quad, ce qui n’était pas prévu au cahier des charges.
A midi, nous avons accueilli l’équipage 186, composé de sept étudiants de Purdue University. Nous leur avons fait visiter la base et nous leur avons expliqué le fonctionnement des installations et notamment de notre cher générateur, qui est désormais doux comme un agneau. Le soir, nous sommes allés tous ensemble à Hanksville pour un dîner au mondialement célèbre Stan’s Burger Shack, le meilleur fastfood de la région ! Un vrai plaisir et une sensation assez étrange car si l’équipage 186 rayonnait de fraîcheur, le nôtre était un peu moins brillant de ce point de vue…
Le temps d’une dernière soirée à deux équipages et le moment était venu de quitter définitivement la base. L’équipage 185 était mort. Vive l’équipage 186 !
Je profite de ce dernier paragraphe pour remercier toutes celles et ceux qui nous ont aidés dans cette aventure extraordinaire. Il n’est pas possible de tous les nommer mais je pense notamment à :
– L’Ecole polytechnique, qui soutient le projet X-1 financièrement et matériellement depuis le début
– L’Association Planète Mars, qui nous a significativement aidés à concevoir le prototype
– La Mars Society, pour son accueil sur sa base MDRS
Et surtout notre tuteur, Alain Souchier, qui nous a malheureusement quittés deux jours seulement avant le début de la mission. Il aurait sans doute aimé pouvoir lire ces lignes et voir le résultat de notre travail commun à l’oeuvre dans le désert. Ce récit lui est intégralement dédié.
Thibault
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