Rêves d'Espace

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Exploration lointaine

Lucy à la découverte des astéroïdes troyens, fossiles du Système Solaire

Le 16 octobre dernier, la mission Lucy de la NASA décollait de Floride. Cette nouvelle mission de la NASA a pour but de survoler un astéroïde de la ceinture principale et plusieurs astéroïdes troyens au cours d’une mission de 12 ans.

Liftoff! Atlas V Lucy
Décollage de Lucy à bord d’une Atlas V le 16/10/2021 (crédit ULA)

Environ 1 heure après le décollage, la sonde a été larguée sur une orbite d’échappement de l’orbite terrestre. Le déploiement de ses panneaux solaires de 7,3 mètres de diamètre a été réalisé rapidement pour recharger au plus vite les batteries de la sonde. Malgré un souci de verrouillage sur l’un des 2 panneaux solaires, la sonde est entrée le 20 octobre sur son mode de croisière avec une puissance électrique quasi maximale (entre 75 % et 95 %) et a pu effectuer un premier allumage de son moteur de propulsion pour ajuster sa trajectoire pour son long voyage vers les astéroïdes troyens.

Illustration du déploiement des panneaux solaires de Lucy et de l’allumage de son moteur de propulsion (crédit NASA’s Goddard Space Flight Center Conceptual Image Lab)

Les astéroïdes troyens : fossiles du Système Solaire

Les astéroïdes troyens sont des astéroïdes externes du Système Solaire qui orbitent autour du Soleil « devant » et « derrière » la planète géante gazeuse Jupiter, à la même distance du Soleil que Jupiter. La géante gazeuse est suffisamment massive pour disperser normalement tous les astéroïdes à proximité, mais en raison des influences gravitationnelles combinées du Soleil et de Jupiter, ces astéroïdes troyens ont été piégés sur des orbites stables depuis des milliards d’années, aux points de Lagrange L4 et L5. 

Chaque planète a un ensemble de cinq points de Lagrange où des objets beaucoup plus petits, tels que des astéroïdes, peuvent maintenir des positions quelque peu stables par rapport au Soleil et à la planète. Ici le cas de Jupiter (crédits NASA/ESA/A. 
Simon (GSFC))


Les modèles de formation et d’évolution des planètes (dont le modèle de Nice) suggèrent que les astéroïdes troyens sont probablement des vestiges du même matériau primordial qui a formé les planètes extérieures du Système Solaire. Ainsi ces astéroïdes fournissent un échantillon unique des vestiges de notre Système Solaire primitif d’il y a plus de 4 milliard d’années.

Les astéroïdes cibles de la mission Lucy :
Rangée du haut, à partir de la gauche : Patrocle et Menoetius, qui orbitent l’un autour de l’autre comme un astéroïde binaire, et Eurybates (absente de la photo : la petite lune d’Eurybates Queta).
Rangée du bas, à partir de la gauche : Orus, Leucus, Polymele et l’astéroïde de la ceinture principale DonaldJohanson.
Le plus gros astéroïde est Patrocle, avec un diamètre d’environ 113 km. Le plus petit est DonaldJohanson, avec un diamètre d’environ 4 km. (crédit : Centre de vol spatial Goddard de la NASA)

Lucy survolera sept astéroïdes troyens entre 2027 et 2033 [voir ci-après] de l’essaim L4 connu sous le nom de de “camp grec” d’astéroïdes troyens, car la plupart des astéroïdes de cet essaim portent le nom de héros grecs de l’époque de la guerre de Troie et nommés dans l’Iliade de Homère (Achille, Agamemnon, Ulysse, Nestor, Ajax, Diomède,…), et de l’essaim L5 qui portent le nom de héros troyens (Patrocle, Hector, Priam, etc…).

Crédits: Institut astronomique de CAS / Petr Scheirich

De nombreux survols prévus en 12 ans de mission

Avant de commencer son voyage vers les astéroïdes troyens, Lucy survolera d’abord la Terre pour deux assistances gravitationnelles en octobre 2022, puis en décembre 2024.

Lucy traversera la ceinture d’astéroïdes principale entre Mars et Jupiter et survolera son premier astéroïde en avril 2025 : (52246) DonaldJohanson, un astéroïde que l’équipe de mission a nommé d’après l’un des co-découvreurs du fossile de Lucy, un des premiers hominidés découvert en Éthiopie le 24 novembre 1974 par Donald Johanson et Tom Gray.

Lucy continuera ensuite vers le principal essaim d’astéroïdes troyens, l’essaim L4. Lucy survolera quatre de ces “héros grecs” : (3548) Eurybates et son satellite Queta en août 2027, (15094) Polymele en septembre 2027, (11351) Leucus en avril 2028 et (21900) Orus en novembre 2028.

Puis, l’orbite de la sonde ramènera Lucy vers l’orbite de la Terre. Lorsque son orbite ramènera la sonde vers l’extérieur du Système Solaire, Jupiter et les essaims de Troie auront tourné de sorte que la sonde passera à travers l’essaim L5 d’astéroïdes troyens. 

En mars 2033, Lucy survolera (617) Patrocle et son compagnon binaire Menoetius. Le survol de cette paire d’astéroïdes binaires sera le grand final de la mission. 

Lucy, une mission pour la recherche des origines

Illustration de la sonde MLucy (crédit NASA’s Goddard Space Flight Center Conceptual Image Lab)

La mission Lucy doit son nom au squelette fossilisé d’un des premiers hominidés découvert en Éthiopie le 24 novembre 1974 par Donald Johanson et Tom Gray. Lucy fait aussi référence à la chanson des Beatles “Lucy in the Sky With Diamonds“. 

Tout comme le fossile Lucy a fourni des informations uniques sur l’évolution de l’humanité, la mission Lucy promet de révolutionner notre connaissance des origines planétaires et de la formation du système solaire“, selon le descriptif de la NASA.

En effet, depuis les télescopes terrestres et spatiaux, les astéroïdes troyens ont une composition différente les uns des autres. Est-ce parce que chacun venait d’une partie différente du Système Solaire et était donc fait de matériaux différents ? Ou ces astéroïdes sont-ils faits de la même substance, avec des différences visibles uniquement sur leurs surfaces, qui peuvent avoir été altérées par différents degrés de chauffage, de rayonnement et de collisions que les astéroïdes ont subis en se dirigeant vers leurs positions actuelles en L4 et L5 ?

Lucy survolera et effectuera la télédétection sur sept astéroïdes troyens différents pour répondre aux objectifs scientifiques suivants :

  • Géologie de surface : Lucy cartographiera l’albédo, la forme, les distributions spatiales et de fréquence de taille des cratères, déterminera la nature de la structure et de la stratification de la croûte, et déterminera les âges relatifs des éléments à sa surface. De nombreux grands cratères indiqueraient que l’astéroïde s’est formé dans la région turbulente et plus chaude plus proche du Soleil ; tandis que moins de cratères impliqueraient que l’astéroïde s’est formé dans la région la plus éloignée relativement calme et froide du jeune Système Solaire. Déterminer où ces astéroïdes se sont formés dans le disque de gaz et de poussière qui a engendré le Système Solaire, ainsi que d’autres données, aidera les scientifiques à tester leurs théories de formation planétaire.
  • Couleur et composition de la surface : Lucy cartographiera la couleur, la composition et les propriétés du régolithe de la surface des astéroïdes troyens et déterminera la répartition des minéraux, des glaces et des composés organiques.
  • Propriétés intérieures et Masse : Lucy déterminera les masses et les densités, et étudiera la composition du sous-sol via l’excavation par des cratères, des fractures, des couvertures d’éjectas et des couches exposées.
  • Satellites et anneaux: Lucy recherchera si ces astéroïdes possèdent des anneaux et des satellites inconnus à ce jour.
Encapsulation: Atlas V Lucy
Lucy avant sa mise sous coiffe du lanceur Atlas V (diamètre 4 mètres) (crédit ULA)

Lucy, une sonde assez petite de 1,5 tonne au lancement, est équipée de plusieurs instruments pour effectuer cette mission

  • L’Ralph un instrument similaire à celui embarqué sur New Horizons. L’Ralph sondera la composition chimique des coins et recoins des surfaces d’astéroïdes à environ 1 000 kilomètres d’altitude. L’Ralph est composé de la caméra d’imagerie visible multispectrale, MVIC (0,4-0,85 microns) et du spectromètre d’imagerie infrarouge (Linear Etalon Imaging Spectral Array, LEISA (1-3,6 microns). LEISA permettra de rechercher les raies d’absorption qui servent d’empreintes pour différents silicates, glaces et matières organiques qui seront probablement à la surface des astéroïdes troyens. MVIC prendra des images couleur des cibles d’astéroïdes de Troie et aidera à déterminer leur niveau d’activité.
  • À l’aide de la caméra noir et blanc à haute résolution spatiale L’LORRI , les scientifiques compteront le nombre de cratères sur les surfaces des astéroïdes, ce qui offrira des indices sur les environnements auxquels les astéroïdes ont été exposés il y a des milliards d’années. 
  • L’TES est le spectromètre d’émission thermique. Il est similaire aux instruments volant sur OSIRIS-REx et Mars Global Surveyor. Ce spectromètre infrarouge (6-75 microns) permettra d’en apprendre beaucoup plus sur les propriétés des astéroïdes troyens telles que leur inertie thermique, la capacité des corps à retenir la chaleur, ce qui nous renseigne sur la composition et la structure de la matière en surface.
  • De plus, Lucy pourra utiliser son antenne à gain élevé pour déterminer les masses des cibles en utilisant le décalage Doppler du signal radio. Lucy pourra également utiliser sa caméra de navigation (T2CAM) pour prendre des images grand champ des astéroïdes afin de mieux contraindre les formes des astéroïdes.
La sonde Lucy presque entièrement assemblée à fin 2020 chez Lockheed Martin à Denver, Colorado (crédit NASA’s Goddard Space Flight Center)

Une plaque embarquée comme capsule temporelle

Une fois la mission Lucy terminée, la sonde restera sur une orbite stable, voyageant entre la Terre et les astéroïdes troyens pendant des centaines de milliers, voire des millions d’années.

La NASA a décidé d’embarquer une capsule temporelle sur Lucy sous la forme d’une plaque, qui n’est pas sans rappeler la plaque de la sonde Voyager à destination des extraterrestres.

Une mission sans nul doute passionnante à suivre au cours des prochaines années !

Pour en savoir plus sur la mission et la suivre : le site officiel

Une réflexion sur “Lucy à la découverte des astéroïdes troyens, fossiles du Système Solaire

  • Michel Clarisse

    NB : je n’ai jamais compris pourquoi Patrocle était rangé dans le camp des Troyens. En effet, c’était l’un des principaux héros grecs, surtout connu pour être le meilleur ami (pour ne pas dire plus) (*) d’Achille. Comme chacun sait (ou devrait savoir), Patrocle fut tué par Hector qui fut tué par Achille qui fut tué par Pâris qui fut tué par Philoctète.

    (*) : le comble d’un orpailleur, c’est d’avoir un petit tamis. Et il y en a beaucoup (beaucoup trop) en Guyane…

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