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LOFTID, un nouveau bouclier de décélération gonflable

Article publié initialement le 12/11/2022 et mis à jour le 20/11/2022

Image infrarouge du démonstrateur LOFTID avant récupération (crédit ULA)

Non ceci n’est pas une soucoupe volante tout droit sortie d’un film de science-fiction des années 50, mais le récent test par la NASA d’un bouclier thermique gonflable : LOFTID pour Low-Earth Flight test of an Inflatable Decelerator.

Récupération du démonstrateur LOFTID (crédit ULA)

LOFTID est l’une des briques du développement de nouvelles technologies de la NASA pour de futures rentrées atmosphériques de charges utiles massives depuis l’orbite terrestre mais aussi à terme pour Mars : HIAD pour Hypersonic Inflatable Aerodynamic Decelerator [Décélérateur aérodynamique gonflable hypersonique].

La faible densité de l’atmosphère martienne (0,6 % de celle de la Terre) limite, avec les technologies actuelles, la masse de la charge utile pouvant être déposée sur le sol à une tonne comme les rovers Curiosity et Perseverance. Pour des missions habitées sur Mars, il faut être en mesure de poser des charges utiles (modules d’habitation par exemple) de plusieurs tonnes, allant même jusqu’à 40 tonnes. Ralentir une telle mission avec des moyens conventionnels serait irréalisable. La rétropropulsion pourrait nécessiter que le vaisseau spatial transporte jusqu’à 40 tonnes supplémentaires de carburant et cela ferait trop de masse au décollage. Pour un système de parachutes, un tel vaisseau spatial nécessiterait plusieurs parachutes, chacun plus grand qu’un terrain de football, déployés à des vitesses hypersoniques. Cela semble également très peu réalisable, et donc la NASA (mais aussi d’autres agences) réfléchit et teste d’autres systèmes.

Le projet HIAD développe une technologie pour l’entrée atmosphérique. Cette technologie améliore et permet potentiellement une variété de missions proposées de la NASA vers des destinations avec des atmosphères (Mars, Vénus, Titan, les planètes géantes gazeuses) (crédit : NASA)

La technologie de décélérateur gonflable hypersonique

La conception des HIAD de la NASA se compose d’une structure gonflable qui maintient sa forme contre les forces de traînée et d’un système de protection thermique flexible qui résiste à la chaleur de la rentrée atmosphérique. La structure gonflable est construite avec une pile d’anneaux concentriques sous pression, ou tores, qui sont attachés ensemble pour former une structure en forme de cône émoussé exceptionnellement solide.

L’avantage d’un décélérateur gonflable est qu’il peut être plié dans un petit espace dans un vaisseau spatial. Au moment opportun, le décélérateur est libéré et les anneaux se remplissent rapidement de gaz. Il en résulte un décélérateur qui peut en fait être plus grand que le diamètre du vaisseau spatial (et de la place disponible sous la coiffe d’un lanceur, généralement de 5 mètres de diamètre maximal), non compatible d’un décélérateur rigide.

Le système de protection thermique est composé de quatre éléments. Premièrement, le tissu extérieur est une céramique tissée, du carbure de silicium, qui est transformée en une fibre de si petit diamètre qu’elle peut être filée en un fil. Sous les couches extérieures en céramique se trouvent deux types d’isolants flexibles qui empêchent les températures élevées de l’extérieur d’atteindre la barrière contre les gaz, le quatrième composant du système de protection thermique, et la structure gonflable.

L’aéroshell LOFTID, couvert par le système de protection thermique flexible, est gonflé pour les tests au Langley Research Center de la NASA à Hampton, en Virginie (crédit : NASA / David C. Bowman)

La structure gonflable est un ensemble d’anneaux empilés. Les anneaux sont tissés à partir d’un polymère synthétique qui est, en poids, 10 fois plus résistant que l’acier – cela rend l’assemblage suffisamment souple pour se plier pour le lancement, mais suffisamment solide pour rester rigide lorsqu’il est gonflé, en maintenant la forme de du bouclier. Les anneaux gonflables, ou tores, offrent une stabilité structurelle lorsqu’ils sont empilés.

Un modèle de test d’un HIAD se déforme sous la pression de vérins hydrauliques agissant sur les sangles autour de la circonférence de l’anneau tandis que les capteurs flexibles enregistrent les contraintes lors des tests de charge au Flight Loads Laboratory du Armstrong Flight Research Center de la NASA à Edwards en Californie (crédit : Ken Ulbrich)

La structure gonflable est fixée à un corps central rigide, qui abrite le système de gonflage de LOFTID, une grande partie de son instrumentation, des parachutes, des enregistreurs de données, etc. Des sangles sont utilisées pour fixer et monter la structure gonflable au corps central rigide afin de répartir la charge. Les tores sont recouverts d’un adhésif silicone à haute température, qui donne à l’ensemble de la structure gonflable une teinte rougeâtre/orange.

Le nombre de tores, de sangles, de couches d’isolation et la taille globale du bouclier thermique pourraient tous être adaptés en fonction de la mission, de l’atterrissage de missions avec équipage sur Mars au retour de grands composants de vol spatial depuis l’orbite terrestre basse.

Succès du vol de démonstration

LOFTID est un démonstrateur de la technologie pour valider les performances structurelles et thermiques du bouclier thermique dans l’atmosphère terrestre.

LOFTID est composé de la structure gonflable, du système de protection thermique flexible et de plusieurs segments contenant de l’électronique, des capteurs, des réservoirs de gonflage et le parachute (crédit : NASA)

Le projet LOFTID est géré et financé par le programme de missions de démonstration technologique de la NASA, dirigé par le Langley Research Center de la NASA en Virginie, en partenariat avec United Launch Alliance et avec des contributions d’autres centres de la NASA.

LOFTID a été lancé comme charge utile conjointe avec le satellite météorologique JPSS-2 (NOAA-21 lorsqu’il sera opérationnel) à bord d’une Atlas V le 10 novembre 2022.

Liftoff!: Atlas V JPSS-2 / LOFTID
Décollage Atlas V / JPSS-2 / LOFTID le 10/11/22 (crédit ULA)

LOFTID est équipé de caméras et de capteurs pour recueillir des données transmises toutes les 20 secondes pendant la descente, qui a duré environ 30 minutes.

Timeline de la mission LOFTID (crédit NASA)

A 69 minutes après le décollage, le bouclier thermique attaché à l’étage supérieur Centaur a été gonflé. Le diamètre déployé est de 6 mètres pour une masse de 1 190 kg.

Une heure et 10 minutes après le décollage, LOFTID s’est séparé de Centaur.

Caméra embarquée montrant la séparation de LOFTID de Centaur (crédit ULA)

LOFTID est rentré ensuite au-dessus de l’Océan Pacifique. A 15 km d’altitude, il a éjecté le module de transmission des données, EDM (Ejectable Data Module) de 100g.

Puis il a déployé son parachute et s’est abîmé en mer au large d’Hawaï.

Amerrissage de LOFTID sous parachute vu par caméra infrarouge (crédit NASA)

La rentrée atmosphérique l’a vu passer de Mach 28 (34 574 km/h) à Mach 0,7 (864 km/h).

Splashdown & Recovery: LOFTID
LOFTID après récupération (crédit ULA)

Mise à jour 20/11/2022

La NASA a publié le 18 novembre un communiqué pour annoncer que l’analyse des premières données montre que la démonstration a réussi.

En plus d’atteindre son objectif principal de survie à la pression dynamique intense et au chauffage de la rentrée, il semble que le côté arrière du bouclier thermique – en face du nez de LOFTID – était bien protégé de l’environnement de rentrée. Cela suggère que les aéroshells gonflables peuvent protéger les charges utiles pendant l’entrée atmosphérique.

L’étude complète des performances de LOFTID devrait prendre environ un an. Les résultats de la démonstration LOFTID éclaireront les conceptions futures de boucliers thermiques gonflables qui pourraient être utilisés pour faire atterrir des charges utiles plus lourdes sur des mondes avec des atmosphères, notamment Mars, Vénus, la lune Titan de Saturne et la Terre.

Une technologie déjà testée avec plus ou moins de succès

Le concept IRDT, Inflatable Re-Entry and Descent Technology, a été initialement développé par la Russie et NPO Lavochkin pour la sonde martienne Mars 96, mais cette mission a été perdue lors de son lancement en novembre 1996 à cause de l’échec du lanceur.

Le système de 140 kg se composait d’un bouclier thermique flexible en forme de cône se gonflant une première fois à 2,3 m de diamètre pour assurer la protection thermique et le freinage lors de la rentrée passant de Mach 22 (environ 26 00 km/h) à vitesse subsonique ( <1 230 km/h). Ce bouclier thermique flexible est recouvert d’une couche isolante intérieure protégée par un tissu à base de silice imprégné d’un matériau ablatif au contact du flux de plasma chaud. Une deuxième extension gonflable du cône, à 3,8 m de diamètre, déployée pendant le vol subsonique, réduisait la vitesse du démonstrateur pour assurer un atterrissage en toute sécurité à moins de 10 m/s.

Les applications possibles envisagées à l’époque étaient le retour de matériels et d’expériences de la Station Spatiale Internationale, ou pour des sondes vers Mars. Il pourrait également être utilisé comme un moyen de mener des recherches atmosphériques et comme un moyen de renvoyer les étages supérieurs de lanceur [source].

La technologie IDRT en configuration fermée (crédit ESA)

En février 2000, la première mission IRDT-1 a eu lieu avec le premier vol de l’étage supérieur Fregat sur Soyouz. Une charge utile factice équipée du système gonflable est lancée et l’étage Fregat est lui-même équipé du système. Le bouclier thermique IRDT-1 a réussi à retourner sur Terre après 6 orbites, mais il ne s’est pas déployé correctement et a atterri au milieu d’une tempête de neige, endommagé. L’étage Fregat n’a pas été récupéré.

En 2001, un premier vol suborbital à partir d’un lanceur russe Volna depuis un sous-marin en mer de Barents est un échec car le système ne sépare pas du lanceur.

La trajectoire suborbitale se rapproche des conditions d’entrée similaires à celles rencontrées lors d’une entrée martienne.

En octobre 2005, le démonstrateur IRDT-2 effectue un second vol suborbital parabolique à partir du lanceur Volna. Il s’agissait d’une étude sous l’égide d’EADS ST (maintenant ArianeGroup) avec NPO-Lavochkin comme sous-traitant majeur, dans le cadre d’un projet commun ESA/ Roscomos et différents instituts de recherche. Mais c’est un échec partiel : les données de télémétrie reçues ont confirmé que les phases initiales de la mission étaient nominales. Peu de temps après la réentrée de la phase radio avec le démonstrateur, il a disparu. L’IRDT n’a pas été récupéré [publication sur la mission].

Un vol suborbital IDRT-2R après un re-design de l’interface Volna, a été effectué en octobre 2005. Le démonstrateur a fourni des données de vol utiles avant et après le black-out, mais il semblerait que le bouclier ait connu un échec près de la décélération maximale [source]. Il n’a pas été récupéré.

Démonstrateur de technologie de rentrée et de descente gonflable (IRDT) avec extension gonflable déployée (crédit ESA/NPO Lavochkin)

Côté américain, les premiers tests commencent en 2007 avec le programme IRVE, Inflatable Re-entry Vehicle Experiment, lancé à bord de fusées sondes depuis la base de Wallops en Virginie. Il y aura IRVE-2 en 2009 et IRVE-3 en 2012., sans récupération des expériences.

En août 2012, la JAXA réalise un test avec sa fusée sonde S-310-41. Une petite capsule gonflable s’est ouverte 90 secondes après le lancement comme prévu et a entamé une descente pendant 20 minutes.

Photo prise 3 secondes après la séparation de la fusée (crédit JAXA)
Image de l’aéroshell flexible vue depuis la capsule (26 secondes après la séparation de la capsule) (crédit Jaxa)

Le 3 septembre dernier, l’ISRO effectuait un test réussi de son IAD, Inflatable Aerodynamic Decelerator avec sa fusée sonde Rohini-300. L’IAD de 77 kg a été gonflé à l’aide d’une cartouche d’azote à une altitude d’environ 84 km et est retombé avec sa charge utile factice attachée. La structure gonflable d’un diamètre de 1,3 m une fois déployée, est en Kevlar, qui est une fibre synthétique très solide et également résistante à la chaleur pour résister aux changements de pression atmosphérique et de température, recouvert de polychloroprène, un caoutchouc résistant à des températures extrêmes. [plus d’informations]

L’IAD indien (crédit ISRO)

L’ISRO réalise ces tests dans le cadre de la récupération des étages de lanceur et pour l’atterrissage de charges utiles lors des missions sur d’autres corps planétaires.

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