Les Emirats Arabes Unis, une nouvelle nation spatiale
Les Emirats Arabes Unis, ou EAU, est un état fédéral réunissant 7 pays du Moyen-Orient et comptant un peu moins de 10 millions d’habitants. Il a toutefois des ambitions spatiales depuis quelques années dignes des plus grands pays. Les choses s’accélèrent depuis quelques années avec différentes annonces. Ma revue sans doute non exhaustive.
Des satellites d’observations fabriqués en EAU
Comme la plupart des pays nouveaux entrant dans le spatial, les Emirats Arabes Unis ont commencé par acheter des satellites de télécommunications à usage commercial (YahSat 1A et1B, et Thuraya 1, 2 et 3). Mais le pays souhaitait développer ses compétences propres dans le domaine spatial.
L’agence spatiale émiratie a été crée en 2004 et a plusieurs objectifs :
- Développer et guider un secteur spatial national de classe mondiale qui soutient le développement durable.
- Promouvoir la recherche scientifique et l’innovation pour soutenir les progrès des sciences et des technologies spatiales.
- Attirer et promouvoir les jeunes émiratis pour qu’ils deviennent des scientifiques dans le domaine spatial et des pionniers des technologies.
- Construire et renforcer la coopération et les partenariats internationaux pour fournir des services administratifs de haute qualité et de transparence.
DubaiSat 1 & 2
Deux premiers satellites d’observation ont été construits grâce à un accord de transfert de compétence avec la Corée du Sud : DubaiSat-1 et DubaiSat-2. Ils ont été respectivement lancés en 2009 et 2013.
Le centre spatial Mohammed Bin Rashid (MBRSC), localisé à Dubaï, a été créé en 2015 et ce n’est pas moins que le prince héritier de Dubaï, Hamdane ben Mohammed Al Maktoum, qui en est le président général et le superviseur général des projets stratégiques.
Un satellite d’observation haute résolution entièrement construit par des ingénieurs émiratis au MBRSC, KhalifaSat, doit être lancé en fin d’année (le 29 octobre 2018 à ce jour) à bord d’une fusée japonaise HII-A.
Il est destiné à la surveillance de l’environnement et de ses changements, de l’urbanisme pour la planification urbaine à l’échelle nationale et optimisation efficace de l’utilisation des terres et des propositions d’infrastructures réalistes, la gestion des secours en cas de catastrophe, la détection des navires en détresse au large des côtes des EAU, et les images KhalifaSat seront utilisées dans la conception et la production de cartes détaillées de zones non seulement pour les EAU, mais également dans le monde entier.
Les EAU se dotent également de 2 satellites très haute résolution (50 cm annoncés) pour leurs applications militaires fournis par Airbus Defence and Space et Thales Alenia Space, du nom de Falcon Eye.
Des cubesats pour développer les compétences des étudiants émiratis
Les EAU ont lancé en février 2017 à bord d’une fusée indienne PSLV un premier cubesat 1U, Nayif 1 renommé Emirates OSCAR 88.
Il a permis aux étudiants de l’Université américaine de Sharjah, l’un des sept états des EAU, de développer leurs compétences en ingénierie dans le secteur des technologies spatiales, et d’avoir une formation pratique dans le domaine de la conception, de l’intégration et des tests de nanosatellites.
MeznSat est un cubesat 3U en cours de développement et il devrait être lancé fin 2019.
MeznSat sera développé par des étudiants, principalement issus des universités Khalifa (université axée sur la science située à Abu Dhabi) et l’Université américaine de Ras Al Khaimah (AURAK). Il servira à détecter les concentrations de gaz à effet de serre (GES) notamment responsables du réchauffement climatique, mais aussi à estimer la concentration de matières en suspension totales dans le Golfe Persique, pour la prévision des proliférations d’algues menaçant la qualité de l’eau dans les zones côtières et l’exploitation optimale des usines de dessalement sur les côtes, ce qui affectera à son tour la disponibilité de l’eau dans les EAU.
Le projet vise à offrir à l’industrie spatiale des Émirats Arabes Unis des diplômés qualifiés et bien formés grâce à une expérience pratique. Une fois en orbite, l’équipe d’étudiants surveillera, traitera et analysera les données depuis une station au sol située dans les EAU.
L’agence spatiale émiratie a également lancé un concours en collaboration avec l’Université Khalifa et Boeing, appelé UAE Mini Satellite Challenge pour la conception, la construction, et le lancement d’un cubeSat 2U déployé à partir de la Station Spatiale Internationale.
Une coopération internationale
Un accord a été signé en juin 2018 avec l’agence spatiale russe Roscosmos pour envoyer un astronaute émirati dans l’ISS en 2019.
Un accord de coopération a été signé en juillet 2018 avec la NASA dans le domaine des vols habités.
https://twitter.com/JimBridenstine/status/1019610181234196480
Plusieurs accords ont été également signés avec le CNES.
Escale à Abu Dhabi. L’occasion de rappeler le partenariat stratégique entre la France et les EAU dans le domaine spatial, illustré par les différents accords signés entre @CNES et @uaespaceagency pic.twitter.com/wp8laYDHB9
— Jean-Yves Le Gall (@JY_LeGall) September 2, 2018
Deux astronautes émiratis sélectionnés pour l’ISS
L’agence spatiale des Emirats Arabes Unis a lancé en avril 2017 son programme d’astronautes dans l’objectif d’envoyer un astronaute émirati dans les 4 ans.
Le centre spatial MBRSC a reçu plus de 4 000 candidatures d’Emiratis âgés de 17 à 67 ans. 95 candidats ont été présélectionnés (dont 75 hommes et 20 femmes) âgés de 23 à 48 ans.
Le 31 juillet 2018, neuf candidats à un vol vers l’ISS sont arrivés en Russie chez Roscosmos afin d’y subir des tests médicaux pour permettre la sélection de deux candidats des EAU pour un vol vers l’ISS.
Le 3 septembre, le nom des deux premiers candidats astronautes a été annoncé à Dubaï : Hazza Ali Al Mansouri et Sultan Saif al Neyadi.
The announcement of our first two Emirati astronauts heralds a new era in our nation’s history. Hazza Al Mansouri and Sultan Al Niadi will raise the UAE flag amongst the stars. Congratulations to the people of the UAE for this great achievement. pic.twitter.com/2V3YEUYqSJ
— وكالة الإمارات للفضاء (@uaespaceagency) September 3, 2018
Hazza Mansouri est né en décembre 1983 et est pilote de chasse dans l’armée de l’air des EAU sur F-16. Le Sultan Neyadi est né en mai 1981. Il est docteur en sécurité de l’information dans les réseaux informatiques de l’Université Griffith, en Australie.
Ils vont commencer leur entraînement au centre de formation des cosmonautes Youri Gagarine à la Cité des Etoiles en Russie.
Le vol du premier cosmonaute des Emirats Arabes Unis vers l’ISS est prévu pour avril 2019 à bord du Soyouz MS-12 en compagnie d’Oleg Skripochka (3e vol) et de Christina Hammock-Koch (premier vol, sélection 2013 de la NASA).
Le vol devrait environ une semaine. Le cosmonaute émirati devrait retourner sur Terre avec l’équipage du Soyouz MS-10 en compagnie d’Aleksey Ovchinin (2e vol) et Nick Hague (premier vol, sélection 2013 de la NASA).
Des projets pour Mars
L’ambition des EAU ne s’arrête pas aux satellites ou aux vols habités en orbite terrestre. L’agence spatiale nationale a mis en place un projet MARS 2117, annoncé en février 2017 au cinquième World Government Summit, à Dubaï.
Le projet Mars 2117 vise à sa dernière étape l’établissement d’une base habitée sur la planète Mars d’ici 2117.
Le projet Mars 2117 est un projet à long terme mais les représentants des EUA ont précisé que leur premier objectif est de développer le système éducatif afin que les jeunes émiriens puissent mener des recherches scientifiques dans les différents secteurs, principalement dans les domaines des transports, de l’énergie et de l’alimentation. Toutefois, ils ne négligent pas que ce projet a besoin à termes d’un consortium international.
Le projet met notamment l’accent sur le développement de moyens de transport plus rapides depuis et vers la planète rouge, et propose une visualisation scientifique intégrée du mode de vie attendu sur Mars en termes de transport, de production d’électricité et de fourniture de nourriture, ainsi que les travaux d’infrastructure et les matériaux utilisés pour la construction de la ville. Ainsi, une équipe d’ingénieurs émiriens, ainsi qu’un groupe de scientifiques et de chercheurs, ont défini un concept d’une ville humaine sur Mars qui sera construite par des robots.
Visite en VR de la base martienne du projet Mars 2117 :
Al-Amal / Hope, une mission en orbite martienne
En 2015, les Émirats Arabes Unis ont annoncé leur mission Al-Amal ou Hope (espoir) qui enverra le premier vaisseau spatial non habité du monde arabe vers la planète rouge pour une mission d’exploration scientifique.
Le lancement est prévu en juillet 2020 et l’arrivée en orbite martienne est prévue en 2021, ce qui coïncide avec les 50 ans de la création des Emirats Arabes Unis.
L’objectif principal de Hope est d’améliorer les connaissances sur l’atmosphère et le climat martien, dont on sait très peu de choses. Hope étudiera comment les couches inférieure et supérieure de l’atmosphère interagissent les unes avec les autres. Il cherchera des liens entre la météo martienne actuelle et le climat ancien de la planète rouge.
Je reviendrai avant le lancement en détails sur la mission.
Très informatif, merci 🙂
NB : le processus de sélection (oh mon dieu, quelle horreur !…) fut le suivant :
4 022 candidats –> ? –> ? –> 95 (dont 20 femmes) –> 39 (dont apparemment aucune femme, à vérifier SVP) –> 39 –> 18 –> 9 –> 2.
A noter que lorsqu’il restait 18 candidats, parmi les examinateurs, il y avait deux ex-cosmonautes, à savoir Oleg V. Kotov et Yelena I. Dobrokvashina.
Cette dernière, qui est médecin, fut sélectionnée le 11 août 1980 mais n’est jamais allée dans l’espace car le vol féminin qu’elle aurait dû effectuer avec deux autres « cosmonettes », Svetlana Ye. Savitskaya et Yekaterina A. Ivanova, fut annulé à deux reprises, en 1985 puis en 1987.
NB : à noter que « Hope » fut aussi le nom d’un projet de mini-navette ou de vaisseau aérospatial japonais, assez similaire à « Hermes », le projet européen bien connu mais lui aussi abandonné.