Le testament de Cassini
Guilhem Boyer, ancien community manager au CNES, est passionné d’espace. En 2005, il recherche les images de Huygens qui vient d’atterrir sur Titan. Depuis, les images prises par Cassini le captivent : « Cassini nous a habitués à être abreuvés d’images, d’informations venues de l’autre bout du Système Solaire. Au point que nous avons oublié à quel point nous étions borgnes avant elle. Et à quel point nous le serons après son grand plongeon. Voici son testament »
Fin d’une mission annoncée
20 ans après son lancement, 13 ans après son arrivée près de Saturne, la mission Cassini touche à sa fin. Avant elle, Saturne n’avait été survolée qu’à 4 reprises, par les sondes Voyager et Pioneer. Cassini, elle, a réalisé 314 orbites autour de la planète aux anneaux, l’accompagnant pendant une demi-année saturnienne. Si ses 400 000 images, ses centaines de Go de données sont loin d’avoir livré tous leurs secrets, la mission a révolutionné notre regard sur un astre pourtant étudié depuis Galilée, il y a 400 ans.
Titan, un aperçu d’une ancienne Terre
Un monde à la géologie complexe, transformée par le cycle du méthane : en 127 survols et un atterrissage, notre vision de cet énorme satellite -il est plus gros que Mercure- s’est considérablement affinée. En se posant sur Titan, le robot européen Huygens a été le premier à nous fournir des images de sa surface. Y apparaissent ce qui ressemble alors à des rivières courant entre des collines de glace avant de se jeter dans une grande étendue sombre.
Mais si des lacs existent bien, ils sont ailleurs : c’est Cassini qui nous les révélera, grâce à son radar capable de regarder au-delà de son opaque atmosphère. Près du pôle Nord de Titan, 75 mers et lacs de méthane liquide sont détectés par la sonde. Ils participent au cycle du méthane de Titan, assez proche de celui de l’eau sur Terre.
Quant aux formations observées par Titan, elles se sont asséchées depuis longtemps : le sol sombre serait dû aux hydrocarbures synthétisés dans l’atmosphère sous l’action du Soleil, qui seraient retombés en pluie. Des conditions qu’on estime proches de celles qui prévalaient sur la Terre primitive.
Encelade, le satellite qui se prend pour une comète
Avec seulement 500 kilomètres de diamètre, Encelade devrait être un satellite glacé parmi d’autres. Mais ce que nous a montré Cassini -confirmant ainsi les découvertes de Voyager 2- est tout autre : d’immenses fractures à la surface, des cratères à moitié effacés et d’incessants geysers d’eau indiquent qu’Encelade est géologiquement actif et cache probablement un océan souterrain de dix à trente kilomètres de profondeur. Si une épaisse couche de glace empêche -pour l’instant- d’étudier cet océan, les 23 survols d’Encelade par Cassini ont permis à la sonde d’analyser les jets s’échappant du pôle Sud du satellite. On y trouve de l’eau, mais aussi des molécules organiques, du dioxyde de carbone au formaldéhyde. Ces observations rappellent celles réalisées dans la chevelure de comètes comme 67P/Churyumov-Gerasimenko et ne sont donc pas forcément signe de vie subglaciaire. [lire aussi « annonce sur les lunes glacées« ]
Les gardiens des anneaux
Au cours de ses orbites autour de Saturne, Cassini a observé de près ses anneaux, des formations sans équivalent dans le Système Solaire. Ondes de densité, taches, hélices, jets de matière, structures verticales : autant de manifestations des interactions entre les anneaux, les satellites ou encore le champ magnétique de Saturne.
Cassini a en particulier découvert plusieurs « satellites bergers » qui, à l’intérieur ou à proximité des anneaux, régulent ou perturbent leur agencement. D’autres lunes alimentent en matériaux les anneaux dans lesquels ils orbitent. C’est le cas d’Encelade, dont les particules échappées des geysers se retrouvent dans le diffus anneau E. Enfin, certains satellites révélés par Cassini, Méthone, Anthée ou Pallène possèdent eux aussi chacun leur anneau. Ils seraient la trace d’impacts météoritiques sur ces lunes longues de seulement quelques kilomètres.
Des pôles à la dynamique surprenante
Un hexagone au Nord, un vortex chaud au Sud : les pôles de Saturne sont pleins de surprises ! Au Nord, un hexagone grand comme plusieurs Terres, déjà photographié par Voyager, a été observé longuement par Cassini qui a été témoin d’un changement de couleur, du bleu au doré, entre le printemps et l’été. Sa forme particulière serait due à des vortex causés par la rotation différentielle de l’atmosphère aux hautes latitudes. Le pôle Sud de Saturne est tout aussi intrigant avec son immense cyclone chaud. L’origine de cette formation, qui n’a d’équivalent que sur Terre, est inconnue.
Avis de tempête
Paisible, l’atmosphère de Saturne ? Pas du tout ! Les observations de Cassini, en particulier en infrarouge, ont montré une planète tourmentée, parcourue de courants et de cyclones. Si la grande tache blanche de 2010-2011 a été détectée pour la première fois depuis la Terre et n’est qu’un nouvel avatar d’un phénomène rapporté depuis le 19e siècle, Cassini était aux premières loges pour examiner et caractériser cette tempête unique dans le Système Solaire. Son origine reste cependant mal comprise. Cassini a aussi découvert la Tempête du Dragon, source d’intenses éclairs. Ce violent orage pourrait reparaître périodiquement à la surface de Saturne. Contrairement à la Terre, cette activité ne serait pas due à l’apport d’énergie du Soleil, mais plutôt à des processus internes à la planète. L’analyse des images de Cassini laisse penser que la vapeur d’eau générée dans les profondeurs de Saturne condenserait en montant dans la haute atmosphère, lui transférant l’énergie nécessaire aux vents et tempêtes observés par Cassini.
Article écrit par Guilhem Boyer. A suivre sur Twitter @kalgan_
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Et pour compléter, la vidéo de Stardust :
Les photos sont absolument sublimes. Ça fait rêver tout ça !
Dommage que ça s’arrête déjà. J’attends avec impatience les prochaines missions vers le système saturnien 😉