Dernier vol de la H-IIA : un symbole spatial japonais prend sa retraite
Ce samedi 26 juin, la cinquantième H-IIA a décollé du Tanegashima Space Center au Japon et marque la fin des lanceurs de la famille H-II.
La fusée H-IIA a été le pilier du programme spatial japonais pendant un quart de siècle, depuis son premier lancement en 2001. Elle a lancé des satellites essentiels au Japon, comme les satellites météorologiques Himawari, les satellites de positionnement Michibiki, des satellites d’observation de la Terre, et la sonde Hayabusa 2 vers l’astéroïde Ryugu.
Avec ce 50e et dernier lancement, l’exploitation de la fusée H-IIA prend fin, et elle passe le relais à la fusée H3.
Pour ce dernier vol, elle a placé sur orbite héliosynchrone le satellite GOSAT-GW pour Greenhouse Gases Observing Satellite Greenhouse gases and Water cycle, ou IBUKI GW. GOSAT-GW est un satellite hybride équipé d’un radiomètre micro-ondes haute performance AMSR3 (Advanced Microwave Scanning Radiometer 3), qui surveille le cycle de l’eau tel que la température de la surface de la mer, et d’un capteur d’observation des gaz à effet de serre TANSO-3 (Total Anthropogenic and Natural emissions mapping SpectrOmeter-3). Il s’agit d’une continuation progressive des missions d’observation des gaz à effet de serre IBUKI lancée en 2009 et IBUKI 2 lancée en 2018 [pour en savoir plus : site officiel ou le site de Mitsubishi par exemple].
La H-II, étape essentielle dans l’évolution des fusées japonaises
Le développement des fusées au Japon a débuté en 1955, avec la réussite du lancement horizontal du « Pencil Rocket » de l’Université de Tokyo, d’une longueur totale de 23 cm. L’exploitation à grande échelle des fusées remonte à 1970, avec le lancement du premier satellite artificiel japonais, Ohsumi, par la fusée Lambda-4S. Puis le Japon a développé une série de fusées à combustible solide (série M) et à combustible liquide (séries N et H), menant aux H-IIA, H3 et Epsilon modernes.

Le développement des lanceurs à carburants liquides au Japon a débuté dès 1970 avec la N-I basée sur la technologie américaine Delta. Avec la N-II, c’est l’ajout de technologies japonaises, notamment pour les deuxième et troisième étages. La H-I qui comprenait le développement d’un moteur principal japonais, a été rapidement arrêtée après des échecs.
La H-II est la première fusée entièrement japonaise, avec un moteur innovant (LE-7), mais arrêtée à cause de problèmes de coût et de fiabilité. La H-IIA est le successeur fiable et économique de la H-II. H-IIB est la version renforcée pour des charges utiles plus lourdes, notamment pour le cargo de ravitaillement de la Station Spatiale Internationale, le HTV.

La H3 est la nouvelle génération de lanceur, plus flexible, économique et adaptée aux besoins commerciaux. La H3 utilise des technologies innovantes (pièces automobiles, électrification, impression 3D) et propose plusieurs configurations pour s’adapter à chaque mission. H3 a déjà réalisé 5 lancements avec un échec au vol inaugural.
La H-IIA a été lancée en plusieurs versions selon la charge utile : 202 avec 2 boosters solides et 204 avec 4 boosters. Ses capacités : Jusqu’à 6 tonnes (version 204) en GTO (orbite de transfert géostationnaire), jusqu’à 4,1 tonnes en SSO (orbite héliosynchrone) et jusqu’à 15 tonnes en LEO (orbite basse).

Les lancements marquants de la H-II
À l’origine, le lancement du premier prototype de la HII-A était prévu en décembre 1999, suivi deux mois plus tard par le dernier vol de la fusée H-II. Cependant, après l’échec du vol précédent de la H-II, le lancement final a été annulé et tous les efforts ont été concentrés sur l’analyse des causes et le développement de la nouvelle fusée H-IIA. Deux ans plus tard, la fusée H-IIA est lancée pour la première fois le 29 août 2001 (vol n°1).

Le 4 février 2002, le vol suivant avait pour objectif de placer sur orbite le satellite de démonstration de composants civils (MDS-1) et le véhicule expérimental de rentrée atmosphérique à grande vitesse (DASH). Ce vol a également permis de valider le fonctionnement des boosters à propergol solide (SRB-A) et des boosters d’appoint solides (SSB), au nombre de quatre, ainsi que d’acquérir des données techniques sur le moteur amélioré LE-7A et de réaliser un test de réallumage du deuxième étage, tous avec succès.
Lors du sixième vol, le 29 novembre 2003, l’un des boosters à propergol solide (SRB-A) n’a pas pu se séparer après le décollage, ce qui a empêché la mise sur orbite prévue de la charge utile. À 13h43m53s, le signal de destruction a été envoyé, entraînant l’échec du lancement.

Après une analyse approfondie des causes, le vol de retour en service a eu lieu avec succès le 26 février 2005 (vol n°7). La fusée a fonctionné normalement et, environ 40 minutes après le décollage, a placé le satellite MTSAT-1R, rebaptisé Himawari-6, sur une orbite de transfert géostationnaire.
Le vol suivant, le 18 décembre 2006, le satellite technologique ETS-VIII Kiku 8, d’une masse de 5,8 tonnes, a été placé avec succès sur orbite. C’est la première utilisation de la configuration 204 avec quatre boosters SRB-A, augmentant la capacité de lancement vers l’orbite de transfert géostationnaire d’environ 4 à 6 tonnes.
Après des lancements réussis dans toutes les configurations, le vol n°13 a marqué le passage à un service de lancement fourni par Mitsubishi Heavy Industries (MHI), tandis que la JAXA s’est concentrée sur la supervision de la sécurité des lancements.
Le 14 septembre 2007, c’était le lancement de la sonde lunaire Kaguya. Kaguya est resté opérationnel jusqu’au 11 juin 2009.

Par la suite, les lancements se sont poursuivis sans incident, permettant d’envoyer dans l’espace divers satellites et sondes.
Le 11 septembre 2010, le vol n°18 a lancé le premier satellite de positionnement Michibiki, qui a joué un rôle complémentaire au GPS pour la navigation automobile et les applications mobiles. Il a servi pendant près de 10 ans avant d’être retiré du service le 15 septembre 2023. Le système QZSS (Quasi Zenith Satellite System) vise à atteindre une constellation de 11 satellites, certains étant également lancés par la fusée H3.
Le 3 décembre 2014, le vol n°26 a lancé la sonde d’exploration Hayabusa 2 et trois petits satellites secondaires.
À partir du 29e vol, des améliorations ont été régulièrement apportées visant à augmenter les performances de lancement, renforcer la compétitivité internationale et simplifier les installations au sol pour une exploitation plus efficace. Les modifications ont permis à la fusée de voler plus longtemps dans l’espace et d’allumer le moteur pour placer les satellites sur une orbite plus proche de l’orbite géostationnaire, ou de placer plusieurs satellites sur des orbites de différentes altitudes en un seul lancement, ce qui, auparavant, aurait nécessité plusieurs fusées. Cela a permis de réaliser des lancements plus rentables, avec des succès à la fois en orbite héliosynchrone et en orbite basse.
Vers la fin de sa carrière, la H-IIA a également lancé des satellites commerciaux internationaux. Le vol n°40 a lancé le satellite d’observation KhalifaSat des Émirats Arabes Unis, le vol n°42 le satellite d’exploration martienne HOPE des Émirats, et le vol n°45 le satellite de communication britannique Inmarsat-6.
Après 50 lancements, la H-IIA affiche un taux de réussite de 98%.
La fusée H-IIA a marqué l’histoire spatiale japonaise par sa fiabilité et sa polyvalence. Elle a permis au Japon d’être reconnu comme un acteur majeur du transport spatial. Dorénavant, place à la nouvelle génération H3.
Source principale : https://www.rocket.jaxa.jp/rocket/h2a/f50_special/files/h2a_history.pdf
Crédits photos de l’image à la Une : Jaxa et Mitsubishi Heavy Industries
