Chang’e5 : la Chine redécolle pour la Lune avec le défi de collecter des échantillons à sa surface
En 2020, la Chine fête les 50 ans de son programme spatial. Et si tout se passe comme prévu, elle pourrait marquer cet anniversaire avec une belle réussite : collecter des échantillons à la surface de la Lune et les ramener sur Terre. C’est l’objectif de la mission Chang’e5 qui a décollé ce 23 novembre 2020.
Décollage le 23 novembre
Chang’e5 a décollé à bord d’une Long March 5 depuis le centre de lancement de Wenchang dans le sud de la Chine.
Un magnifique décollage avec des caméras embarquées !
Cétait seulement le 5e lancement d’une Long March 5, qui a connu son lancement inaugural le 3 novembre 2014 et un échec lors de son 2e vol en 2017. En mai dernier, la variante 5B avait décollé avec succès avec le prototype d’un vaisseau spatial de nouvelle génération à son bord. Ce lanceur lourd est essentiel pour les missions d’exploration du Système Solaire et pour le déploiement des modules de la Station Spatiale Chinoise prévue dès 2021.
Un nouveau défi pour l’agence spatiale chinoise
La mission Chang’e5 est la continuité du programme lunaire chinois. Après les orbiteurs Chang’e1 et Chang’e2 en 2007 et 2010, la Chine a réussi à se poser sur la Lune par 2 fois : Chang’e3 en 2013 et la première mondiale de Chang’e4 le 3 janvier 2019 sur la face cachée de la Lune. Chang’e est le nom de la déesse mythologique de la Lune [détails dans l’article sur Chang’e4].
La division de l’exploration spatiale lointaine et lunaire, la CLEP (China Lunar’s and Deep Space Exploration), de l’agence spatiale chinoise, vise un nouveau défi : celui de rapporter sur Terre des échantillons du sol lunaire avec la mission Chang’e-5.
Une mission complexe
La mission pour réussir devra décoller, se mettre en orbite lunaire, atterrir, forer le sol lunaire, redécoller de la surface sélène et s’amarrer à l’orbiteur, puis faire une rentrée atmosphérique terrestre de la capsule.
Si la Chine réussit, ce serait la première mission à le faire depuis la mission soviétique Luna 24 en 1976 qui a ramené 170 grammes de régolithe lunaire sur Terre. La sonde soviétique Luna 16 avait récupéré un petit échantillon de 101g, puis Luna 20 avait collecté 55 g. Les 12 astronautes des missions Apollo ont rapporté un total de 381,7 kilogrammes d’échantillons de sol lunaire et de roches lunaires.
Chang’e5 : 8 tonnes au décollage
Chang’e5 c’est en fait l’assemblage de plusieurs modules : un orbiteur et un atterrisseur équipé d’un étage de remontée, et d’une capsule de retour d’échantillons à bord de l’orbiteur.
L’atterrisseur reprend les plateformes des missions Chang’e3 et 4. Il est équipé d’un bras robotisé et d’une perceuse rotative à percussion pour creuser et prélever des échantillons jusqu’à deux mètres sous la surface lunaire. Luna 24 avait foré jusqu’à 223 centimètres sous la surface, mais Chang’e5 devrait récolter au moins 2 kg de matériaux sélènes.
L’atterrisseur est équipé de caméras d’atterrissage et de 3 instruments pour aider au forage : une caméra panoramique (PCAM), un radar de pénétration du régolithe lunaire (LRPR) et un spectromètre minéralogique lunaire (LMS) .
5 jours pour arriver en orbite lunaire
Après le lancement, 2 corrections planifiées de trajectoire ont eu lieu pour mettre en place les conditions favorables à l’insertion en orbite lunaire cinq jours après le décollage :
- le 24 novembre, 17 heures après la séparation du lanceur, le moteur de la sonde a fonctionné pendant environ 2 secondes, et a ainsi permis la première correction d’orbite vers la lune. Selon la CLEP, la mise sur orbite initiale effectuée par la Long March 5 était de grande précision et donc la correction d’orbite était faible.
- le 25 novembre, les deux moteurs 150N de la sonde ont fonctionné pendant environ 6 secondes. Chang’e-5 était en orbite tans-lunaire depuis environ 41 heures et se trouvait à environ 270 000 kilomètres de la Terre.
Le 28 novembre à 12h58 UTC, Chang’e5 a réussi son insertion en orbite lunaire (LOI, Lunar Orbit Insertion). Le moteur de 3 000N de l’orbiteur a été allumé pendant 17 minutes pour ralentir l’engin spatial à une altitude d’environ 400 km au-dessus de la surface lunaire.
Un second freinage est attendu dans les heures suivantes pour circulariser l’orbite.
Atterrissage prévu au Mont Rümker
Une fois sur orbite lunaire, l’atterrisseur se séparera de l’orbiteur et s’insérera dans une nouvelle orbite avant de descendre à la surface. La Chine maîtrise l’atterrissage grâce à Chang’e-3 et Chang’e-4, mais pas avec une masse aussi importante.
L’atterrissage devrait avoir lieu au début d’un jour lunaire (d’une durée de 14 jours terrestres). Et selon plusieurs experts, ce serait pour le 29 novembre.
Le lieu visé est le Mont Rümker, dans la région d’Oceanus Procellarum, ou Océan des Tempêtes, dans l’hémisphère nord sélène. C’est une région volcanique qui se serait formée il y a moins de deux milliards d’années. Cela le place dans une zone scientifique idéale, les échantillons des missions précédentes ont soit moins de 850 millions d’années, soit plus de 3 milliards d’années.
D’après les données fournies par les précédentes missions à la surface et ou par les orbiteurs, la Lune a connu plusieurs périodes distinctes de volcanisme au cours des quatre derniers milliards d’années. La lave remontant à la surface pendant ces périodes a formé de larges dômes volcaniques dont le Mont Rümker. Ce type de formation n’a jamais été étudié physiquement sur la Lune.
Il est probable que toutes les opérations de forage soient effectuées en une journée lunaire pour éviter de risquer des dommages sur l’étage de remontée en raison des températures très froides de la nuit lunaire.
Si le forage réussi, le difficile retour sur Terre
Une fois le forage réussi, le module de remontée utilisera ensuite son système de propulsion pour effectuer un amarrage entièrement autonome avec le module de service resté autour de la Lune. Cette manoeuvre devrait prendre plusieurs orbites et au moins 2 jours.
Ce sera une première pour la Chine qui n’a jamais effectué ce type de manoeuvre, sauf d’amarrage de 2 modules en orbite terrestre avec les stations orbitales Tiangong-1 et 2.
Une fois l’amarrage effectué, les échantillons seront transférés vers le véhicule de retour.
Le module de service effectuera ensuite l’insertion trans-terrestre pour un vol de retour sur Terre de cinq à 6 jours. À 5 000 kilomètres de la Terre, la capsule d’échantillons se séparera du module de service pendant les 20 dernières minutes avant de rentrer vers le sol terrestre.
Si tout va bien, le retour de la capsule d’échantillons devrait revenir sur Terre le 16 décembre (date non confirmée). L’atterrissage est prévue dans le comté de Siziwang, dans la région autonome de Mongolie-Intérieure en Chine.
La capsule de descente des échantillons a, elle, déjà été testée en 2014 lors de la mission historique Chang’e5T1 : un véhicule d’essai qui a fait un vol circum-lunaire de huit jours en passant à 10 000 km de la Lune avant de revenir sur Terre. La mission a été un succès, enlevant une inconnue importante du programme ambitieux de Chang’e-5.
A suivre avec un nouvel article à venir avec l’atterrissage réussi (ou pas) de Chang’e5 !
Photo de couverture :