Actualités spatiales du 28 janvier au 3 février : la coiffe de SEIS et le réveil de Yutu 2
Aucun lancement cette semaine mais du nouveau du côté de l’exploration spatiale. Entre SEIS qui est enfin protégé par son bouclier et Yutu-2 qui reprend sa route, plusieurs autres nouvelles fortes garniront notre sélection.
SEIS pose de la coiffe
Samedi dernier la sonde martienne Insight a enfin déposé le bouclier de protection thermique et éolien du sismomètre SEIS : le Wind and Thermal Shield WTS. Pour plus de détails, regardez ici :
SEIS sur Mars : la cloche de protection est en place
Chang’e-4 : reprise de la mission
La sonde chinoise Chang’e-4 et le rover Yutu-2 se sont réveillés respectivement les 29 et 30 janvier. Depuis la mission a repris et les expériences scientifiques ont commencé avec les instruments. Yutu-2 est allé prospecter au nord-ouest.
Pour plus de détails, lisez ici : le retour du Lapin de Jade
Survol d’Ultima Thulé : de nouvelles images
Depuis le survol de l’astéroïde par la sonde New Horizons le 1er janvier, on reçoit peu à peu de nouvelles images plus précises nous permettant d’avoir plus d’informations. Pour plus de détails, regardez ici :
Ultima Thulé : de nouvelles images plus précises
Deuxième test réussi pour le moteur P120C
Les constructeurs européens de la fusée Vega, Arianespace et Avio, ont réalisé en partenariat avec l’ESA, le CNES et Europropulsion, le second test du moteur P120C le 28 janvier au centre spatial de Guyane et, annoncé dans la foulée le succès du test. Tous les composants du moteur avaient été testés séparément, notamment la tuyère, l’allumeur ou encore le propergol. Puis le moteur avait subi un premier test complet en juillet 2018, un premier succès.
Le P120C est censé équiper le premier étage de la Vega C (la nouvelle Vega), à la place du P80 qui équipe aujourd’hui l’originale. Mais le moteur doit aussi équiper les boosters d’appoint d’Ariane 6 (pour les versions à boosters 62 et 64). Ce second succès est une étape clé pour la qualification du moteur en vue d’un premier tir Vega C en 2019. Cependant, un dernier test est attendu pour qualifier le moteur pour Ariane 6. Le premier test avait fait fonctionner le moteur pendant 140 secondes (2’20 »), ce nouveau test l’a fait fonctionner pendant 135 secondes.
Le P120C est le plus gros moteur à propergol solide jamais fabriqué. Ce propulseur à poudre monolithique est entièrement en fibre de carbone. Pour une longueur totale de 13,5 mètres et 3,4 mètres de diamètre, le moteur compte deux parties : le corps structural et la tuyère. Il peut stocker 142 tonnes de propergol et peut avoir une poussée maximale de 4650 kN. Le P120C est fabriqué sur le continent européen : la structure est fabriquée par Avio tandis que la tuyère est faite par ArianeGroup. Seules la coulée du propergol (soit le remplissage) et l’intégration finale sont faites au Centre Spatial guyanais. Le moteur équipant deux lanceurs à la fois, sa production sera donc plus optimisée.
Une Atlas V pour Lucy
Le Launch Services Program (LSP), département de la NASA en charge de l’attribution des lanceurs pour ses missions scientifiques (basé au Kennedy Space Center) a choisi jeudi 31 janvier une fusée Atlas V de la United Launch Alliance (ULA) pour lancer la mission Lucy. Le vol est initialement prévu pour 2021. C’est la version 401 du lanceur (la fusée originale sans booster d’appoint) qui a été choisie pour un prix de lancement fixé à 148.3 M$.
Lucy est une mission d’exploration scientifique de la NASA qui a pour but d’aller observer pour la première fois les Troyens de Jupiter. Les Troyens sont des astéroïdes situés aux points de Lagrange L4 et L5 du système Soleil-Jupiter. Ces astéroïdes tournent autour du Soleil simultanément avec Jupiter, prisonniers des points de Lagrange. Les points L4 et L5 sont des zones où la balance des forces gravitationnelles du Soleil et de Jupiter sont les plus stables et sont par conséquent parmi les plus importants points de chute de nombreux corps du Système Solaire. Avec Lucy, la NASA souhaiterait étudier des corps vieux de plus de quatre milliards d’années, remontant ainsi à l’origine du Système Solaire. Les informations contenues dans ces corps devraient nous en dire plus sur sa formation.
Lucy mettra 12 ans pour parvenir aux Troyens. La sonde passera auparavant plusieurs fois autour de la Terre pour s’accélérer à l’aide de l’assistance gravitationnelle. La sonde devrait visiter en tout sept corps : un astéroïde de la ceinture principale, et six Troyens dans les deux zones, dont deux astéroïdes formant un système binaire.
Blue Origin obtient un nouveau gros contrat pour la New Glenn
Le 31 janvier, l’opérateur canadien Telesat, connu notamment pour la génération de satellites géostationnaires Telstar, a choisi la New Glenn de Blue Origin pour lancer sa constellation de satellites de communication en basse altitude Telesat LEO. On ne connaît pas le prix fixé par le contrat mais les observateurs estiment qu’il porte sur deux à trois lancements. A l’instar de la société Iridium et de sa constellation Iridium Next, Telesat mise sur une constellation en orbite basse pour assurer la connectivité, tout en gardant la stabilité du GTO. Mais à la différence de OneWeb et de Space X et de leurs constellations dites révolutionnaires, Telesat s’appuie sur l’expérience pour développer sa Telesat LEO. En effet, l’opérateur a demandé à Thalès Alenia Space (maître d’œuvre Iridium Next) et Airbus Space (maître d’œuvre OneWeb) de proposer chacun leur projet d’étude portant sur la conception de la constellation, les téléports, les centres d’opération et les réseaux terrestres. Telesat fera le choix du maître d’oeuvre courant 2019.
Bien que le premier prototype, LEO Vantage 2, ait brulé dans l’atmosphère peu après le décollage de Vostochny d’une Soyouz mal programmée, le second prototype, LEO Vantage 1, mis en orbite par une PSLV en début 2018, a déjà fait ses preuves. Maintenant Telesat dispose d’une licence pour lancer 117 satellites et a acquis des droits d’utilisation en bande Ka. Cependant le choix de la New Glenn comme lanceur s’explique difficilement pour certains experts, d’une part à cause de l’inconnue du retard que peut prendre le lanceur pour son développement, et d’autre part du fait que la New Glenn soit un lanceur dit « super-lourd » et que sa capacité de mettre 47 tonnes de charge utile en orbite basse ne colle donc pas trop avec le projet.
Telesat devient donc le 5ème client à faire appel à la New Glenn, lanceur mystérieux dont on n’a vu quasiment aucune pièce aujourd’hui.
Premier test du Raptor
La nuit du 3 février Space X a réalisé le premier test du moteur-fusée Raptor. Ce moteur est censé équiper le lanceur superlourd BFR ou Starship, composé d’un premier étage réutilisable appelé Super Heavy et du vaisseau lunaire Starship. Pour l’instant, nous n’avons rien vu de ces deux parties mais SpaceX a commencé à construire un prototype du Starship appelé Starhopper aux installations de Boca Chica au Texas.
Tout comme à ses débuts où Space X avait testé son prototype de lanceur réutilisable, le Grasshopper, le Starhopper est l’étape des premiers tests du Starship. La structure du Starhopper est en construction depuis plusieurs mois mais a essuyé il y a deux semaines des vents violents qui l’ont fait s’effondrer au sol. Elon Musk avait alors annoncé que des réparations étaient prévues.
— Elon Musk (@elonmusk) February 4, 2019
Le Raptor est selon Elon Musk, à l’étude depuis des années. Son design et sa puissance ont été révisés radicalement plusieurs fois. Aujourd’hui le design est le suivant : 31 Raptors équiperont le Super Heavy tandis que 7 Raptors équiperont le Starship. Le Raptor testé le 3 février est pour l’instant le prototype d’une version unique. Lors des tests du Grasshopper, SpaceX avait testé un modèle unique du moteur Merlin : le Merlin 1. Seulement ensuite plusieurs variantes (1A, 1B, 1C et 1D) du moteur sont apparues pour les Falcon 1 et 9. SpaceX fait de même pour le Raptor. Le prototype testé est un compromis entre les versions Sea Launch (pour le décollage) et Vacuum (pour fonctionner dans le vide). Ce test moteur est un premier pas important pour le test du Starhopper.
En bref …
Curiosity passe la barre des 20 km
Dans le courant du mois de janvier, le Mars Science Laboratory (MSL) alias Curiosity a passé la barre des 20 km parcourus sur Mars. Même si on est encore loin des 42 km parcourus par Opportunity, le nombre reste symbolique. Le robot a désormais quitté les « Vera Rubin Ridge », crête où il était resté plus d’un an. Le robot avait notamment passé pas mal de temps sur le site « Rock Hall » pour faire des forages. Actuellement, Curiosity se dirige vers la « Clay bearing unit », une vallée riche en matériaux argileux.
L’ISRO inaugure son centre spatial dédié au vol habité
Un pas de plus pour un indien dans l’espace, suivant l’objectif de l’agence spatiale indienne. L’ISRO a ouvert mercredi 30 janvier le HSFC (Human Space Flight Centre), qui hébergera le programme de mission habitée indienne GAGANYAAN. L’ISRO s’y emploiera à « développer toute l’ingénierie nécessaire pour la survie d’un astronaute indien dans l’espace et à la technologie nécessaire pour l’y envoyer et l’en faire revenir » selon le communiqué. C’est dans ces bâtiments que les futurs astronautes indiens seront sélectionnés, entraînés puis enfin assistés au cours de leur mission. Au cours de l’inauguration, l’ISRO a également dévoilé un modèle taille réelle de la future capsule d’équipage Gaganyaan.
L’ISRO a pour objectif d’envoyer trois indiens dans l’espace en 2022. Le programme GAGANYAAN fera l’objet d’un article plus précis très prochainement.
Déploiement de cubesats depuis l’ISS
Faute de lancement, on a quand même eu des mises en orbite cette semaine, depuis la Station Spatiale Internationale. Jeudi 31 janvier, cinq cubesats ont été déployés depuis l’ISS à l’aide du dispositif Cubesat Deployer de NanoRacks (NRCSD) opéré par les astronautes Anne McClain et David Saint-Jacques :
- CAT1 et CAT2 : deux cubesats de chacun 3 unités de la mission CAT (Cubesat Assessment and Test), développée par la Johns Hopkins University. Le but de la mission est de réaliser une expérience de communication entre les deux parties. L’expérience a été financée par le gouvernement américain.
- UNITE (Undergraduate Nano Ionospheric Temperature Explorer) : cubesat-3U développé par des étudiants de la University of Southern Indiana et financé par la NASA via le programme CLSI (CubeSat Launch Initiative) pour étudier l’environnement en orbite basse. L’équipe de UNITE a annoncé avoir reçu des signaux de leur cubesat quelques heures après le déploiement.
- Delphini-1 ou AUSAT-1 (1U) : premier cubesat développé par l’université d’Aarhus (Danemark).
- TechEdSat 8 (Technical and Educational Satellite) : cubesat-6U de démonstration technologique conjointement fabriqué par l’université de San José (Californie) et l’université de l’Idaho, financé par la NASA via le CLIS.
Les cubesats avaient été apportés à la Station par le cargo Dragon CRS-16 en décembre. Cela fait en tout 190 cubesats déployés par la plateforme de NanoRacks. Parmi ceux-là il y a eu le X-Cubesat, le premier cubesat étudiant français développé par les étudiants de l’Ecole Polytechnique. Après plus de 18 mois en orbite, le cubesat affichait une altitude de 215 km le 3 février, et a dû brûler dans l’atmosphère le lendemain.
NB / Chang’e-4 et Yutu-2 : la coopération sino-américaine qui se fait jour avec cette mission (bien que ce ne soit pas la première fois) prouve une fois de plus, si besoin était, qu’aucun pays n’est vraiment indépendant. Rappelons au passage qu’au moins deux instruments scientifiques européens (LND allemand et ASAN suédois) se trouvent à bord de Chang’e-4 ou de Yutu-2.
NB : le 3e groupe indien (après ceux de 1979-82 et de 1984-85) devrait comprendre environ 10 « vyomanautes ». Le HSFC se trouve, tout comme le siège de l’ISRO, à Bangalore (Benguluru en hindi).
Le premier vol habité du Gaganyaan (après deux vols automatiques) était encore annoncé récemment pour décembre 2021. Il emportera donc 3 « vyomanautes » pour un vol de 5 à 7 jours. Ce seront les 2e, 3e et 4e Indiens dans l’espace, le premier ayant été Rakesh Sharma lors de la mission Soyuz T-11 / Salyut 7 / Soyuz T-10 en avril 1984 (le 2e aurait dû être N. C. Bhat en septembre 1986 mais sa mission, STS-61I, fut annulée suite au « Challenger disaster »).
A noter que trois astronautes US, à savoir la malheureuse Kalpana Chawla (groupe 15), Sunita L. Williams (groupe 17) et Raja J. V. Chari (groupe 22) sont d’origine indienne.
L’Inde sera donc (en 2022 en principe) la 4e puissance spatiale (après l’URSS / Russie, les USA et, bien plus tard, la Chine) à envoyer par ses propres moyens des hommes dans l’espace. Il est question que l’Europe s’y mette à son tour (avec Ariane 6 si elle est « man-rated ») ainsi que le Japon (s’il ne veut pas perdre la face) et l’Iran mais, comme on dit, il est très difficile de faire des prévisions, surtout concernant l’avenir.
J’aime vos infos, ils m’informent mieux et en temps réel…. merci beaucoup pour votre travail
Pour les actualités spatiales de la semaine du 4 au 10 février, à noter que, le 8 février, Oleg D. Kononenko passera le cap symbolique des 600 jours dans l’espace, ce en 4 missions.
Il occupe actuellement, depuis le 26 décembre 2018, date à laquelle il a dépassé Afanas’yev, la 10e place dans le classement des « astro-cosmonautes » établi en fonction de leur durée de vol spatial, après Padalka, Malenchenko, Krikalyov, Kaleri (toujours en activité ?), Avdeyev, Pol’yakov, Yurchikhin (idem ?), Peggy Whitson (l’exception qui confirme la règle !…) et Anatoliy Solov’yov.