Actualités spatiales du 1 au 7 avril : PSLV, Soyouz x2, Beresheet, Parker Solar Probe, Hayabusa-2
Semaine sacrément chargée en émotions spatiales ! Entre le bombardement d’un astéroïde et une journée double en Soyouz, il est temps de faire le point.
PSLV : second tir de 2019 réussi
Lundi 1er avril, à 03h57 UTC (9h27 heure locale), un lanceur indien PSLV-QL a décollé avec EMISAT et 28 autres petits satellites à bord, depuis le Satish Dhawan Space Centre, dans la province de Sriharikota.
Le vol est un succès.
C’était le second lancement indien de 2019. Le premier avait mis en orbite très basse le satellite Microsat-R, qui a finalement été détruit par un tir de missile balistique le 27 mars dernier lors du premier exercice anti-satellite de l’Inde.
C’était le 47ème lancement d’une PSLV (Polar Satellite Launch Vehicle : spécialisé dans l’insertion des charges utiles en orbite polaire), depuis le premier vol le 20 septembre 1993 (échec). Toutefois, c’était le premier vol d’une toute nouvelle version du lanceur de 44 mètres : la version QL, avec quatre boosters d’appoint sur les côtés. Jusqu’à présent la PSLV décollait avec zéro, deux, ou six boosters. Aussi pour la première fois, le quatrième étage du lanceur (PS4) était équipé de panneaux solaires afin d’héberger et alimenter en énergie des expériences à bord. Testée une première fois le 24 janvier, la nouvelle version du PS4 remplace désormais l’ancienne pour que les étudiants indiens puissent l’utiliser comme plateforme orbitale. Dans la PSLV du 1er avril (PSLV-C45), le PS4 accueillait trois expériences : une de l’ISRO, une de l’AMSAT et une expérience étudiante de l’Indian Institute of Space Sciences and Technology.
Le vol a suivi la séquence suivante :
- T-0 : allumage du 1er étage (PS1) et des 4 boosters, décollage (propulsion solide).
- T+70s : largage des boosters, au-dessus de la baie du Bengale.
- T+109s : séparation PS1 et allumage moteur du PS2 (propulsion liquide, le moteur du PS2 est en fait un moteur Viking du second étage d’Ariane 2, fabriqué sous licence en Inde, et sous le nom de Vikas).
- T+150s : largage coiffe.
- T+262s : séparation PS2 et allumage moteur PS3 (propulsion solide).
- T+9min : séparation PS3 et 1er allumage moteur PS4 (propulsion liquide), injection en orbite héliosynchrone.
- T+16min : Arrêt moteur PS4.
- T+17min : livraison du passager principal EMISAT en orbite polaire héliosynchrone à 748 km (SSO), peu après les panneaux solaires se sont déployés et le centre de commande de Bangaluru a pris le contrôle du satellite. Une caméra embarquée permettait de confirmer la séparation.
- T+60min : 2nd allumage moteur pendant 10s, le PS4 quitte l’orbite d’EMISAT et retourne vers une orbite inférieure
- T+109min : 3ème allumage moteur PS4 pendant 10s, le PS4 s’insère en orbite héliosynchrone à 504 km.
- T+110min : largage des 28 autres passagers à 504 km SSO (le largage dure 5 minutes), tous ont la même hauteur mais pour la plupart d’entre eux, l’inclinaison est différente. Le largage s’est fait à l’aide de déployeurs à ressort.
- T+132min : 4ème allumage moteur du PS4 pendant une minute, l’étage quitte son orbite pour redescendre à une dernière orbite plus basse.
- T+180min : 5ème et dernier allumage moteur du PS4 pendant 2 minutes, le PS4 s’insère sur une orbite héliosynchrone à 485 km pour servir de plateforme aux trois expériences étudiantes.
Plusieurs jours après le lancement, EMISAT est entré en mode opérationnel et Planet a affirmé recevoir le signal de ses 20 cubesats.
EMISAT est un satellite militaire indien développé conjointement par l’ISRO et la défense indienne (DRDO). Le satellite fait 436 kilos. Sa principale mission est de localiser et caractériser un signal électromagnétique, comme ceux transmis par radar. Si EMISAT est en orbite basse, c’est pour qu’il soit capable de détecter des signaux radars même de faible amplitude, comme ceux de jets ou de drones. Les données d’EMISAT permettront à la défense indienne de complémenter ses données récoltées à la surface, et de mieux intercepter les signaux radars des activités militaires dans les pays voisins.
Les 28 autres passagers du vol PSLV-C45 étaient tous des cubesats venant de différents pays :
- 20 cubesats Dove Flock 4a (nouvelle génération) de la société américaine Planet. Aujourd’hui plus de 330 cubesats d’imagerie Dove ont été mis en orbite depuis 2014. La constellation Dove est, mine de rien, actuellement la plus grande constellation de satellites existante.
- 4 cubesats LEMUR de la compagnie américaine Spire, qui s’ajoutent à la constellation de cubesats de navigation.
- AISTECHSAT 3, un cubesat (2U) de la compagnie espagnole Aistech, le cubesat est le premier élément d’un projet de constellation de cubesats pour fournir des données de suivi du trafic aérien.
- M6P, cubesat (6U) de l’entreprise lituanienne NanoAvionics, hébergeant deux charges utiles pour le compte de SpaceWorks Orbital et Lacuna Space, deux entreprises de communication utilisant M6P comme nœud de relais pour collecter et retransmettre des données d’objets connectés.
- BlueWalker 1, cubesat (6U) de NanoAvionics, servant de plateforme pour tester des technologies spatiales brevetées par la startup américaine AST & Science. Le cubesat a été développé en seulement un mois, avant d’intégrer sa charge utile.
- Astrocast 0.2, cubesat (3U) de la compagnie suisse Astrocast, qui rejoint Astrocast 0.1, livré lors du vol Falcon 9 SSO-A. Le but d’Astrocast est d’utiliser un réseau de 64 cubesats pout partager des données, comme la météo, le suivi de la pollution atmosphérique, etc…
Enfin, c’était la première fois qu’un vol de lanceur indien puisse être vu en public. Lors du vol PSLV-C45, l’ISRO a inauguré des tribunes construites pour que le public indien puisse assister aux décollages. 1200 personnes étaient présentes lundi 1er avril. L’ISRO a annoncé que pour le prochain vol indien, 5000 personnes pourront venir. Le prochain vol indien devrait être une fois de plus un tir PSLV au mois de mai.
Sources : ISRO, SpaceflightNow, Spacewatch.
Soyouz Progress MS-11 : un temps record
Jeudi 4 avril à 13h01 heure française, une Soyouz 2.1a a décollé avec le cargo Progress MS-11 de Baïkonour et à destination de l’ISS. C’était le 72ème vol d’un cargo Progress pour la station spatiale internationale. Le vol du cargo s’est bien passé, mais s’est surtout déroulé en un temps record : 3 heures et 21 minutes.
La Soyouz 2.1a et son passager avaient pourtant été placés sur le pas de tir un jour plus tôt que d’habitude, pour lever l’hypothèse d’un problème technique. Le cargo a été mis en orbite basse 9 minutes après le décollage. Peu de temps après, le cargo s’est mis à poursuivre l’ISS. La station passait juste au-dessus de Baïkonour au moment du décollage, ce qui a permis à l’astronaute canadien David Saint-Jacques d’immortaliser une partie du décollage depuis la Cupola. Moins de trois heures après, le cargo était en approche de la station. C’est 3 heures et 21 minutes, en seulement deux orbites, que le cargo s’est automatiquement amarré à la station. C’est un nouveau record de temps d’arrivée, le précédent était de 3 heures et 39 minutes, tenu par le Progress MS-09. Enfin, pendant presque autant de temps, les astronautes ont suivi toute la séquence de vérifications de sécurité avant d’ouvrir l’écoutille du cargo.
A bord du cargo il y a surtout du carburant : 881 kilos pour remplir les réservoirs de la station, dont 250 kilos pour un rehaussement d’orbite. Egalement à bord 420 kilos d’eau et 23 kg d’oxygène. Pour le reste de l’approvisionnement, ce sera à la charge des deux prochains cargos américains. Le premier sera un Cygnus (NG-11) qui apportera notamment du matériel d’expérience mais aussi des cubesats à déployer, dont le premier cubesat toulousain EntrySat. Le lancement du NG-11 est prévu le 17 avril par fusée Antares depuis la Wallops Flight Facility. Le second cargo est un Dragon (CRS-17), qui doit décoller le 25 avril.
Soyouz O3b :
Jeudi 4 avril c’était deux Soyouz pour le prix d’une ! Une Soyouz ST-B / Fregat-MT a décollé avec quatre satellites de télécommunication à bord, du Centre Spatial de Guyane, à 19h03 heure française (14h03 heure de Kourou). C’était le quatrième lancement, dont le deuxième Soyouz, opéré par Arianespace en 2019. Le vol a été un succès.
Les quatre satellites étaient des satellites de télécommunication O3b, de la constellation éponyme de l’opérateur SES, basé au Luxembourg, dédiée à la connectivité internet mondiale. C’étaient les quatre derniers éléments des 20 satellites construits par Thalès Alenia Space à Rome. O3b (Other 3 billion) est censée fournir une connectivité internet régulière aux 3 derniers milliards d’humains qui n’en disposaient pas. Chaque satellite pèse 700 kilos et dispose de 12 antennes capables d’assurer une liaison de 500 Mégabits par seconde. S’il y a besoin d’une meilleure connectivité, deux antennes peuvent pointer au même endroit. Les satellites O3b ont été placés à 8 000 km, et donc ne sont pas géostationnaires. Ils assurent la connexion à tour de rôle.
Parmi les clients du service O3b, on compte les compagnies de bateaux de croisière, plateformes pétrolières, mais aussi entreprises et collectivités.
Beresheet en orbite lunaire
Le 4 avril, l’atterrisseur lunaire Beresheet de l’entreprise privée SpaceIL a été capturé par la gravitation lunaire et devrait atterrir le 11 avril à la surface de la Lune.
Détails de cette insertion dans : L’atterrisseur Beresheet est arrivé en orbite lunaire
Parker Solar Probe au plus près du Soleil pour la 2e fois
Hayabusa-2 a créé un cratère à la surface de Ryugu
Le 5 avril, l‘agence spatiale japonaise, la JAXA, vient de réaliser une première mondiale : créer une collision dans une zone désignée d’un astéroïde.
A découvrir ici : Hayabusa-2 ou comment créer un cratère à la surface d’un astéroïde
En bref…
La NASA étudie les aurores avec la mission AZURE
Double lancement suborbital dans la nuit du 5 au 6 avril, depuis l’Andoya Space Center en Norvège. La NASA a tiré simultanément deux fusées-sondes pour peindre la ionosphère dans la région des aurores afin de les étudier. Pour plus de détails, regardez ici :
AZURE : peindre le ciel pour percer le mystère des aurores
Mort de Spektr-R
Le radio-télescope spatial russe Spektr-R a été officiellement reconnu comme décédé et sa mission terminée. L’agence spatiale russe ROSCOSMOS n’était pas parvenue à reprendre le contrôle du télescope spatial depuis début janvier. Le télescope était en prolongement de mission depuis 2014. Lancé en 2011, Spektr-R a pu observer la naissance d’étoiles, les cœurs galactiques ainsi que des trous noirs. A l’aide de son orbite très elliptique, et d’une bonne liaison avec les observatoires au sol, Spektr-R pouvait aussi faire de l’interférométrie pour mesurer précisément les signatures radio d’évènements.
Un prochain télescope spatial russe, Spektr-RG, qui observera dans la bande X, devrait être lancé le 20 juin par une fusée Proton.
Premier test du Starship
Space X a réalisé un premier test du moteur Raptor, censé équiper le StarShip. le démonstrateur a bondi de quelques dizaines de centimètres. Le test s’est passé dans un « terrain vague » à Boca Chica.
Starhopper just lifted off & hit tether limits! pic.twitter.com/eByJsq2jiw
— Elon Musk (@elonmusk) April 6, 2019
PS : article fait à quatre mains avec Isabelle !
NB : l’étage supérieur PS4 a été placé sur une orbite elliptique au lieu de l’orbite circulaire prévue et deux satellites (M6P et BlueWalker 1) ont été placés sur une orbite plus basse et plus elliptique que prévu.
NB : le Cygnus NG-11 a été baptisé Roger Chaffee, du nom de l’un des trois malheureux astronautes d’Apollo-1 (aux côtés de « Gus » Grissom et « Ed » White) décédés le 27 janvier 1967.