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Histoire spatialeLune

3 février 1966 : premier atterrissage lunaire par Luna 9

Le 3 février 1966, l’URSS effectue une nouvelle première : l’atterrissage en douceur sur le sol lunaire d’une mission robotique.

Un des panoramas de la surface lunaire par Luna-9 (cliquez desssus pour une vue plus large)

De 1958 à 1976, l’Union Soviétique envoie en fait pas moins de 24 missions automatiques vers le satellite naturel de la Terre avec plus ou moins de succès. On retiendra toutefois, le premier engin spatial à s’affranchir de l’attraction terrestre avec Luna 1 (janvier 1959), le premier impact sur le sol lunaire avec Luna 2 (septembre 1959), la première photographie de la face cachée de la Lune avec Luna 3 (octobre 1959) et enfin, après plusieurs essais infructueux, le premier atterrissage en douceur avec Luna 9 en février 1966.

Timeline des premières missions lunaires (crédit LPI)

La genèse de Luna-9

Entre 1963 et 1965, et avec 11 tentatives ratées d’alunissage (échecs dus majoritairement aux lanceurs), les ingénieurs d’OKB-1, le bureau de conception des engins soviétiques dirigé par Sergei Korolev au départ (devenu RSC Energia à ce jour), améliorent constamment la conception et les systèmes des missions interplanétaires automatiques.

En mai 1965, la modification nommée “E-6M” est terminée et les plans sont transférés pour assemblage à l’usine de construction S.A. Lavochkin.

Photo de Luna-9 en configuration vol (via NASA)

Au total, trois sondes sont construites pour le projet E-6M : E-6M n°201 destinée uniquement aux essais au sol, E-6M n°202 devenant Luna-9 et E-6M n°205 devenant Luna-13 en 1966.

E-6M n°202 est lancée le 31 janvier 1966 par un lanceur Molniya-M. Le choix de la date a été effectué pour coïncider avec le début d’un matin lunaire dans la région sélectionnée pour l’atterrissage. Pendant le début d’une journée lunaire (28 jours terrestres), les conditions de température sont les plus favorables au fonctionnement d’une mission automatique.

Le lanceur place E-6M sur une orbite de transfert proche de la Terre. Ce n’est qu’après l’opération réussie de l’étage supérieur et son entrée dans la trajectoire de vol vers la Lune, que l’engin spatial devient Luna-9.

Le vol vers la Lune dure 3,5 jours.

Pendant le vol, la mission permet de préciser l’emplacement de la ceinture de rayonnement externe de la Terre et l’absence de champ magnétique et de ceintures de rayonnement de la Lune.

Schéma montrant les principaux composants de la sonde soviétique E-6 : 1) l’atterrisseur, 2) la section équipement, 3 & 4) équipements détachables, 5) le moteur principal KTDU-5, 6) moteurs vernier, 7 & 8) réservoirs d’oxydant et de propergol, 9) moteurs de contrôle d’attitude, 10) contrôle d’attitude de l’approvisionnement en gaz, 11 & 12) système radar et son antenne.

Luna-9 se composait de deux parties : une unité de vol et une station lunaire automatique (ou ALS). À bord, un système radio, un dispositif de programmation, une batterie, un système de contrôle thermique et des instruments scientifiques.

Le poids de l’engin spatial au moment du lancement était de 1583 kg, le poids de la station lunaire automatique elle-même était de 100 kg.

Dimensions de la station : de la base au centre de la lentille de la caméra de télévision (5) = 58 cm, hauteur avec antennes “fouet” (2) = 112 cm, diamètre du cercle circonscrit le long des pétales ouverts = 160 cm.

Quatre antennes “à lobes” (1) et quatre antennes à ressort (2), avec des étalons de luminosité (3) en suspension et trois miroirs dièdres (4), étaient responsables de la communication. Les antennes à lobe et à ressort et les miroirs sont en position repliée lors de l’atterrissage. Les miroirs dièdres permettent de transmettre une image stéréoscopique de six sections étroites de la surface lunaire, et les étalons de luminosité, qui ont des couleurs différentes avec des coefficients de réflexion connus, sont conçus pour évaluer l’albédo des roches lunaires dans la zone d’atterrissage.

Les lobes d’antenne repliés donnent à l’ALS une forme ovoïde; son centre de gravité est plus proche de la base. De ce fait, la station lunaire, après la séparation des dispositifs d’atterrissage, prend une position donnée sur la surface lunaire (pétales vers le haut). Dans le même temps, les pétales protègent la caméra de télévision, les antennes fouet, les mécanismes et les miroirs des dommages accidentels et de la poussière.

Luna-9 embarquait 2 instruments scientifiques :

  • un spectromètre gamma pour étudier l’intensité et la composition spectrale du rayonnement gamma de la surface lunaire, qui caractérise le type de roches lunaires. Mais le spectromètre a été éteint avant même le lancement en raison d’une panne.
  • Le KS-17M, sorte de compteur Geiger, un appareil d’enregistrement du rayonnement corpusculaire, à la fois lors du vol vers la Lune mais aussi après l’atterrissage sur la surface lunaire.

Le principal instrument scientifique de la station lunaire automatique était une caméra de télévision opto-mécanique avec une fenêtre cylindrique. L’angle de vue de la caméra de télévision était de 360​​° horizontalement et 36° verticalement, le nombre de lignes par image était de 6000, le nombre d’éléments par ligne était de 500. La vitesse de transmission d’image était de 1 ligne par seconde. Le temps de transmission pour un panorama était de 100 minutes.

Atterrissage dans l’Océan des Tempêtes

A l’approche de la Lune, au commandement du radioaltimètre, les ballons-amortisseurs sont pressurisés et le système de propulsion est allumé. À une altitude de 260 à 265 mètres, le moteur principal est arrêté et la descente s’est déroulée en “mode parachute” sous la poussée de quatre moteurs vernier. Lorsque la sonde de l’atterrisseur principal est entrée en contact avec la surface lunaire, un ordre a été émis pour éjecter la charge utile de forme sphérique. La charge utile a percuté la surface à l’intérieur d’un cocon gonflable avec une vitesse d’impact estimée entre 4 et 7 mètres par seconde.

Scénario d’atterrissage de Luna-9 (crédit RKK Energia / Russianspaceweb)

Luna 9 atterrit doucement sur la surface lunaire le 3 février 1966 à 18h45 UTC. Le vaisseau spatial rebondit plusieurs fois avant de s’immobiliser dans l’Oceanus Procellarum (l’Océan des Tempêtes) à l’ouest des cratères Reiner et Marius, en un point aux coordonnées sélénographiques de 7° 13 ‘N et 64° 37 ‘W. Plus tard, la zone d’atterrissage de la station a été nommée Planitia Descensus.

4 minutes et 10 secondes après l’atterrissage, les ballons amortisseurs ont été largués et les quatre pétales qui recouvraient la moitié supérieure de l’engin spatial se sont ouverts vers l’extérieur et l’ont stabilisé à la surface. Les antennes à lobes se sont déployées. Sur commande de la Terre, le système de miroir rotatif de la caméra de télévision, qui fonctionnait par rotation et inclinaison, a commencé une étude photographique de l’environnement lunaire. Lors de la première prise de vue, il n’a pas été possible d’obtenir des images de haute qualité en raison de la faible hauteur du Soleil au-dessus de l’horizon (environ 3 degrés).

Au cours du séjour sur le sol lunaire, la station a subi de manière inattendue un petit déplacement, se déplaçant apparemment sur la pente du cratère. Cela a permis de surveiller la même zone sous un angle différent, obtenant une image stéréoscopique de la surface à courte distance. Des panoramas de la surface lunaire ont été transmis à la Terre, obtenus à différentes hauteurs du Soleil au-dessus de l’horizon (7 degrés, 14 degrés, 27 degrés et 41 degrés).

Premier panorama de la surface lunaire (cliquez desssus pour une vue plus large)

Sept séances radio, totalisant 8 heures et 5 minutes, ont été diffusées, ainsi que trois séries d’images télévisées. Une fois assemblées, les photographies ont fourni une vue panoramique de la surface lunaire. Les photos comprenaient des vues de roches à proximité et de l’horizon à 1,4 km de l’atterrisseur.

Panorama 2 (cliquez desssus pour une vue plus large)

Dans un premier temps, les autorités soviétiques ont retardé la publication des images. Mais le 4 février, les astronomes de l’observatoire Jodrell Bank près de Manchester au Royaume-Uni interceptent les signaux de Luna 9. Les signaux n’étant pas codés, les images étaient envoyées en utilisant la norme de transmission «Radiofax» utilisée par les services d’information du monde entier pour transmettre des images. Les astronomes sont les premiers à les publier, bien que sous une forme déformée. Les Soviétiques publient finalement les images le lendemain.

Image décryptée du sol lunaire par Luna-9 par l’observatoire Jodrell Bank

Le détecteur de rayonnement a mesuré une dose de 30 milliards par jour, indiquant un niveau qui ne serait pas dangereux pour les humains.

Le dernier contact avec Luna 9 a eu lieu à 22h55 UTC le 6 février 1966. L’URSS devançait une nouvelle fois les Etats-Unis dans la course à la Lune, alors que la sonde Surveyor-1 n’alunissait que 4 mois plus tard le 2 juin 1966.


Sources principales : Roscosmos.

Illustration de couverture : illustration d’époque et image du sol lunaire par Luna-9 via Roscosmos

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