Rêves d'Espace

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ISS, CSS & vols habités en orbite basse

Vol d’essai inhabité réussi pour le Crew Dragon ou le début du retour des vaisseaux américains

Initialement prévu en 2016, le retour du décollage d’un vaisseau habité depuis le sol des Etats-Unis est enfin prévu en 2019 avec les vaisseaux Crew Dragon de SpaceX et CST-100 Starliner de Boeing depuis Cap Canaveral en Floride.

Ce 3 mars, le Crew Dragon, sans astronaute à bord, est le premier des 2 vaisseaux à avoir réussi son vol d’essai avec son amarrage réussi à l’ISS. 

 

La mission sans équipage Demo-1, ou DM1, du vaisseau Crew Dragon de SpaceX est un succès !

La mission a commencé le 2 mars avec le décollage réussi à bord d’une Falcon 9 depuis Cap Canaveral à 7h49 UTC.

Crew Demo-1 Mission

Détails sur le vol dans le récap de la semaine à venir.

Bien qu’inhabité, le Dragon-2 (autre nom du Crew Dragon) transporte 400 kilos de fournitures et d’équipement pour l’ISS mais aussi un mannequin nommé Ripley (comme l’héroïne des films de science-fiction Alien) équipé de 30 capteurs pour recueillir des données importantes sur ce que vivra un astronaute volant à bord du vaisseau tout au long de la mission, et une peluche en forme de Terre comme témoin du passage en micro-gravité.

Moins de 10 minutes après le décollage, la capsule a été séparée du second étage du lanceur. 

La peluche montrant alors le passage en micro-gravité :

Le rendez-vous automatisé avec la Station Spatiale Internationale était alors prévu après 27 heures de vol. Beaucoup de contrôles ont été effectués tout au long du vol au niveau des systèmes de navigation et de télécommunications du vaisseau, des systèmes de contrôle de l’environnement (pression, thermique, humidité, etc.), des panneaux solaires et des systèmes d’alimentation électrique ainsi que des systèmes de propulsion. 

Contrairement aux cargos Dragon, l’amarrage a été fait directement au port Harmony de la partie américaine de l’ISS.

Alors que les cargos Dragon s’approchent de la Station par en dessous jusqu’à ce qu’ils soient suffisamment proches pour être capturés par le bras robotique Canadarm-2, Crew Dragon s’est positionné devant la Station et s’est déplacé dans la même direction que l’ISS.

Les étapes du lancement à l’amarrage (credit NASA/SpaceX) :

 

Pour la mission Demo-1, le Dragon-2 s’est approché à environ 150 mètres de la Station, puis l’équipage de l’ISS a envoyé un ordre le ramenant à une distance de 180 mètres. Le vaisseau spatial s’est ensuite arrêté à une distance de 20 mètres pour les derniers tests avant l’amarrage.

Le Crew Dragon DM1 en phase finale d’approche de l’ISS (via NASA TV)

La « capture douce » a été confirmée à 10h51 UTC.

Le Crew Dragon DM1 s’est arrimé à l’ISS le 03/03/2019 (via NASA TV)

Pour cet amarrage automatique, toutes les précautions ont été prises pour la sécurité de l’équipage à bord de l’ISS. Ainsi, quatre trappes du segment américain où le vaisseau américain s’est amarré ont été fermées. En cas d’urgence, l’équipage aurait pu passer dans le segment russe de l’ISS, puis dans le vaisseau Soyouz MS-11 en cas de collision du Crew Dragon avec une partie de la Station. Les spécialistes du centre de contrôle de la mission et du groupe de contrôle opérationnel du segment russe de l’ISS ont également surveillé l’accostage.

L’équipage de l’ISS a ouvert la dernière porte menant au Crew Dragon à 13h07 UTC.

https://twitter.com/i/status/1102201607717089281

Puis l’équipage a rapidement effectué des contrôles à l’intérieur du vaisseau et commencé à le décharger de sa cargaison.

Le vaisseau va rester attaché à la Station jusqu’au vendredi 8 mars. Après son désamarrage et sa désorbitation, il effectuera un amerrissage dans l’océan Atlantique à 230 km à l’est de Cap Canaveral (une première pour un Dragon, les cargos amerrissant dans l’Océan Pacifique au large des côtes de Californie). Des équipes de récupération seront postées à proximité pour ramener la capsule à terre pour des inspections approfondies après vol.

Position des différents cargos ou vaisseaux amarrés à l’ISS après l’arrivée du Crew Dragon le 03/03/2019 (via www.orbital-velocity.com)

Si le vol Demo-1 est un succès, notamment si les niveaux acoustiques et vibratoires, ainsi que les charges exercées sur l’extérieur et l’intérieur du Crew Dragon sont acceptables, il devrait y avoir un vol Demo-2 à l’été, cette fois-ci avec un équipage restreint (voir plus bas).

 

Pourquoi des vaisseaux privés ?

A l’aube de la fin du programme des Navettes Spatiales (dernier vol en 2011), l’agence spatiale américaine, la NASA, a cherché à faire des économies et à recentrer ses activités de vols habités vers Mars et désormais le retour sur la Lune. Développant le lanceur SLS et la capsule Orion, elle a délégué les vols vers l’ISS au secteur privé.

Initialisé en 2010, le contrat CCP, Commercial Crew Program, de la NASA est gagné par le Crew Dragon et le CST-100 Starliner construits respectivement par SpaceX et Boeing, deux entreprises du privé.

Logo du programme Commercial Crew de la NASA pour l’envoi du prochain système de transport spatial humain en orbite terrestre basse (Crédit : NASA)

Ce programme fait suite au programme CRS, Commercial Ressuply Services, de cargos commerciaux de ravitaillement vers la Station Spatiale Internationale gagné par Space X avec son cargo Dragon et par Orbital ATK (désormais Northrop Grumman) avec son cargo Cygnus.

Dans le cadre du CRS et du CCP, la NASA réalise des économies car elle paye des prestations « clés en main » à des entreprises privées sur des montants fixés à l’avance. Ces compagnies doivent fournir à la fois le lanceur et le vaisseau.

La NASA reste toutefois très engagée dans la conception des vaisseaux et contrôle aussi la fiabilité des lanceurs.

Une mission standard à la Station transportera quatre membres d’équipage de la NASA ou parrainés par la NASA et environ 180 kg de fret dans la partie pressurisée du cargo. L’engin spatial restera à l’ISS jusqu’à 210 jours et servira de capsule de sauvetage de secours pendant cette période.

La sécurité avant tout

L’une des contraintes majeures exercées sur les entreprises sélectionnées est la démonstration que la probabilité de LOC, Loss of Crew (perte d’un membre de l’équipage) est inférieure à 1 sur 270 vols (0,37 %), soit 3 fois moindre que les vols de Navettes Spatiales (2 pertes d’équipages sur 135 missions avec Challenger en 1986 et Columbia en 2003). Cette contrainte est l’une des causes du retard des vols par rapport au planning initial.

De nombreux tests et vérifications ont été effectués tout au long de l’assemblage du vaisseau (vidéo ci-dessous par SpaceX) :

 

Pendant longtemps, la NASA n’était pas favorable à la méthode de ravitaillement « load-and-go » de la Falcon 9, à savoir le remplissage des étages du lanceur en oxygène liquide et en kérosène avec l’équipage déjà à bord du véhicule en haut de la fusée.  Cette approche diffère de celle des missions précédentes de la NASA, où les astronautes ne montaient à bord d’un vaisseau spatial qu’après le ravitaillement de la fusée.

L’approbation est provisoire pour le moment. SpaceX doit démontrer cinq fois que les opérations de ravitaillement se passent sans soucis dans une « configuration avec équipage ». SpaceX vient de le démontrer par 2 fois avec le tir statique (essais des moteurs sur le pas de tir sans décollage) et le lancement de la mission Demo-1, puis devra le refaire lors du prochain lancement d’abandon en vol (voir plus bas) et le cinquième test aura lieu lors du test de tir statique du vol Demo-2.

SpaceX a également effectué des répétitions d’atterrissages assistés par hélicoptère. Dans l’éventualité peu probable d’une urgence médicale pour un astronaute, SpaceX a équipé son navire de récupération, « GO Searcher », d’un centre de traitement médical et d’un héliport au centre du navire.

Le bateau « GO Searcher » de récupération des capsules Crew Dragon de SpaceX (via NASA)

Lors d’un scénario normal, Crew Dragon amerrira au large de la côte est de la Floride. GO Searcher est équipé d’une grue pour sortir la capsule de l’eau et l’amener sur le pont principal du navire. Les médecins de la NASA et de SpaceX travailleront ensemble pour évaluer l’équipage à bord du navire. De là, GO Searcher se dirigera vers Cap Canaveral, en Floride, où les équipes de SpaceX emmèneront les astronautes à un aéroport voisin où ils seront transportés à Houston.

En cas de succès, le premier vol test avec équipage (mission Demo-2) se tiendrait à l’été 2019. Entre temps, SpaceX devrait également effectuer un test d’interruption d’urgence de lancement (in-flight abort test) dans le cadre duquel le Crew Dragon serait éjecté du lanceur après décollage.

 

Crew Dragon, héritière du cargo Dragon

Depuis 2012, SpaceX ravitaille la Station Spatiale Internationale avec ses cargos Dragon. A ce jour, il y a eu 19 cargos, dont 2 vols de démonstration, 17 cargos CRS dont le CRS-7 détruit au décollage. 5 cargos ont même été réutilisés.

Space X a donc repris en grande partie les bases du Dragon pour sa capsule habitable. Mais, grande différence, les panneaux solaires déployables du cargo Dragon ont été supprimés afin de réduire le nombre de mécanismes sur le véhicule et d’accroître sa fiabilité. Du coup, contrairement à la plupart des engins spatiaux qui déploient des panneaux solaires, les panneaux solaires sont intégrés au module de service.

Le Crew Dragon dans son usine d’assemblage (credit SpaceX)

Le Crew Dragon est une capsule qui peut transporter jusqu’à 7 astronautes.

 

Au départ, le système d’atterrissage de la capsule devait être très différent de celui du cargo Dragon avec l’utilisation de retro-fusées SuperDraco. Mais la NASA, qui reste le décisionnaire final, a exigé un retour sous parachutes, au nombre de 4, comme pour les capsules Apollo, jugés plus fiables. Les SuperDraco restantes sont utilisées principalement comme système de propulsion d’urgence au lancement. L’abandon de cette technique d’atterrissage pourrait avoir des implications sur le développement de la capsule Red Dragon pour l’atterrissage sur Mars dont le lancement, d’abord annoncé pour 2018, a été retardé à 2020.

Le premier équipage lors de Demo-2

Le deuxième vol d’essai du Crew Dragon avec les astronautes expérimentés de la NASA Bob Behnken et Doug Hurley est programmé à ce jour pour juillet 2019. 
Les astronautes sont des vétérans du programme de Navette, en tant que spécialistes de mission ou pilotes. Behnken était jusqu’à récemment chef du bureau des astronautes de la NASA.

Les 2 astronautes de la NASA, Bob Behnken et Doug Hurley, dans le vaisseau Crew Dragon (credit SpaceX/ NASA)

La NASA et SpaceX utiliseront les données de Demo-1 pour préparer Demo-2. La NASA validera les performances des systèmes du vaisseau de SpaceX avant de valider l’envoi d’un équipage pour le vol Demo-2.

C’est ce que les astronautes Behnken et Hurley verront lorsqu’ils embarqueront dans le Crew Dragon depuis le bras d’accès, le couloir pivotant et surélevé qui conduit les astronautes à la trappe d’accès du Dragon : (crédit SpaceX)

La NASA et les Etats-Unis sont particulièrement fiers en ce 3 mars du redémarrage des vols habités depuis le sol américain avec un vaisseau américain. A suivre !

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3 réflexions sur “Vol d’essai inhabité réussi pour le Crew Dragon ou le début du retour des vaisseaux américains

  • Michel Clarisse

    America is back !

    (NB : Canadarm = SRMS sur la navette spatiale US ; Canadarm-2 = MSS sur l’ISS)

    A noter que Bob Behnken et Doug Hurley ont le point commun d’être tous deux mariés à deux autres astronautes, à savoir K. Megan McArthur et Karen L. Nyberg.
    Ils ont tous deux pour doublure Kjell N. Lindgren.

    Quant au premier vol habité du CST-100 Starliner de Boeing, il devrait être effectué par Christopher J. Ferguson (remplaçant Sunita L. Williams, cette dernière étant affectée à la mission USCV-2), E. Michael Fincke (remplaçant Eric A. Boe) et Nicole V. A. Mann, avec pour doublure Barry E. Wilmore.

    A noter que le premier vol d’une Saturn V eut lieu le 9 novembre 1967 ; ce fut la mission Apollo 4 (inhabitée).

    Répondre
  • Serge ICARD

    Non seulement je vous suis mais je me permet de faire parvenir vos articles à des personnes âgées qui veulent comprendre et qui se passionnent pour l’espace . Elles ne sont pas capables de maîtriser l’outil informatique et donc je sers de relais. Longue vie à vous. Cordialement

    Répondre

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