Retour sur un anniversaire : les 20 ans de SOHO
Le 2 décembre 1995, le satellite SOHO (SOlar Heliospheric Observatory) de l’Agence Spatiale Européenne décollait de Cap Canaveral en Floride à bord d’une fusée Atlas II.
Depuis 20 ans, SOHO nous livre d’impressionnantes images du Soleil et des données scientifiques par milliers.
Une mission initialement prévue pour 2 ans
SOHO est un observatoire du Soleil en orbite à 1,5 million de kilomètres de la Terre, au Point de Lagrange L1 Terre-Soleil.
Il a été fabriqué en 4 ans, de 1991 à 1995, par Matra Marconi Space à Toulouse (devenu Airbus Defence and Space) pour le compte de l’ESA. Il pesait 1 850 kg au décollage dont 250 kg de carburant.
SOHO embarque 12 instruments scientifiques pour l’étude du Soleil : la structure et la dynamique de l’intérieur du Soleil, le rôle de la couronne solaire et le vent solaire.
C’est à ce jour, le seul observatoire en orbite possédant un coronographe.
Grâce à cet observatoire, les scientifiques ont obtenu les premières images de la zone de convection d’une étoile et des mesures précises sur la structure thermique, la rotation intérieure et les flux de gaz du Soleil. Soho a identifié la source du vent solaire aux pôles de l’astre et a révolutionné la compréhension des conséquences de la météorologie spatiale sur le climat de notre planète, et aide à prédire les éruptions solaires.
SOHO permet aussi de découvrir des comètes qui voyagent dans notre système solaire. Avant SOHO, seulement une dizaine de comètes avaient été découvertes depuis l’espace, tandis qu’environ 900 avaient été découvertes depuis les observatoires terrestres (lire ESA/NASA Solar Observatory Discovers Its 3,000th Comet).
En 1998, SOHO a failli être définitivement perdu
Le 24 juin 1998, après deux ans et demi d’exploitation nominale, le centre de contrôle a reçu une série de messages d’urgence, puis plus rien. SOHO avait disparu des écrans sans qu’on sache pourquoi.
SOHO est en fait partie dans un mouvement de rotation incontrôlable (spin) et les panneaux solaires ne sont plus qu’éclairés sur leur tranche. SOHO va perdre rapidement son énergie. Les écarts de température entre les différentes faces du satellite sont de 100 °C. Le réservoir d’ergol en hydrazine a gelé. [La commission d’enquête établira ensuite comme cause principale de la perte de contrôle, une procédure d’opérations mal écrite et des erreurs humaines].
Des efforts de recherche ont alors été déployés par une équipe internationale, dont des ingénieurs qui avaient assuré la maîtrise d’œuvre de la fabrication du satellite. Des ordres ont été transmis 12 heures par jour dans l’espoir de rétablir le contact. Au bout de quatre semaines de recherche, le radiotélescope d’Arecibo à Porto Rico a réussi à localiser SOHO. La première réponse a été reçue le 3 août. Le satellite est vivant ! Mais comment reprendre le contrôle ?
L’hydrazine à bord devait être dégelée avant de pouvoir réutiliser les propulseurs pour rétablir le contrôle d’attitude. Grâce aux efforts de toute l’équipe d’experts, le réservoir et les lignes de propulsion sont dégelés en 11 jours avec un réchauffage de 20 watts. En effet, il a fallu adapter au jour le jour le réchauffage du satellite en fonction de la disponibilité de la recharge en puissance. Enfin, le 9 septembre, la rotation a pu être stoppée et le satellite de nouveau pointé vers le Soleil. Fin octobre, la plupart de ses instruments scientifiques fonctionnaient à nouveau. Ils avaient remarquablement bien supporté cette épreuve, malgré des variations thermiques largement supérieures à celles de la campagne de tests. Quelques jours plus tard, les premières images ont été transmises à la Terre.
SOHO secouru mais endommagé
Mais SOHO avait souffert des variations de températures : deux des trois gyroscopes de bord responsables du contrôle d’attitude sont tombés en panne. Le dernier est tombé en panne quelques semaines plus tard, le 21 décembre. SOHO affichait un lent mouvement de roulis. L’équipe de contrôle a pris les commandes, utilisant les propulseurs pour maintenir le pointage en direction du Soleil. Si elle s’était prolongée, cette baisse régulière des réserves d’ergol aurait sensiblement écourté la mission SOHO. Mais, encore une fois, des stratégies inventives ont permis de transformer l’ensemble du satellite en gyroscope géant. En février 1999, un nouveau logiciel permettant une exploitation sans gyroscope a été installé. Au final, les gyroscopes n’auraient pu être utilisés que pour la séparation lanceur…
SOHO toujours opérationnel 20 ans après
Depuis, SOHO fonctionne parfaitement ou presque : les 3 gyros sont hors service, 1 batterie est en panne depuis 2002, une antenne est en dysfonctionnement depuis 2003. Mais il n’y a plus eu de passage en survie depuis 2002. Les panneaux solaires résistent plus que prévu. Ils n’ont perdu à ce jour que 23% de leur puissance. Il reste même 25% de marge de puissance, donc pas d’inquiétude de ce côté-là. La consommation de carburant à bord est inférieure à 1 kg par an. Il reste environ 113 kg à bord ; l’injection parfaite du lanceur en début de mission a permis de faire de grandes économies.
Tous les instruments sont en état de fonctionnement mais certains ne sont plus utilisés car devenus obsolètes depuis la mise sur orbite de satellites plus récents. Seule l’existence du coronographe justifie en fait l’utilisation à ce jour de SOHO.
SOHO reste une mission de référence car elle sert à calibrer les missions qui ont été lancées après elle. C’est la mission qui fait l’objet du plus grand nombre de publications, juste derrière Hubble.
Tous les 3 mois, la NASA avec le support d’ingénieurs de l’ESA et d’Airbus DS, effectue des manœuvres de « house keeping » (de maintien sur l’orbite désirée). SOHO effectue une orbite solaire en 180 jours mais il faut basculer le satellite tous les 90 jours à 180° afin de conserver les communications avec l’antenne à bord.
Les opérations de vol, très automatisées désormais, se déroulent avec seulement 4 personnes permanentes au lieu des 20 personnes juste après le lancement.
La mission a été prolongée jusqu’en décembre 2016. Le satellite Solar Orbiter, dont le lancement est prévu en 2018, prendra ensuite le relais. Mais SOHO pourrait vivre jusqu’en 2020 sauf qu’au sol, les moyens de contrôle deviendront peut-être obsolètes ou tomberont en panne d’ici là et les personnes qui connaissent le satellite seront peut-être toutes à la retraite…
Pour compléter :
- SOHO Celebrates 20 Years of Discoveries de l’ESA
- SOHO Celebrates 20 Years of Space-based Science de la NASA
- NASA History : A Look Back at NASA Solar Missions
- NASA Image of the Day: Celebrating 20 Years of the Solar and Heliospheric Observatory (SOHO)
- une brochure spéciale 20 ans de SOHO de l’ESA et de la NASA (en anglais)
- SOHO sur le site du CNES
- les dernières images de SOHO en quasi-temps réel
Merci à Airbus Defence and Space Toulouse pour la conférence sur les 20 ans de SOHO avec les personnes qui l’ont fabriqué, qui ont participé au sauvetage et qui réalisent encore les opérations périodiques, sans laquelle vous n’auriez pas certains détails de cet article.
Cet article aurait dû sortir en 2015 mais j’ai donné la priorité à l’actualité spatiale immédiate et à la rétrospective.
Photo de couverture : SOHO 20 ans (crédit : Alex Lutkus)