Les principales annonces du Conseil Ministériel de l’ESA 2022
Ces 22 et 23 novembre, le Conseil Ministériel de l’Agence Spatiale Européenne se tenait à Paris, un moment préparé à l’avance avec plusieurs objectifs annoncés préalablement [voir l’article L’avenir de l’Europe spatiale se joue cette semaine].
17% d’augmentation du budget
L’ESA avait annoncé vouloir l’engagement des états membres pour un budget de 18,5 milliards d’euros pour les 3 prochaines années. 16,9 milliards auront été finalement garantis pour 2023-2025, soit une augmentation de 17% du budget décidé en 2019. Cela représente environ 0,04 % du produit intérieur brut de l’Union Européenne, et seulement environ 20% du budget de la NASA sur la même période.
La France investit 3,2 milliards, soit 550 millions d’euros de plus qu’en 2019 mais la contribution française reste inférieure à celle de l’Allemagne et est désormais talonnée par l’Italie.
L’observation de la Terre et le programme scientifique restent au centre des priorités
Le Directeur Général de l’ESA, Josef Aschbacher, a annoncé qu’aucune des principales priorités de l’ESA n’a été supprimée du budget.
Toutefois, les investissements pour le programme Future EO de poursuites et d’évolutions des projets d’observation de la Terre ne seront financés qu’à 80% de ce qui avait été demandé, avec 2,7 milliards d’euros d’investissements.
Le programme Aeolus-2 pour la mesure des vents d’altitude va être démarré en coopération avec Eumetsat car actuellement Aeolus-1 est le seul projet au monde permettant une mesure des vents en altitude à l’échelle du globe et il lui faudra un remplaçant dans les années à venir pour continuer d’avoir des prévisions météorologiques précises [lire la contribution d’Aeolus : Les satellites et le Covid-19].
Le feu vert a été donné pour 2 projets :
- Harmony, prochaine mission d’exploration de la Terre de l’ESA, pour récolter des données inédites permettant de répondre à des questions fondamentales liées à la dynamique des océans, des glaces et des terres émergées, laquelle influe directement sur la surveillance des risques, les ressources en eau et en énergie, la sécurité alimentaire et le changement climatique
- Magic mesurera la gravité terrestre pour en déduire le volume d’eau présent dans les océans, les calottes glaciaires et les glaciers, dans le but de mieux comprendre les variations du niveau de la mer et d’améliorer la gestion de l’eau.
Le budget pour les programmes scientifiques concerne principalement la fin du développement et le lancement des missions JUICE et Euclid et leur suivi opérationnel.
Le financement accordé à l’ESA lui permettra de poursuivre la mise au point de Plato et d’Ariel, missions de rang mondial d’étude des exoplanètes, dont le lancement est prévu respectivement en 2026 et 2029.
Il faudra suivre dans les années à venir la mission Comet Interceptor qui quittera la Terre à bord du même lanceur qu’Ariel. Trois véhicules spatiaux devraient atteindre une comète dans son état d’origine, c’est-à-dire qui vient tout juste d’entamer son voyage dans le Système solaire interne.
Plusieurs annonces pour l’exploration spatiale
Les ministres ont alloué un montant de 2,7 milliards d’euros à la prochaine phase de Terrae Novae, programme d’exploration spatiale de l’ESA, qui se concentre sur trois destinations : l’orbite terrestre basse, la Lune et Mars.
Lors de la conférence de presse à l’issue du CM22, Josef Aschbacher a annoncé plusieurs décisions majeures :
- L’ESA s’engage dans la Station spatiale Internationale jusqu’en 2030.
- L’ESA va développer l’European Large Logistic Lander (EL3) ou Argonaut, l’alunisseur lunaire européen à grande capacité logistique pour le transport de fret et d’expériences scientifiques sur la Lune.
- L’Europe va développer les technologies nécessaires, avec la contribution de la NASA qui reste à préciser, pour l’atterrisseur et le lanceur de la mission Exomars, suite à l’arrêt du projet avec l’agence spatiale russe. Comme l’a dit Josef Aschbacher, le rover Rosalind Franklin ne devait pas aller au musée. Le lancement n’aura pas lieu avant 2028.
Les satellites au service de la connectivité, de la sécurité, du développement durable et d’une meilleure géolocalisation
Selon le communiqué de l’ESA, 1,9 milliard d’euros seront consacrés aux moyens assurant une connectivité permanente en tout point du globe. La majeure partie de ces fonds sera gérée par l’intermédiaire du Programme de recherche de pointe sur les systèmes de télécommunications (ARTES 4.0 – Advanced Research in
Telecommunications Systems) de l’ESA, qui vise à stimuler l’innovation dans l’industrie spatiale européenne pour permettre aux entreprises de s’imposer sur le marché mondial très concurrentiel des satellites de télécommunications et de leurs applications.
Parmi les autres projets financés figurent le programme Moonlight de l’ESA, qui vise à encourager des entreprises privées européennes du secteur spatial à proposer des services de télécommunications et de navigation lunaires en installant autour de la Lune une constellation de satellites, et le nouveau programme de satellites au service de la sécurité civile, qui apportera des réponses rapides et résilientes pour contribuer à la gestion de crises en temps réel au bénéfice du citoyen européen.
Lors de la conférence de presse, Josef Aschbacher a souligné l’importance de l’autonomie technologique et spatiale en ces temps de crise.
L’ESA va donc participer au programme d’une constellation de satellites européens pour des communications sécurisées IRIS² sous l’égide de l’Union Européenne.
Le programme FutureNAV verra bientôt une démonstration en orbite de satellites de navigation en orbite terrestre basse et une mission de géodésie, baptisée GENESIS, destinée à réaliser des mesures inédites de la Terre et à améliorer les performances de localisation.
Pour la sécurité spatiale et le développement durable, on verra les projets Vigil, qui surveillera l’activité solaire, la sonde Hera, qui procédera à l’analyse approfondie de l’astéroïde Dimorphos après impact pour la défense planétaire, et une première mission de retrait d’un débris spatial en orbite, ADRIOS/ClearSpace-1, prévue en 2026.
Ariane 6, Vega C et activités commerciales
Les infrastructures spatiales restent critiques et l’ESA va continuer à renforcer ses lanceurs Ariane 6 et Vega C, et poursuivre la mutation du Centre Spatial Guyanais.
Le développement du véhicule réutilisable Space Rider va continuer mais il n’y a pas eu d’autres annonces concernant le vol habité européen autonome.
L’ESA lance l’étude de faisabilité d’une centrale solaire spatiale avec SOLARIS.
Le nouveau programme ScaleUp est confirmé avec l’objectif de promouvoir les activités spatiales commerciales ainsi que le développement d’un nouvel écosystème spatial en Europe, tout en renforçant le besoin d’autonomie en technologies.
Pour en savoir plus en détail : Résolution 1, Résolution 2, Résolution 3.
On pourra donc noter que malgré une hausse du budget, on est loin des investissements consentis par les Etats-Unis et la Chine pour leurs programmes spatiaux.
Le vol habité en toute autonomie ne semble toujours pas être une priorité en Europe bien que l’ensemble des astronautes européens en exercice (Andreas Mogensen actuellement à l’entraînement était le seul absent) ont probablement défendu ce sujet.
Il reste plein de missions et de projets à décrire dans les prochaines années !
Photo de couverture par ESA – P. Sebirot.