Premiers résultats scientifiques pour Chang’e4 et Yutu-2
Depuis le 3 janvier, l’atterrisseur Chang’e4 et son rover Yutu-2 sont sur la Lune [Chang’e 4 et Yutu2 sur la Lune : la conquête spatiale made in China].
Au-delà de l’exploit d’avoir été la première nation à se poser sur la face cachée de la Lune, la mission chinoise a pour objectif scientifique de mieux connaître la formation et l’évolution du satellite naturel de la Terre, notamment la composition minérale de la surface lunaire.
Change’4 : observer le manteau lunaire
La mission Chang’e4 ne s’est pas posée au hasard sur la face cachée de la Lune, mais dans le cratère Von Kàrmàn dans l’hémisphère sud au sein du bassin d’impact Pôle Sud-Aitken (PSA). Le bassin PSA mesure environ 2 500 km de diamètre et 13 km de profondeur, et a été formé par un impact céleste il y a plus de quatre milliards d’années. Il est le plus ancien et le plus vaste bassin d’impact de la Lune. Dans cette région ancienne, les scientifiques pensent que les roches du manteau lunaire pourraient être visibles directement.
En effet, comme la Terre, la Lune est constituée en un noyau, un manteau et un cœur entouré de magma. Mais la croûte lunaire est plus épaisse que celle de la Terre. Les échantillons lunaires facilement atteignables proviennent de la couche la plus externe de la Lune. Et comme la Lune n’a presque pas d’activités volcaniques ni de mouvements de plaques, il y a très peu de chance de trouver des matériaux internes à la surface.
Mais le bassin PSA est une des zones où la croûte lunaire est la plus faible, comme cela a été déterminé par la mission américaine GRAIL :
L’épaisseur de la croûte lunaire varie de 60 km de haut dans les hautes terres de la face cachée. L’épaisseur minimale de la croûte est inférieure à 1 km dans les bassins d’impact de Crisium et de Moscoviense. Les plus grandes concentrations de matières riches en olivine se trouvent autour des bassins d’impact de Crisium et de Moscoviense, où la croûte est presque absente. Le rouge correspond aux densités supérieures à la moyenne et le bleu aux densités inférieures. La densité apparente moyenne de la croûte des hauts plateaux lunaires est de 2 550 kilogrammes par mètre cube, soit 12% de moins que généralement supposé. Le blanc désigne les régions contenant des basaltes (lignes fines) et qui n’ont pas été analysées. Les cercles pleins correspondent aux bassins d’impact importants. Le bassin pôle Sud-Aitken a une densité supérieure à la moyenne qui reflète sa composition de surface atypique riche en fer.
Des matériaux issus du manteau lunaire observés pour la première fois
Une première publication scientifique de la mission chinoise vient de paraître le 15 mai dans la revue Nature [lien]. Les données proviennent des premiers jours de la mission.
L’équipe dirigée par le chercheur Li Chunlai de l’Observatoire astronomique national de l’Académie chinoise des sciences a utilisé les données du spectromètre à lumière visible et proche infrarouge du rover Yutu-2 (VNIS pour Visible and Near-Infrared Imaging Spectrometer) pour prouver la présence de matériaux issus du manteau lunaire sur le bassin PSA.
Le spectromètre a effectué les premières observations in situ, en détectant la lumière diffusée ou réfléchie par des matériaux de surface, et a obtenu des données spectrales de bonne qualité à deux points de détection. Les auteurs de la publication ont interprété ces spectres comme représentant la présence d’olivine et de pyroxène à faible teneur en calcium, substances pouvant provenir du manteau lunaire.
Selon Li Chunlai, une analyse préliminaire montre que la composition du sol lunaire sur le site d’atterrissage de Chang’e4 est très différente de celle de la zone d’atterrissage de Chang’e-3.
L’hypothèse principale de la formation de Lune suppose qu’avec l’évolution du magma lunaire, les composants plus légers du plagioclase (minéral constituant majoritaire de la croûte) ont flotté pour former la croûte lunaire, tandis que les minéraux plus lourds tels que l’olivine et le pyroxène ont « coulé » pour former le manteau sélène.
Li Chunlai a déclaré qu’après la formation du bassin Antarctic-Aitken, de petits corps célestes avaient continué à le frapper pour former davantage de petits cratères d’impact. Les scientifiques chinois pensent que lors de la création du cratère Finsen de 72 km situé au nord-est du cratère Von Kàrmàn, il était possible que la croûte sélène ait été percée et que des matériaux du manteau aient été projetés sur le bassin SPA.
D’autres résultats scientifiques devraient arriver dans les mois à venir, alors que la mission vient de terminer son cinquième jour d’activité lunaire le 11 mai après de nouvelles études du sol lunaire.
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