Philae : 6 ans après son atterrissage sur la comète 67P, de nouvelles informations révélées
Le 12 novembre 2014, Philae, l’une des charges utiles de la mission européenne Rosetta, réalisait l’exploit historique d’un atterrissage sur une comète, en l’occurence 67P/Churyumov-Gerasimenko.
Mais Philae s’est endormi rapidement
Malheureusement tout ne s’était pas passé tout à fait comme prévu : le lander a d’abord atterri sur la zone cible, mais a ensuite effectué 2 rebonds à la surface de 67P avant de se stabiliser.
Philae s’était alors retrouvé dans une position ne favorisant pas la recharge de ses batteries, ayant dévié de son point de chute cible de plus d’un kilomètre et ayant fini sa route dans une zone beaucoup plus escarpée que souhaitée et beaucoup moins illuminée que prévue.
Ce n’est que le 5 septembre 2016 que l’emplacement exact de Philae sur la comète 67P/Churyumov–Gerasimenko est retrouvé au terme d’analyses d’images prises par la sonde Rosetta. Le site est nommé Abydos.
C’est la caméra à angle étroit OSIRIS de Rosetta qui était descendue à 2,7 km de la surface de la comète, en prévision de la fin de la mission de la sonde, qui a photographié une zone candidate à la localisation du lander. Les images fournissent également la preuve de l’orientation de Philae, expliquant davantage pourquoi les communications ont été si difficiles après l’atterrissage et l’éclairement du Soleil si ténu.
Mais les ingénieurs de l’ESA, dont Laurence O’Rourke qui avait joué le rôle principal dans la découverte de Philae à Abydos, étaient également déterminés à localiser le site d’atterrissage précédent, jusque-là inconnu.
Le site du 2e rebond localisé en 2020
A partir d’une reconstruction de la trajectoire de Philae, une équipe internationale (O’Rourke et al.) a pu identifier un deuxième site d’atterrissage « Touchdown 2″ où le lander s’est stabilisé pendant environ 2 minutes.
Le site a été surnommé « la crête du crâne » en raison de sa ressemblance avec un crâne (skull en anglais).
C’est grâce aux images prises par Rosetta mais aussi grâce aux données du magnétomètre ROMAP que la localisation a été effectuée.
La perche du magnétomètre qui dépasse de 48 cm du corps de l’atterrisseur a donné des informations sur les changements d’orientation de l’atterrisseur grâce à une série caractéristique de pics dans les données magnétiques. Cela a fourni une estimation de la durée pendant laquelle Philae a marqué la glace de la surface de 67P. Les données ROMAP révèlent également des informations sur la vitesse et la direction du déplacement.
A partir de ces données et des images collectées par Osiris, les ingénieurs ont pu retracer le déroulé des rebonds de Philae :
Se déplaçant initialement vers le bas, Philae glisse sur le bord d’un rocher (1) et se retourne verticalement, tournant comme un moulin à vent pour passer entre deux rochers (2) exposant des couches de glace dans les parois de la crevasse avec ses pieds. La crevasse mesure environ 2,5 m de long et est courbée avec une largeur de 1 à 1,5 m, permettant à Philae de passer à travers. Philae imprime ensuite une empreinte de 25 cm sur la surface de la comète (3) par l’instrument SD2 au sommet de Philae. Philae est alors sorti de la crevasse. Lorsque Philae est entré pour la première fois dans la région, il se déplaçait vers le bas à 20 cm/s et vers l’avant à 10 cm/s. Lorsqu’il a quitté la zone, il se déplaçait vers le haut à moins de 1 cm/s et vers l’avant à 9 cm/s. Il n’a jamais volé à plus d’un mètre au-dessus de la surface lors de son vol final jusqu’au site d’atterrissage final n°3, Abydos, à 30 m de distance.
Des analyses de la glace révélée
Sur le site N°2, Philae s’est enfoncé de 25cm dans le sol. Le contact a soulevé la poussière sombre de la surface, et exposé de la matière enfouie sur une surface d’environ 3,5m². Les images d’OSIRIS et du spectromètre VIRTIS de Rosetta ont révélé que cette matière contenait de la glace d’eau.
L’équipe du LESIA, laboratoire français de l’Observatoire de Paris-Meudon, a travaillé sur l’analyse de la composition de la matière sous-surfacique.
La composition est riche en glace d’eau (46%). Cette matière a une consistance plus légère que celle de la neige fraîchement tombée, et sa porosité locale est de 75%, ce qui correspond à la valeur mesurée précédemment pour l’ensemble de la comète dans une autre étude. Cette même étude a démontré que l’intérieur de la comète est homogène sur toutes les échelles de taille jusqu’à environ un mètre. Cela implique que les rochers sont représentatifs de l’état général intérieur de la comète au moment de sa formation il y a environ 4,5 milliards d’années.
Le simple fait que Philae a laissé son empreinte sur la paroi d’une crevasse nous a permis de déduire que ce mélange de glace et de poussière vieux de plusieurs milliards d’année est extraordinairement mou, plus moelleux que la mousse d’un cappuccino, d’un bain moussant, ou encore que l’écume des vagues sur la plage.
selon Laurence O’Rourke.
Matt Taylor, scientifique du projet Rosetta de l’ESA :
C’est un fantastique résultat multi-instruments qui non seulement comble les lacunes de l’histoire des rebonds de Philae, mais nous en apprend davantage sur la nature de la comète. Il est particulièrement important de comprendre la dureté d’une comète pour de futures missions embarquant un atterrisseur. Le fait que la comète ait un intérieur si moelleux est une information très importante à la fois pour la conception de mécanismes d’atterrissage et pour les procédés mécaniques qui seront peut-être nécessaires pour récolter des échantillons.
L’atterrissage de Philae sur Rosetta et la mission globale en elle-même restent l’un des plus beaux succès de ces 10 dernières années dans le spatial. Et les scientifiques continuent d’exploiter les données engrangées par Rosetta. D’autres découvertes sont amenées à être faites !
Source principale : Le second site d’atterrissage de Philae a été découvert sur la «crête du crâne»
Image de couverture : Les points d’atterrissage de Philae qui a rebondi sur la comète 67P, indiqués sur une image capturée par la sonde Rosetta (crédit: ESA / ROSETTA / NAVCAM / SONC / DLR).
Tous les articles du blog dans le dossier dédié sur Rosetta et Philae
On a trop laissé croire à l’échec de cette mission. Non seulement des analyses ont pu être faites qui améliorent les connaissances sur la comète, mais aussi de comprendre la nature du sol, bien plus mou, et donc ainsi pouvoir adapter un avertisseur sur ce type de matière, dont la gravité est très faible, ce que les rebonds peuvent (vitesse/durée). Bravo.
A samedi (CrewDragon/ISS).