Navette Columbia : à 16 minutes du retour sur Terre
Le 1er février 2003 la mission STS-107 de la Navette Spatiale américaine Columbia rentre sur Terre et tout ne se passe malheureusement pas comme prévu.
Un vol de routine
L’équipage de 7 astronautes de la 113e mission d’un Space Transportation System (STS) a décollé le 16 janvier 2023 pour une mission scientifique de 16 jours, STS-107. Il est composé du commandant Rick Husband, du pilote Willie McCool, des spécialistes de mission Mike Anderson, Dave Brown, Kalpana Chawla et Laurel Clark, et du spécialiste de charge utile Ilan Ramon.
Ilan Ramon est le premier astronaute israélien et Kalpana Chawla, la première astronaute américaine d’origine indienne dont c’était le second vol. La participation d’Ilan Ramon est née d’un accord de 1995 entre le président américain Bill Clinton et le Premier ministre israélien Shimon Peres sur la coopération spatiale entre les deux nations.
La mission est consacrée à la recherche en sciences physiques et de la vie en microgravité, avec environ 80 expériences distinctes, comprenant des centaines d’échantillons et de points de test. Les 7 astronautes travaillaient 24 heures sur 24, en deux équipes de travail alternés (équipe rouge / équipe bleue – voir l’image de couverture).
Columbia (OV-102) est la première navette du programme STS, Space Transportation System (3e construite après Challenger et Entreprise). Elle a effectué son premier vol le 12 avril 1981 puis les vols STS-2 à 5. Elle a effectué 28 vols entre 1981 et 2003. Le vol précédent était STS-109 entre le 1er et le 12 mars 2002, une mission pour la maintenance du télescope spatial Hubble.
Columbia a participé à quelques missions notables :
- En1981, le premier vol du laboratoire spatial modulaire Spacelab construit par l’Agence Spatiale Européenne, avec STS-50,
- Entre le 25 juin et le 9 juillet 1992, la première mission de la navette spatiale de longue durée
- La mise sur orbite de l’observatoire spatial en rayons X Chandra avec STS-93 en juillet 1999.
La mission STS-83 (4-8 avril 1997) a été écourtée suite à un problème avec une pile à combustible qui présentait des preuves de dégradation de la tension interne après le lancement.
Columbia n’est jamais revenue
L’atterrissage de la navette spatiale était prévu à 14h16 UTC ce 1er février 2003 sur le Kennedy Space Center en Floride.
Juste avant 9 heures du matin heure locale (ou 14h UTC), des télémétries anormales sont apparues sur les écrans du centre de contrôle de la mission du Johnson Space Center de la NASA à Houston. Les relevés de température des capteurs situés sur l’aile gauche de la Navette sont perdus. Ensuite, les relevés de pression des pneus du côté gauche de la navette ont également disparu.
Le Capcom [personne communiquant avec la Navette depuis le centre de contrôle] a appelé Columbia pour discuter des relevés de pression des pneus. À 8 h 59 min 32 s., le commandant Husband a rappelé de Columbia : « Roger », suivi d’un mot qui a été coupé au milieu de la phrase.
A 14h00 UTC les communications se sont totalement interrompues à une altitude d’environ 203 000 pieds dans au-dessus du Texas. Au moment où les communications ont été perdues, Columbia était à environ Mach 18 (~22 000 km/h).
Douze minutes plus tard, alors que Columbia aurait dû faire son approche finale de la piste, un contrôleur de mission a reçu un appel téléphonique. L’appelant a déclaré qu’une chaîne de télévision montrait une vidéo de la navette se brisant dans le ciel.
Pendant 16 minutes, les contrôleurs de la mission ont tenté vainement de contacter l’équipage. Les familles de l’équipage et les personnes de la NASA qui devaient les accueillir à Cap Canaveral attendaient de leur côté les bangs supersoniques qui annonçaient l’arrivée imminente de la Navette.
Les habitants de l’est du Texas ont été secoués par plusieurs explosions pendant plusieurs minutes. Des pièces de la Navette tombaient littéralement du ciel pendant près de 30 minutes sur une région de 450 km de long sur 32 km de large entre Dallas (Texas) et Fort Polk en Louisiane.
Dans un communiqué publié à 21h00 UTC, l’administrateur de la NASA de l’époque, Sean O’Keefe, annonce que « C’est en effet un jour tragique pour la famille de la NASA, pour les familles des astronautes qui ont volé sur STS-107, et est également tragique pour la Nation. Immédiatement après indication d’une perte de communications de STS-107, un peu après 9h00 ce matin [heure locale], nous avons commencé notre plan d’urgence pour préserver toutes les informations relatives aux activités de vol « .
L’état d’urgence a été ainsi décrété sur la zone des débris par le président américain Georges W. Bush.
Des équipes de recherche ont été rapidement montées pour retrouver les dépouilles de l’équipage et ensuite le maximum de débris de la Navette. La population des zones concernées devait signaler tous débris retrouvés et devait prendre des précautions en raison de la présence potentielle de restes de carburant toxique. Plus de 25 000 personnes ont participé aux recherches. Deux employés de l’U.S. Forest Service ont péri lors de ces recherches dans un accident d’hélicoptère.
Près de 35 tonnes de matériaux ont fini par échouer sur le sol, soit 38% de la masse de la Navette lors de la rentrée atmosphérique. Plus de 80 000 débris ont été retrouvés, certains pas plus grands que quelques centimètres carré. Tous ces débris ont été géolocalisés afin d’aider aux investigations sur les causes de la désintégration de Columbia.
Ces débris ont été transportés au Kennedy Space Center dans un hangar pour la reconstitution de Columbia. Près de 400 techniciens ont minutieusement examiné chaque pièce à la recherche de preuves.
En 2008, la NASA a publié un rapport détaillant les dernières minutes de l’équipage de Columbia. Les astronautes ont probablement survécu à l’éclatement initial de Columbia, mais ont perdu connaissance en quelques secondes après que la cabine se soit dépressurisée. L’équipage est décédé alors que la Navette se désintégrait.
A noter que comme l’équipage comprenait Ilan Ramon, le premier astronaute israélien, certains observateurs avaient initialement spéculé sur une possible attaque terroriste ou un sabotage.
A la recherche des causes de l’accident
L’enquête indépendante du Columbia Accident Investigation Board (CAIB), dont la première astronaute américaine Sally Ride, a duré près de sept mois. Un effectif de plus de 120 personnes a soutenu les 13 membres du Conseil. Les enquêteurs ont examiné plus de 30 000 documents, mené plus de 200 entretiens officiels, entendu des témoignages de dizaines de témoins experts et examiné plus de 3 000 contributions du grand public.
Des morceaux récupérés de carreaux de céramique isolante de la face inférieure de l’aile gauche de Columbia ont été analysés et ont aidé à définir les origines de l’accident.
Les images du décollage ont indiqué que l’aile gauche de la Navette avait souffert d’un endommagement lors de l’ascension. Une pièce d’isolant du réservoir externe orange de la Navette a frappé l’aile gauche 81,7 secondes après le décollage, entraînant une brèche dans le système de protection thermique sur le bord d’attaque de l’aile.
Cela n’a posé aucun problème pour la phase de mise sur orbite mais lors de la rentrée, « cette brèche dans le système de protection thermique a permis à l’air surchauffé de pénétrer à travers l’isolation du bord d’attaque et de faire fondre progressivement la structure en aluminium de l’aile gauche, entraînant un affaiblissement de la structure jusqu’à ce que les forces aérodynamiques augmentent provoquent une perte de contrôle, la dégradation de l’aile, et la destruction de Columbia. Cette rupture s’est produite dans un régime de vol dans lequel, compte tenu de la conception de l’époque de l’orbiteur, il n’y avait aucune possibilité pour l’équipage de survivre » selon le Rapport d’enquête d’août 2003.
Il faut savoir que lors de l’analyse de routine des films du lancement, les ingénieurs avaient noté qu’à environ 82 secondes du vol, un morceau d’isolant en mousse séparé du réservoir externe de la navette semblait frapper l’aile gauche de Columbia. Le 23 janvier, au huitième jour de la mission, le directeur de vol J. Steve Stich de Mission Control a informé le commandant Husband et le pilote McCool de la frappe de la mousse par e-mail, avec un clip vidéo de l’impact, mais leur a assuré que le phénomène s’était produit lors de missions précédentes, il ne se préoccupait pas des dommages à la navette ou pour la rentrée : « absolutely no concern for reentry« . Le commandant Husband a informé le reste de l’équipage. Cependant, les ingénieurs sur Terre ont continué d’évaluer l’impact de l’impact de la mousse, demandant une imagerie haute résolution de la zone affectée pour terminer une analyse plus approfondie, mais des responsables ont finalement rejeté la demande. Cette mousse était pulvérisée sur l’ensemble du réservoir de carburant externe pour isoler les réservoirs du carburant cryogéniques. Malheureusement, cette mousse a tendance à s’écailler en morceaux et à endommager les tuiles du bouclier thermique sur la face inférieure de l’orbiteur.
Au final, il aurait été difficile de faire une réparation sur orbite.
Au cours de son enquête, le Columbia Accident Investigation Board a conclu qu’une mission de sauvetage lancée rapidement avec un autre orbiteur aurait pu sauver l’équipage de Columbia à temps, même si elle aurait été confrontée au même risque de chute de mousse.
Les vols des Navettes ont été arrêtés pendant plus de 2 ans, avec un retour en vol en juillet 2005. Avec STS-114, la NASA a testé une suite de nouvelles procédures, dont une où les astronautes utilisaient des caméras et un bras robotique pour scanner le ventre de la navette à la recherche de dommages rencontrés au décollage. La NASA a également renforcé la prise d’images pendant le décollage pour mieux surveiller les débris au lancement.
Columbia a été l’accident de trop après Challenger, et cela a précipité l’arrêt du programme des Shuttle en 2011. Cela a sans doute aussi accéléré la venue de nouveaux acteurs privés dont SpaceX car la NASA semblait trop enlisée dans son programme de Navette à coûts exorbitants.
Source principale : https://history.nasa.gov/columbia/Introduction.html
« Columbia (OV-102) est la première navette du programme STS ». En réalité, elle fut la troisième à être construite après Challenger (STA-099 –> OV-099) et Enterprise (OV-101).
STA pour Shuttle Test Article ; OV pour Orbital Vehicle.
Enterprise n’a effectué que des vols atmosphériques.
NB : STS-107 fut le 28e et dernier vol de Columbia. Si tu laisses « ensuite », cela voudrait dire qu’elle en a effectués 33 (dont 2 en 1981).
NB : les 27 janvier (1967), 28 janvier (1986) et 1er février (2003) sont décidément trois dates maudites pour la NASA !