Lisa Pathfinder : fin d’une mission pionnière
Vingt mois après son lancement, la mission européenne LISA Pathfinder s’est terminée le 18 juillet. La sonde a été éteinte après avoir été mise sur une orbite de parking qui la place sur une orbite loin de la Terre pour au moins 100 ans.
Une mission de démonstration technologique réussie
L’objectif principal de LISA Pathfinder était de valider un système spatial pour la détection des ondes gravitationnelles. Les ondes gravitationnelles seraient des déformations de l’espace-temps selon la théorie de la relativité générale d’Einstein causées par les phénomènes les plus violents de l’Univers, comme les explosions d’étoiles (supernovae), la fusion de deux trous noirs ou celle de deux étoiles à neutrons.
Ces ondes sont toutefois infimes qu’elles n’ont jamais été observées directement dans l’espace. En effet, une onde gravitationnelle modifierait la distance Terre-Soleil (près de 150 millions de kilomètres) d’un dixième de millionième de millimètre. Sur Terre, les ondes gravitationnelles n’ont été détectées de manière directe que très récemment, le 14 septembre 2015 pour la première fois (lire Les ondes gravitationnelles détectées 100 ans après la prédiction d’Einstein par le CNRS).
LISA Pathfinder avait pour objectif de valider un système spatial de mesures suffisamment sensible pour les détecter, les détecteurs devant être correctement isolés des perturbations extérieures.
LISA Pathfinder aura été opérationnelle pendant 16 mois, terminant officiellement sa mission le 30 juin dernier. Les derniers jours de « vie » de la sonde ont été dédiés à des tests sur les équipements du satellite. Des variations de températures ou des mouvements non contrôlés du satellite peuvent entacher les mesures. Avec ces derniers tests, les ingénieurs ont voulu vérifier certains de leurs modèles ou les comparer aux tests précédemment effectués au sol en vue de la future mission LISA.
Les mesures scientifiques réalisées pendant la phase opérationnelle de la mission ont dépassé les attentes de tous les scientifiques impliqués. LISA Pathfinder a montré que la technologie requise pour la future mission LISA fonctionne déjà de manière optimale.
Au cœur de l’engin spatial, deux cubes identiques en or platine de 2 kg et 46 mm de côté tombent librement dans l’espace sous l’influence de la gravité seule, non perturbés par d’autres forces extérieures, à une précision plus de cinq fois meilleure que la spécification [lire Lisa Pathfinder : la mission]. Les deux cubes sont presque immobiles l’un par rapport à l’autre, avec une accélération relative inférieure à dix millionièmes de milliardième de l’accélération gravitationnelle de la Terre, g. L’équipe de LISA Pathfinder a mesuré les forces restantes agissant sur les masses d’essai, et a identifié trois principales sources de bruit, en fonction de la fréquence :
- Aux fréquences les plus basses, en dessous de 1 mHz (à gauche sur le graphique), les scientifiques ont mesuré une petite force centrifuge agissant sur les cubes. Ceci est causé par une combinaison de la forme de l’orbite de LISA Pathfinder et l’effet du bruit dans le signal des senseurs stellaires utilisés pour l’orienter. La contribution de la force centrifuge à l’accélération relative des deux masses de test a été soustraite de ce graphique, et la source du bruit résiduel après soustraction est encore à l’étude.
- À des fréquences de 1 à 60 MHz (au centre), le contrôle des masses d’essai est limité par les molécules de gaz qui rebondissent sur les cubes : un petit nombre d’entre elles sont restées dans le vide entourant les masses. Cet effet s’est réduit au fil des semaines de tests au fur et à mesure que les molécules ont été évacuées dans l’espace.
- À des fréquences plus élevées, comprises entre 60 MHz et 1 Hz (à droite), la précision de LISA Pathfinder est limitée seulement par le bruit de détection du système de métrologie optique utilisé pour surveiller la position et l’orientation des masses d’essai. Néanmoins, les performances du système ont déjà dépassé le niveau de précision requis pour un futur observatoire des ondes gravitationnelles par un facteur de plus de 100. La cause du pic autour de 70 mHz est toujours sous investigations.
En 2034, LISA
La détection des ondes gravitationnelles dans l’espace exige des masses d’essai immobiles à des niveaux sans précédent de précision puisque les ondes gravitationnelles ne provoquent qu’un déplacement sur une échelle de quelques millionièmes de millionième de mètre sur une distance cosmique d’un million de kilomètres.
Au vu des résultats de LISA Pathfinder, l’ESA a sélectionné LISA, Laser Interferometer Space Antenna, comme l’une de ses missions principales dans les années à venir.
LISA se composera de trois satellites couvrant un triangle équilatéral avec chaque côté de 2,5 millions de kilomètres de long. Les lasers seront utilisés pour mesurer les changements minima de leur distance relative induite par des ondes gravitationnelles. Les ondes gravitationnelles traversant le vol de formation dans l’espace changent ces distances d’un trillion de mètres.
LISA mesurera les ondes gravitationnelles à basse fréquence, non détectables sur Terre à ce jour. Celles-ci sont émises par des événements tels que des trous noirs supermassifs avec des millions ou des milliards de fois la masse de notre Soleil fusionnant au centre des galaxies, ou des millions d’étoiles binaires dans notre galaxie.
LISA devrait être lancée en 2034.
A ce jour, LISA est une mission européenne mais les scientifiques américains évaluent actuellement comment la NASA pourrait participer à cette mission. Une des pistes est d’utiliser LISA pour cartographier la distribution des particules minuscules de poussière générées par les astéroïdes et les comètes loin de la Terre. Malgré leur faible masse, ces particules quand elles heurtent le satellite génèrent une réaction infime de ses propulseurs pour contrer l’impact et surtout contrer rapidement tout changement de mouvement de la sonde néfaste aux mesures des ondes gravitationnelles. A partir des données de propulsion, les scientifiques espèrent remonter à la détermination de la zone d’impact, et donc reconstituer la trajectoire d’origine des poussières micrométéorites.
Sources principales de l’article : Results show Lisa Pathfinder exceeds expectations et la page Lisa Pathfinder sur le site de l’ESA
Retrouvez les articles précédents sur Lisa Pathfinder, dont le suivi au jour le jour ou presque de la campagne de lancement : #LisaPathfinder
Et une vidéo de Stardust sur le sujet réalisé en septembre 2016