La mission lunaire Artemis 2 est retardée suite aux soucis rencontrés lors de la première mission
La NASA a annoncé un nouveau report de la mission Artemis II qui doit voir désormais le retour d’humains autour de la Lune en avril 2026 au plus tôt.
La mission qui doit embarquer 4 membres d’équipages dans le vaisseau Orion pour orbiter autour de la Lune était prévue initialement en novembre 2024, puis avait été décalée en septembre 2025, avant ce nouveau report.
La mission Artemis III qui doit faire atterrir sur la Lune un équipage dont la première femme, est quant à elle décalée à mi-2027 (au lieu de septembre 2026 pour la dernière date).
Les raisons du nouveau report
La mission Artemis 1 qui s’est déroulée fin 2023 a été globalement un succès. La capsule du vaisseau Orion a été ramenée au centre spatial Kennedy en Floride pour des inspections. Des analyses post-vol ont montré des anomalies, et en particulier sur le bouclier thermique.
En mai 2024, un rapport de l’Inspecteur Général (OIG) de la NASA présente les résultats des inspections de la capsule Orion : » La NASA a identifié plus de 100 emplacements où le matériau ablatif Avcoat du bouclier thermique s’est détaché de manière inattendue lors de sa rentrée atmosphérique terrestre. Le bouclier thermique d’Orion est conçu pour protéger l’équipage, le module d’équipage et ses systèmes de la chaleur intense lors de la rentrée [jusqu’à 2 760 °C]. Plus précisément, certaines parties de la couche externe se sont usées différemment des prédictions des ingénieurs de la NASA, se fissurant et se brisant en fragments qui ont créé une traînée de débris plutôt que fondre comme prévu. Le comportement inattendu de l’Avcoat crée un risque que l’écran thermique peut ne pas protéger suffisamment les systèmes et l’équipage de la capsule de la chaleur extrême de la rentrée sur de futures missions. De plus, bien qu’il n’y ait aucune preuve d’impact avec le module d’équipage, la quantité et la taille des débris auraient pu causer suffisamment de dommages structurels pour provoquer la défaillance d’un des parachutes freinant la capsule en phase de descente finale, et donc entraîner la perte du vaisseau ou de l’équipage « .
» Les inspections après vol des boulons de séparation Module d’équipage/Module de service ont révélé de la fusion et de l’érosion inattendues qui ont créé un espace entraînant un échauffement accru à l’intérieur des boulons lors de la rentrée d’Orion. Le module d’équipage abrite quatre boulons de séparation situés à des emplacements spécifiés sur la capsule pour fournir un support structurel pour la fixation du module d’équipage au module de service. À la rentrée dans l’atmosphère terrestre, les boulons reçoivent une commande de séparation libérant le module d’équipage du Module de service. Le module de service brûle dans l’atmosphère terrestre, tandis que le module d’équipage continue sa descente et son atterrissage sous la protection du bouclier thermique. La NASA exige que les boulons restent affleurants avec le matériau de protection thermique après la séparation du module de service pour se prémunir contre les excès de chauffage. Cependant, pendant la mission Artemis I, trois des quatre boulons ont subi un espace exposé qui permit un chauffage accru de l’intérieur du boulon et une fusion et une érosion plus importantes que prévu. La fusion des boulons de séparation au-delà de la barrière thermique lors de la rentrée peut exposer la capsule à des gaz chauds et leur ingestion derrière le bouclier thermique, dépassant les limites structurelles d’Orion et entraînant la rupture du vaisseau et la perte de l’équipage « . Le rapport demande une action corrective : la NASA doit effectuer une analyse des boulons de séparation d’Orion à l’aide de modèles mis à jour qui tiennent compte de la détérioration de la couche carbonisée du matériau du bouclier thermique.
L’OIG a demandé à la NASA un plan d’actions et cela prend du temps. Les vérifications et les modifications induites aussi, tout comme les évolutions et changements déjà prévus par la NASA pour les missions après Artemis 1. D’où le planning retardé pour Artemis 2.
Fin octobre, la NASA publiait qu’elle a déterminé pourquoi le bouclier thermique Orion a perdu plus de matériel que prévu lors de la mission Artemis 1, mais qu’elle ne divulguera les détails qu’après avoir effectué plus de tests.
Finalement c’est début décembre que la NASA publiait les causes de cette défaillance majeure : » Les ingénieurs ont déterminé qu’au retour d’Orion de sa mission sans équipage autour de la Lune, les gaz générés à l’intérieur du matériau extérieur ablatif du bouclier thermique appelé Avcoat n’étaient pas capables de s’évacuer et de se dissiper comme prévu. Cela a permis à la pression de s’accumuler et à des fissures de se produire, provoquant la rupture du matériau carbonisé à plusieurs endroits « .
Lors de la rentrée atmosphérique, une trajectoire « Skip Entry », ou entrée avec rebond, avait été réalisée lors d’Artemis 1 : la capsule plonge dans la partie supérieure de l’atmosphère terrestre et utilisant la traînée atmosphérique pour ralentir, elle utilise la portance aérodynamique pour sortir de l’atmosphère (avec augmentation de l’altitude), puis rentrer pour une descente finale. Cette trajectoire permet une zone d’amerrissage plus précise et de diviser la charge thermique du vaisseau en 2 phases.
Avec l’analyse des données de vol et une centaine d’essais au sol pour reproduire les contraintes thermiques vues pendant le profil de rentrée, les ingénieurs de la NASA ont pu déterminer que pendant la période entre les plongées dans l’atmosphère, les vitesses de chauffage ont diminué, et l’énergie thermique s’est accumulée à l’intérieur du matériau Avcoat du bouclier thermique. Cela a conduit à l’accumulation de gaz faisant partie du processus d’ablation attendu. Étant donné que l’Avcoat n’avait pas de « perméabilité », la pression interne s’est accumulée et a conduit à des fissures et à une perte inégale de la couche externe.
La NASA précise que les données de vol d’Artemis 1 ont montré que s’il y avait eu un équipage à bord de la capsule, ils auraient été en sécurité. La température à l’intérieur de la capsule aurait été en moyenne de 21,11 °C (70°F).
Finalement la NASA a décidé que la mission Artemis 2 volerait avec un bouclier thermique non modifié. Celui-ci est déjà intégré à la capsule Orion en cours d’intégration avec le Module de service fourni par l’ESA. Des améliorations sont en cours d’implémentation sur le vaisseau d’Artemis 3, notamment au niveau de la fabrication du bouclier thermique pour obtenir une uniformité et une perméabilité constante, selon les déclarations de la NASA.
Le profil de rentrée atmosphérique sera modifié en réduisant la durée de la phase de saut de la rentrée. Ces changements, selon la NASA, devraient être suffisants pour que toute fissuration n’entraîne pas de rupture de matériau, sur la base d’essais au sol.
L’assemblage du SLS a commencé avec retard
Les problèmes non résolus d’Artemis I augmentant le risque de retards, la NASA a décidé de procéder le plus tard possible à l’empilement des différents composants du lanceur Space launch System (SLS) car certains éléments ont une durée de vie limitée. Ainsi, les propulseurs à poudre du SLS, premiers éléments empilés, ont une durée de vie de 12 mois une fois en position verticale.
L’assemblage du SLS a commencé le 2 novembre. Les deux premiers des 10 segments des boosters d’appoint ont été installés sur la plateforme mobile. Ils vont soutenir les composants restants de la fusée et le vaisseau.
Le 11 décembre, c’est l’étage central du booster qui a été passé à la verticale dans le VAB, avant d’être intégré entre les 2 boosters.
De nombreuses actions à faire avant Artemis 2
Le rapport de l’OIG a également mis en avant d’autres actions correctives avant le vol Artemis 2 : la plateforme de lancement mobile a subi des dommages plus importants que prévu, les communications entre le vaisseau et les antennes du DSN (Deep Space Netwxork) de la NASA ont été perdues pendant 4,5 heures (notamment sur l’antenne de Goldston en raison d’une maintenance matérielle insuffisante), une vérification et une validation supplémentaires sont nécessaires pour les équipements d’imagerie du lancement pour éviter l’absence de disponibilités d’images d’ingénierie comme rencontrée lors d’Artemis 1, etc…
Il reste du chemin avant de voir le second vol Artemis 2 décoller, avec cette fois, un équipage. À moins que la nouvelle administration américaine et le nouveau directeur de la NASA ne changent les plans. Beaucoup d’Américains critiquent le coût exorbitant du lanceur SLS et que la NASA ait minimisé les dommages du bouclier d’Artemis 1. Avec les récentes avancées du Starship de SpaceX et les perspectives pour 2025, le programme Artemis tel qu’il est défini actuellement pourrait évoluer sensiblement.
À suivre …
Photo de couverture : L’article d’essai environnemental d’Orion photographié à l’intérieur de la chambre à vide thermique le 11 avril 2024, dans le complexe des environnements spatiaux de l’installation d’essai Neil Armstrong de la NASA à Sandusky, Ohio (crédit : NASA/Quentin Schwinn)