La Chine spatiale : les programmes habités à venir
Avec l’envol du module Tiangong 2 prévu le 15 septembre, la Chine continue pas à pas sa conquête spatiale habitée.
La suite de Tiangong 1
Tiangong 1, le premier laboratoire spatial chinois en orbite basse terrestre, lancé en septembre 2011 a vu ses derniers visiteurs en juin 2013 [lire Le programme spatial habité chinois : hier, aujourd’hui et demain ?].
La Chine s’était attelée à la fabrication d’un nouveau laboratoire spatial, Tiangong 2, dès la fabrication du premier module.
Tiangong-2 devrait décoller ce 15 septembre à bord d’une Longue March 2F.
Mise à jour 18/09 : lancement réussi [lire L’actualité spatiale de la semaine du 12 septembre]
Ce laboratoire spatial, ou « palais céleste » selon la traduction de Tiangong, un seul module comme Tiangong-1, est avant tout un nouveau laboratoire de tests de technologies clés dans la conquête spatiale : le séjour de moyenne durée de taïkonautes, la maintenance et le réapprovisionnement de carburant en orbite.
Le module est de taille équivalente à son prédécesseur : 10,4 mètres de long et 3,4 mètres de large. Ses deux panneaux solaires couvriront 8,4 mètres d’envergure.
Le module comporterait des évolutions technologiques notables dont un bras robotique, un système de recyclage des eaux usées, une plate-forme multifonctionnelle pour mener plusieurs expériences, ainsi que des casques Bluetooth, plutôt que des casques filaires, et de l’équipement sonore pour assurer une meilleure communication espace-Terre. La décoration, très « rustique » de Tiangong-1 aurait été améliorée : «Nous avons essayé de faire un bon environnement à l’intérieur du module de vie et de travail dans le but de rendre la vie confortable aux astronautes », a déclaré Zhu Congpeng, concepteur en chef du laboratoire spatial Tiangong 2, dans une interview sur la chaîne CCTV. «Nous avons conçu avec soin le système d’éclairage et décorations pour qu’ils soient moins anxieux. Nous avons également installé des équipements pour rendre la vie plus commode « .
Un petit satellite nommé Banxing 2 arrimé à bord du module lors du lancement va voler près de Tiangong 2 en orbite et recueillir des images du laboratoire spatial. Il utilisera un système de propulsion à ammoniac pour les manoeuvres fines tandis qu’une caméra 25 mégapixels prendra des photos de l’amarrage de Shenzhou 11 avec le laboratoire spatial.
Un vol habité pour mi-octobre
Le dernier vol habité chinois remonte désormais à juin 2013 avec Shenzhou-10. Shenzou-11 a été annoncé pour mi-octobre 2016 par la directrice adjointe du bureau de l’ingénierie spatiale habitée, Wu Ping, à l’issue du succès du lancement du nouveau lanceur CZ-7 le 25 juin 2016.
Il devrait emporter seulement 2 taïkonautes à bord de la station chinoise. On ne connaît pas à ce jour le nom des 2 sélectionnés, mais a priori ce serait un équipage 100% masculin.
Le séjour des taïkonautes serait d’une trentaine de jours, un record pour des Chinois dans l’espace (record à ce jour de Nie Haisheng avec un peu moins de 20 jours en 2 missions).
Ils devraient réaliser un nombre record de 14 expériences, couvrant huit domaines différents dont les matériaux spatiaux et les sciences de la vie dans l’espace. Treize des expériences ont été exclusivement développées par des scientifiques chinois, et une expérience a été réalisée conjointement par des scientifiques chinois et étrangers.
Un premier cargo pour ravitailler le laboratoire Tiangong
Avec l’annonce de l’envoi d’un cargo de ravitaillement de la station Tiangong-2 pour avril 2017, la Chine annonce désormais le souhait de missions de longue durée dans l’espace.
Ce cargo nommé Tianzhou-1, dérivé des modules Tiangong aurait un module de service de petit diamètre mais un module de stockage plus volumineux. Il devrait permettre le ravitaillement en nourriture et matériel pour les taïkonautes, mais également en carburant pour le module et permettre de relever son orbite, en vue d’une exploitation plus longue que le précédent labo. La masse de fret emportée est estimée à 5,5 tonnes, équivalente à deux cargos Progress russes.
Une future station spatiale pour 2020
En 2020 environ, la construction de la première station orbitale spatiale du pays devrait être achevée, a déclaré un porte-parole au début de l’année.
La station spatiale devrait se composer de trois parties : un module de base fixé à deux laboratoires, pesant chacun environ 20 tonnes. Elle devrait comporter 2 panneaux solaires d’une envergure de 30 mètres, deux bras robotiques. Elle pourrait être habitée nominalement de 3 astronautes mais ils pourraient être jusqu’à 6 lors des rotations d’équipage.
Une sorte de « Hubble » serait posté à portée de la station pour la maintenance si besoin, en venant se docker à la station. Ce télescope spatial aurait un miroir de 2 mètres de diamètre, qui permettrait d’avoir une performance similaire au télescope Hubble mais avec un champ de vision 300 fois plus vaste.
Le lancement du module principal serait prévu pour 2018. La durée de vie de la station serait de 10 ans.
Une ouverture vers la coopération internationale ?
En Juin, Wu Ping, a révélé à la réunion annuelle du COPUOS des Nations Unies que la Chine avait convenu avec l’ONU pour s’ouvrir à la coopération internationale, en particulier avec les pays en développement.
L’article comporte du conditionnel. En effet, la Chine n’est pas le pays où la communication sur son programme spatial est la plus transparente. Mais en ce qui concerne les vols habités, la plupart des annonces se confirment par la suite. Donc la Chine va accroître sa présence dans l’exploration spatiale dans les années à venir. En complément, de nombreuses missions robotiques vers la Lune et Mars sont aussi au programme. Articles à suivre !
NB : Wu Ping n’est pas « le directeur des vols habités » mais la directrice adjointe du bureau de l’ingénierie spatiale habitée.
Le directeur du programme de vols habités est Wang Zhaoyao.
Le lancement de Shenzhou-XI (ou 11) est prévu pour le 17 octobre.
Merci pour vos corrections et précisions. J’ai corrigé pour Wu Ping.
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Lancement réussi à 16 h 04 (heure française).
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Le commandant en chef du programme de vols habités est le général Zhang Youxia.
Le concepteur en chef (chief designer) de la station Tiangong-2 est Zhu Congpeng.
Plus de 40 expériences devraient être réalisées à bord du complexe orbital qui sera formé de Tiangong-2 et Shenzhou-11. Parmi elles, une franco-chinoise (à bord de Shenzhou-11) et une « helvéto-polono-chinoise », Polar. Il y en aura 14 dans un premier temps (13 chinoises + Polar).
Ces deux expériences menées en coopération internationale préfigurent peut-être l’envoi de futurs astronautes de l’ESA vers la future station spatiale Tiangong-3 qui sera mise en orbite vers 2022… alors que l’ISS devrait être abandonnée vers 2024, ce qui laisserait alors les Chinois, les Fils du Ciel, en position dominante… à moins que d’ici là les Russes ne mettent en orbite une nouvelle station de type Mir, qui serait visitée par les vaisseaux Federetsiya (succédant aux Soyuz MS) lancés depuis le nouveau cosmodrome de Vostotchniy, comme il en est question de temps en temps.
Pour les Américains, menacés dans leur soi-disant suprématie qui n’aura duré qu’un temps, cela pourrait être enfin l’occasion de les réveiller, autrement dit de les sortir de leur léthargie amorcée dès la fin 1969 (à l’époque d’Apollo-12)… avec l’abandon de plusieurs missions Apollo et du programme AAP réduit à la portion congrue avec le Skylab… Reste à savoir qui sera leur Président – et surtout leur Congrès – en novembre 2016, 2020 ou 2024… N’est pas Kennedy qui veut.
Rappelons au passage que Thomas Pesquet (et d’autres) s’est mis au chinois. C’est un signe qui ne trompe pas. La France ne fut-elle pas le premier pays occidental à reconnaître la Chine ?
La mission Shenzhou-11 devrait durer 33 jours dont 30 à bord de Tiangong-2.
Avec un lancement toujours prévu pour le 17 octobre, cela nous fait un retour sur Terre le 19 novembre.
Or la mission Soyuz MS-03 (Novitskiy – Whitson – Pesquet) devrait débuter le 15 novembre, soit 16 jours après le retour de Soyuz MS-01 (Ivanishin – Onishi – Rubins).
Il devrait donc y avoir – si tout va bien – du 15 au 19 novembre, 8 hommes (dont une femme) ensemble dans l’espace à bord de 2 stations orbitales (ou spatiales) : 6 « astro-cosmonautes » à bord de l’ISS (Sergei Ryzhikov, Andrei Borisenko, Robert Shane Kimbrough, Oleg Novitskiy, Peggy Whitson et Thomas Pesquet) et 2 taïkonautes (ou yuangyuans), x1 et x2, à bord de Tiangong-2.
Pour être plus précis, ils seront 8 selon la police et 35 selon la CGT.
Par la suite, en 2018 en principe, la Chine lancera Tianzhou-1. Ce module fera d’abord un vol autonome avant de s’amarrer à Tiangong-2… seulement en 2020, je me demande bien pourquoi.
Il y aura alors une station spatiale chinoise constituée de Tiangong-2, Tianzhou-1 et un ou deux Shenzhou (pour des vols d’une durée nominale de 60 jours), voire un nouveau modèle de vaisseau spatial habité de type capsule conique comme au bon vieux temps du programme Apollo. Ceci en attendant la grande station que sera Tiangong-3 (prévue pour 2022, rappel).
En effet, après avoir « copié-collé » et amélioré la Gemini avec le défunt programme Shuguang, alias Projet 714, (abandonné en 1972 suite au soi-disant coup d’état manqué de Lin Biao, programme pour lequel 19 taïkonautes avaient été sélectionnés le 15 mars 1971, parmi lesquels Lu Xiangxiao, Wang Zhiyue, Dong Xiaohai et Fang Guojun…) puis le Soyuz avec le Shenzhou, alias Projet 921, les Chinois font désormais de même avec un projet de capsule habitée assez similaire à Apollo, dont un démonstrateur à l’échelle 0,6 a été testé avec succès les 25-26 juin 2016 lors du premier lancement d’une CZ-7 (ou LM-7) depuis Wenchang.
Ce « vaisseau de nouvelle génération » (revenant aux fondamentaux qui sont immuables, lois de la physique obligent) doit entrer en service dans 4 ans, c.a.d. en 2020, juste à temps pour faire le lien entre les Tiangong-2 et 3.
Rappelons aussi que les Chinois feront très certainement, à bord de Tiangong-3, des vols de longue durée, comparables à ceux menés actuellement à bord de l’ISS, soit environ 6 mois. Ils mènent d’ailleurs actuellement, mais au sol, à Shenzhen, une telle mission dénommée CELSS (Controlled Ecological Life Support System) mais on n’en sait pas grand-chose, ni le nom des participants ni même leur nombre ni quand elle a commencé.
Ne pas oublier qu’un Chinois, Wang Yue, alors âgé de 26 (puis 27) ans, a participé à l’expérience Mars-500, menée à l’IMBP de Moscou du 3 juin 2010 au 4 novembre 2011, soit 520 jours. Il était le plus jeune des 6 candidats cosmonautes (à mon avis) ayant participé à cette expérience mémorable.
En tout cas, une chose est sûre, c’est que l’Empire du Milieu s’affirme de plus en plus comme une puissance spatiale (et encore plus cybernétique, nucléaire, navale, ferroviaire, sidérurgique… et même écologique, eh oui, il serait temps !…) de tout premier plan. C’est d’ores et déjà à mon avis la superpuissance mondiale, reléguant les States au rang de brillant second, puis de futur brillant troisième, médaille de bronze, lorsqu’ils seront à leur tour dépassés par l’Inde, ce qui devrait arriver au cours de ce siècle.
Rappelons qu’il n’existe que 6 grandes puissances spatiales, à savoir (par ordre chronologique) la Russie (ex-URSS), les USA, l’Europe (à l’époque la France), le Japon, la Chine et l’Inde.
Elles lancèrent leurs premiers satellites (par leurs propres moyens) respectivement les 04/10/57 (Spoutnik-1), 31/01/58 (Explorer-1), 26/11/65 (A-1 Asterix), 11/02/70 (Osumi), 24/04/70 (China-1 Dong Fang Hong) et 10/08/79 (Rohini Technology Payload, 3e satellite indien, les deux premiers ayant été lancés par les Soviétiques par des fusées Intercosmos).
Ping : Shenzhou 11 et ses 2 taïkonautes revenus sur Terre | Rêves d'Espace