Hayabusa-2 : le planning du retour des échantillons
La mission japonaise Hayabusa-2 arrive à son apogée en ce mois de décembre : samedi 5 décembre, un peu plus de 6 ans après son décollage, la capsule contenant les échantillons de matériaux prélevés sur l’astéroïde Ryugu devrait atterrir sur Terre.
Des manoeuvres pour mettre la sonde sur la bonne route du retour
Hayabusa-2 avait quitté l’orbite de Ryugu le 13 novembre 2019.
Depuis plusieurs manoeuvres ont été nécessaires pour un vol de croisière retour vers la Terre.
La TCM-1 (Trajectory Correction Maneuver), le premier contrôle orbital de la phase finale de guidage de rentrée, a eu lieu le 22 octobre dernier. Cette manoeuvre a changé l’altitude de survol de la Terre pour le mettre à environ 310 km. Puis TCM-2, effectuée le 12 novembre, a permis de rapprocher davantage l’orbite de survol à 290 km d’altitude de la surface terrestre.
Le 26 novembre, l’une des manoeuvres les plus importantes a été effectuée afin de placer la sonde sur l’orbite de rentrée atmosphérique en direction de l’Australie, le lieu choisi pour l’atterrissage de la capsule : TCM-3
Cette manoeuvre a pu être effectuée une fois que l’équipe de la mission ait reçu la confirmation officielle du Commonwealth Return Safety Officer (CRSO) le 25 novembre de faire passer Hayabusa-2 sur la trajectoire de rentrée vers la zone militaire interdite de Woomera (WPA) en Australie.
Le 1er décembre, la manoeuvre TCM-4 a été effectuée. TCM-4 modifie cette trajectoire pour atterrir plus près et plus précisément dans la zone où l’équipe de récupération attend la capsule. Hayabusa-2 se trouvait encore à 1,74 million de kilomètres de la Terre.
Retour sur Terre le 5 décembre
La capsule de retour a une masse totale de 16,5 kg, mesure 40 cm de diamètre et 20 cm de hauteur.
La capsule de rentrée sera séparée de la sonde Hayabusa-2 entre 5h00 et 6h00 UTC (rajoutez 1h pour l’heure de Paris), estimé à ce jour à 5h30 UTC.
Immédiatement après, la manoeuvre TCM-5 sera effectuée et la sonde quittera la sphère terrestre, afin de repartir vers une autre destination, et ne pas percuter la Terre.
Après la séparation du bouclier thermique, le parachute qui permet de ralentir la capsule devrait se déployer entre 17h31 et 17h33 UTC à une altitude entre 11 et 7 km, et un signal de balise sera transmis pour faciliter les recherches au sol du lieu de l’atterrissage de la capsule.
L’atterrissage de la capsule est prévu entre 17h00 et 18h00, estimé à ce jour entre 17:h47 et 17h57 UTC.
Principes de recherche sur la zone de récupération
La capsule va atterrir sur le sol australien, dans le désert de Woomera. Il s’agit d’une zone contrôlée par le gouvernement australien.
Cette zone a déjà été utilisée lors de la rentrée de la capsule de la mission Hayabusa-1 en juin 2010.
Elle est propice à l’atterrissage de la capsule car elle se situe dans l’hémisphère sud, le point le plus proche de l’orbite terrestre de retour pour Hayabusa-2 ; c’est une zone plate, sans trop de végétation, à faible densité de population sur une distance d’environ 150 km minimum ; on peut y effectuer des restrictions d’accès et autres mesures de sécurité.
La JAXA a dépêché sur place une équipe pour récupérer la capsule et ses précieux échantillons.
La zone d’atterrissage prévue pour la capsule couvre une région de 100 kilomètres carrés. L’équipe a ainsi installé 5 antennes afin de déterminer avec plus de précision la localisation de la capsule et la récupérer au plus vite. En utilisant le principe de la triangulation, avec ces antennes au sol mais aussi un récepteur de balisé positionné sur un hélicoptère, la zone de recherche sera limitée à un dizaine de km².
Par rapport à Hayabusa-1, la JAXA a introduit des méthodes supplémentaires pour rechercher la capsule : un radar pour localiser le parachute (la capsule est trop petite pour ce système)
et un drone pour une prise d’images sur une zone pré-établie et à partir de l’analyse de ces images, pour pouvoir repérer la capsule si les méthodes précédentes n’ont pas fonctionné.
Comme pour Hayabusa-1, des observations optiques de la lumière émise lors de la rentrée seront effectuées. La direction de la lumière émise peut être mesurée à partir de plusieurs emplacements pour déterminer la trajectoire de rentrée en utilisant le principe de la triangulation. En cas de ciel nuageux, il y aura également des observations depuis un avion.
Après la découverte de la capsule
Une fois la capsule trouvée, elle ne sera pas approchée immédiatement. La pyrotechnie est utilisée pour ouvrir le parachute et séparer le bouclier thermique, donc un contrôle de sécurité est nécessaire en cas de non-allumage. Après vérification de la sécurité et confirmation de l’absence de dommage à la capsule ou de fuite de l’intérieur de la capsule et avec l’autorisation d’un agent de sécurité australien, la capsule sera transportée au camp de base par hélicoptère dans une salle blanche.
Étant donné que le conteneur d’échantillon peut contenir une petite quantité de gaz émis par les prélèvements effectués sur Ryugu, une analyse simple sera effectuée sur place avant qu’il ne soit contaminé par l’atmosphère terrestre. Si l’échantillon lui-même peut être collecté avant d’être oxydé, il sera ramené au Japon par vol charter avant les membres de l’équipe. La capsule elle-même ne sera pas ouverte en Australie.
Pour suivre le retour de la capsule :
En parallèle, une campagne d’observation de la rentrée atmosphérique de la capsule a été lancée au Japon. Si tout va bine, on pourrait avoir des images de ce retour sous la forme d’un bolide dans le ciel. La JAXA a publié un guide et une application pour iOS qui affiche la trajectoire en réalité augmentée. Si vous vous trouvez dans un endroit où vous pouvez voir la rentrée, consultez ce guide !
Depuis l’Europe, pour un suivi en français, rendez-vous sur le Twitch du CNES :
Source principale de l’article : conférence de presse 30/11/2020
Image de couverture : logo spécial retour de la capsule, crédit JAXA + illustration de la rentrée de la capsule © Akihiro Ikeshita
Pour mémoire, la base de lancement de Woomera (31° S, 136° E) fut créée en 1946 et désaffectée en 1977. Elle fut utilisée pour le programme Europa du CECLES-ELDO, précurseur de l’ESA, dans les années 1966-69 (de mai 66 à juillet 69). Ce fut un échec quasi complet. Sur les 9 tirs effectués à Woomera, il y eut 4 échecs et 5 succès pour le seul premier étage britannique Blue Streak. Un 10e et dernier lancement d’Europa fut effectué depuis Kourou en novembre 1971 ; ce fut encore un échec.
Le programme Europa fut abandonné en avril 1973 et remplacé par Ariane, ex-L3S (pour lanceur de 3e génération de substitution à Europa), programme Ariane auquel VGE (élu en 74) ne croyait pas et lui fit perdre au moins un an, cela soit dit en passant… Finalement, c’est grâce aux Américains et à leur refus de permettre à l’Europe de disposer de ses propres satellites (surtout commerciaux), que l’ESA et Ariane ont pu voir le jour. Le POTUS (président des USA) était alors Richard Nixon.