Gaia : l’astrophysique fait un bond en avant avec le second catalogue
Ce 25 avril marque la seconde édition du catalogue d’étoiles de la Voie Lactée réalisé par le satellite Gaia. Il comprend la position et la luminosité dans le ciel de près de 1,7 milliard d’étoiles, ainsi que les mesures de la parallaxe et du mouvement propre de près de 1,33 milliard d’étoiles.
Le satellite Gaia de l’Agence Spatiale Européenne a décollé en décembre 2013 et a commencé sa mission scientifique en juillet 2014. Depuis sa position équilibrée au point de Lagrange L2 à 1,5 million de kilomètres de la Terre, l’observatoire spatial réalise 3 types d’observations :
- Astrométrie, soit la mesure de la position des étoiles,
- Photométrie, la mesure d’éclat des étoiles, leur lumière (quantité, couleur…),
- Spectrométrie, la mesure de la vitesse (en km/s) des étoiles par rapport à la Terre, en éloignement ou en rapprochement.
Lire : Objectif de la mission GAIA
Une révolution pour l’astrophysique
« Les scientifiques du monde entier vont devoir revoir tous leurs manuels d’astrophysique » c’est ce qu’a déclaré ce 25 avril le président de l’Observatoire de Paris lors de la conférence de presse qui a été donnée par l’Observatoire lors de la publication de ce second catalogue de Gaia.
Hipparcos est le premier satellite d’astrométrie, lancé en août 1989 et, malgré une orbite défectueuse, il observa plus d’un million d’étoiles jusqu’en mars 1993, avec une précision inégalée à l’époque. Une première révolution. Mais Gaia va bien au-delà d’Hipparcos et réalise l’observation de plus d’un milliard d’étoiles, même si cela représente moins de 1% de la Voie Lactée.
Un premier catalogue d’étoiles est paru en septembre 2016 avec la position de près de 1,4 milliard d’étoiles.
La deuxième édition, DR2 ou Data Release 2, publiée ce 25 avril contient :
- la position sur le ciel et la luminosité de 1 692 919 135 étoiles
- des mesures de la parallaxe et du mouvement propre de 1 331 909 727 étoiles
- les couleurs de 1,38 milliard d’étoiles
- les vitesses radiales de 7 224 631 étoiles
- des informations sur 550 737 sources variables
- une estimation de la température de surface pour 161 497 595 étoiles
- une mesure de la quantité de poussière le long de la ligne de visée pour 87 733 672 étoiles,
- des mesures du rayon et de la luminosité de 76 956 778 étoiles.
La deuxième version des données de Gaia publiée le 25 avril 2018 résumée en chiffres (credits ESA, CC BY-SA 3.0 IGO)
Dans la vidéo ci-dessous, un voyage virtuel nous emmène du Soleil de notre Système Solaire jusqu’à notre galaxie, la Voie Lactée. La vue de gauche est basée sur la position 3D de 1,4 million d’étoiles pour lesquelles les parallaxes ont été estimées à l’aide de la solution astrométrique Tycho-Gaia (TGAS) dans le cadre de la première publication Gaia publiée en 2016. La vue à droite est basée sur la position 3D de près de 97 millions d’étoiles de la deuxième publication, publiée en 2018. La majorité de ces étoiles ont les mesures de parallaxe les plus précises dans l’ensemble de données, qui peuvent être utilisées pour estimer directement les distances individuelles.
Cette cartographie est réalisée avec une précision jamais égalée de la Voie Lactée, environ 400 fois plus que les précédents catalogues comme Hipparcos. Et cette deuxième publication de Gaia « ne couvre que » les 22 premiers mois d’observation (pour DR1, c’était les 14 premiers mois).
14 000 objets du Système Solaire
Le nouveau catalogue de données contient également la position de 14 099 objets du système solaire, principalement des astéroïdes, basée sur plus de 1,9 million d’observations, avec une précision 1000 fois plus grande que les mesures des astéroïdes depuis le sol.
Dans les prochaines versions du catalogue, Gaia devrait fournir également des spectres des astéroïdes et permettra une caractérisation complète de la Ceinture d’astéroïdes. Ces informations dynamiques et physiques devraient permettre d’améliorer la compréhension de l’origine et de l’évolution du Système Solaire.
Le challenge du traitement des données
Gaia exécute 500 millions de mesures par jour. 50 Giga-octets de données par jour (soit environ 10 DVD) sont ensuite transmises via les 3 stations sol de l’ESA au centre de mission de l’ESAC près de Madrid. Mais les mesures brutes du satellite qui arrivent au sol après un premier traitement à bord ne sont pas exploitables par les astrophysiciens telles quelles.
Un consortium d’analyse des données de Gaia, le DPAC (Data Processing and Analysis Consortium) constitué de plus de 20 pays européen, a préparé et conçu le traitement de ces données.
Les différents centres de traitement, les DPC (Data Processing Center), copient les données, les traitent et les multiplient (par 5 en moyenne) et calculent pour chaque étoile un ou plusieurs paramètres astrophysiques (quelques kilo-octets par étoile).
Gaia : une participation française importante
Au-delà de l’intégration, l’assemblage et les tests du satellite chez Airbus Defence and Space à Toulouse, la participation d’équipes scientifiques françaises à la mission Gaia représente plus de 20% de ce programme européen. L’observatoire de Paris, l’Institut d’Astrophysique de Paris, des laboratoires à Nice, Besançon, Bordeaux, Grenoble, Strasbourg et Montpellier contribuent au programme à travers la conception des instruments optiques, le traitement de données, le suivi au sol, etc…
A Toulouse, le CNES est l’un des centres de traitement des données du satellite Gaia, le DPCC. 40% des traitements des données de Gaia sont réalisés au CNES avec une capacité de calcul sans précédent au niveau spatial. En effet, sans ces moyens pour traiter un milliard d’étoiles pendant ne serait-ce qu’1 seconde par étoile, il aurait fallu environ 30 ans de traitement en continu.
J’ai eu l’occasion de rencontrer une partie de l’équipe en charge de ce Data Center très « spatial ». Vous pourrez retrouver toutes les informations à ce sujet dans mon article du magazine Espace&Exploration n°45 disponible sur commande en ligne.
Des données jusqu’en 2020 ou plus ?
La Gaia DR3 (3e parution), prévue en 2020, devrait couvrir 34 mois de données, déjà recueillies et en cours de traitement. Gaia DR4, prévue en 2022, devrait prendre en compte l’intégralité des cinq années de données brutes de la mission primaire.
En effet, la mission Gaia est prévue initialement jusqu’en juin 2019 mais les réserves en gaz froids propulseurs qui permettent la rotation du satellite et le scan du ciel par les 2 télescopes devraient être suffisantes pour avoir une mission étendue jusqu’en 2022 voire 2023.
A moins qu’une défaillance d’un équipement électronique ne vienne perturber la mission. Malheureusement, depuis février 2018, l’un des 2 transpondeurs du satellite est en panne et les données transitent donc vers la Terre grâce au transpondeur redondant. Des investigations sont en cours pour connaître l’origine de cette défaillance. Une panne sur le transpondeur redondant serait fatale pour la mission. A suivre.
A lire aussi :
- communiqué de presse de l’Observatoire de Paris Gaia ouvre l’accès à la Voie lactée en 3D et en couleur
- Gaia livre le deuxième tome de l’encyclopédie de la Voie lactée par le CNRS avec une très bonne vidéo
Toutes les vidéos sur Gaia sont à retrouver sur cette playlist dont les dernières publiées par l’ESA ou le CNES :
Félicitations !…
suite
« L’essentiel de la seconde publication du catalogue de GAIA (DR2) en infographie (Crédit : CNES) »
NB : en bon français, il aurait fallu écrire 1,5 million et 1,7 milliard.
Comme quoi, tout le monde peut se tromper, même les éléphants !…