L’équipage de Shenzhou-20 rentre sur Terre à bord d’un autre vaisseau : une première pour la Chine
Article mis à jour le 3/12/2025
Ce vendredi 14 novembre, trois astronautes chinois sont revenus sur Terre après 204 jours dans l’espace, mais avec un autre vaisseau que celui avec lequel ils étaient partis, une première pour la Chine.
Chen Dong, Chen Zhongrui et Wang Jie ont décollé le 24 avril dernier à bord du vaisseau Shenzhou-20.
Après un peu plus de 6 mois à bord de la station spatiale chinoise CSS, il était prévu qu’ils rentrent sur Terre le 5 novembre dernier. Mais le 5 novembre au matin l’agence spatiale chinoise des vols habités, la CMSA annonce que :
» Le vaisseau Shenzhou-20 pourrait avoir été heurté par un petit débris. Une analyse d’impact et une évaluation des risques sont en cours, ce qui retarde le retour sur Terre de l’équipage, initialement prévu le 5 novembre. «
Après plusieurs jours sans informations, la CMSA informe finalement que l’équipage rentrera à bord du vaisseau Shenzhou-21, arrivé le 31 octobre à la CSS avec l’équipage de relève, Zhang Hongzhang, Zhang Lu et Wu Fei.
Le vaisseau Shenzhou-21 s’est désamarré à 3h14 UTC le 14 novembre.
Selon un communiqué officiel, l’analyse des photos, la relecture des conceptions, les simulations et les essais en soufflerie ont permis d’identifier l’apparition de microfissures sur le hublot du module de retour du vaisseau Shenzhou-20 Ces fissures sont très probablement dues à l’impact de débris spatiaux. Le vaisseau restera en orbite afin de poursuivre les expériences nécessaires.
Le hublot des vaisseaux Shenzhou est constitué d’un panneau extérieur résistant à la chaleur et de deux panneaux intérieurs supportant la pression. Les fissures observées sur SZ-20 présentent un risque de rupture du panneau extérieur lors de la rentrée atmosphérique, exposant ainsi les panneaux intérieurs qui ne sont pas conçus pour résister directement à la chaleur du plasma.
Mise à jour 03/12/2025
Un article de CCTV révèle que le 5 novembre, durant une vérification de routine, l’équipage de Shenzhou-20 repère une marque anormale sur le hublot de la capsule de retour. Des images prises à l’intérieur et par le bras robotique de la station spatiale sont envoyées sur Terre pour analyse.
Les experts concluent : C’est une fissure et elle pénètre le verre à trois couches de la couche intérieure à la couche extérieure. Au bout de 12 heures, le centre de contrôle de mission reporte le retour de l’équipage sur Terre. Lors de la rentrée atmosphérique, où la température dépasse les 1 000 °C, même les plus petites fissures ne sont pas anodines.
Les simulations et les essais en soufflerie suggèrent le pire scénario : la fissure se propage, le hublot cède, la capsule se dépressurise lors de la rentrée atmosphérique et un flux d’air hypersonique inonde la cabine. La probabilité est considérée comme très faible, mais inacceptable. Le retour de l’équipage à bord du vaisseau Shenzhou-20 est jugé dangereux.
La stratégie de sauvegarde de la Chine entre en jeu : « 打一备一，滚动备份 » : lancer un vaisseau spatial et en préparer un autre. Les choix : 1) Lancer d’abord Shenzhou-22, puis retour. 2) Ramener d’abord les astronautes à bord de Shenzhou-21. Ils privilégient la sécurité : le retour en premier.
Il y a désormais six astronautes à bord de la CSS, alors que le vaisseau ne dispose que de trois places. Les équipes au sol vérifient que les réserves de nourriture, d’eau et d’oxygène sont largement suffisantes grâce aux systèmes de régénération. L’équipage reste calme, poursuit son entraînement et fait confiance aux ingénieurs. Les 4 souris de laboratoire envoyées dans l’espace pour une expérience de 5 à 7 jours, finissent par effectuer deux semaines supplémentaires en orbite. Leur nourriture s’épuise. Les astronautes commencent alors à les nourrir avec des provisions qui leur aient destiné, notamment du lait de soja. Toutes les quatre reviennent en parfaite santé.
14 novembre : Les astronautes de Shenzhou-20 embarquent à bord de Shenzhou-21. Un nouveau mode de retour rapide autonome en trois orbites est utilisé pour la première fois, réduisant le temps de retour de plus de trois heures.
Dans les semaines à venir, le vaisseau Shenzhou-20 effectuera un retour sans équipage afin de recueillir des données réelles sur le comportement des structures fissurées lors de la rentrée atmosphérique.
Selon les investigations, la fissure aurait été causée par un débris spatial plus petit qu’un grain de sable, ce qui témoigne des dangers considérables qui pèsent sur l’orbite terrestre basse. Les concepteurs sont désormais confrontés à un dilemme : les astronautes ont besoin de hublots pour des raisons psychologiques, mais l’environnement extérieur devient chaque année plus hostile.
Le retour du vaisseau Shenzhou-21 s’est déroulé nominalement avec un atterrissage à 8h40 UTC.
La capsule Shenzhou-21 a ramené des échantillons de 26 expériences scientifiques menées à bord de la station spatiale chinoise, pour une masse totale d’environ 46,67 kg.
Les quatre souris qui avaient été lancées à bord de Shenzhou-21 sont également revenues sur Terre ce 14 novembre.
Records et première pour l’équipage Shenzhou-20
Avec 204 jours de mission, dont 9 jours de plus que prévu, la mission Shenzhou-20 est la plus longue jamais menée par la Chine.
C’était le 3e vol pour Chen Dong après Shenzhou 11 et 14. Il est devenu le taïkonaute le plus expérimenté avec 418 jours cumulés dans l’espace et 6 sorties spatiales à son actif dont 3 lors de cette dernière mission.
L’équipage a réalisé 4 sorties spatiales et de nombreuses expériences scientifiques comme la culture de cristaux de protéines de haute qualité en microgravité, le chauffage d’un alliage de tungstène à 3 100 °C.
Avec l’arrivée de Shenzhou-21, ils ont pu tester le premier four à air chaud pulsé de l’espace en faisant griller du poulet !
Premier gros souci chinois mais pas une première dans l’histoire spatiale
Il s’agit de la première fois dans l’histoire du programme spatial habité chinois qu’un équipage ne revienne pas sur Terre avec le vaisseau de sa propre mission, mais ce n’est pas la première fois dans l’histoire spatiale.
En 1979, le vaisseau Soyouz-32 a été lancé vers la station spatiale Saliout-6 pour amener deux cosmonautes, Vladimir Liakhov et Valeri Rioumine. Le Soyouz-32 n’a pas été utilisé pour le retour à la Terre, car il a été jugé non fiable pour le retour de l’équipage à cause d’un problème rencontré après son amarrage à Saliout-6. Un nouveau vaisseau Soyouz-34, lancé inhabité, a été envoyé pour remplacer le Soyouz-32. Le Soyouz-34 est venu servir de véhicule de retour sécurisé pour les cosmonautes présents à bord de la station, permettant un retour en toute sécurité sur Terre [détails à lire sur Kosmonavtika].
En 2022, il y a eu le remplacement du Soyouz MS-22 sur l’ISS par le Soyouz MS-23. Sergey Prokopyev, Dmitri Petelin et Frank Rubio sont rentrés sur Terre en septembre 2023 après une prolongation de leur vol suite à la fuite sur leur vaisseau d’origine.
Début 2025, c’était le retour de l’équipage du premier vol habité du Starliner sur un Crew Dragon suite aux soucis du vaisseau de Boeing en vol.
À ce jour, la CMSA n’a pas communiqué sur l’envoi d’un vaisseau de remplacement pour l’équipage resté à bord de la CSS. En cas d’évacuation d’urgence de la station chinoise, Zhang Hongzhang, Zhang Lu et Wu Fei devront-ils tenter leur chance avec le vaisseau Shenzhou-20 ? Beaucoup d’experts pensent que le lancement à vide du vaisseau Shenzhou-22 devrait se faire dans les semaines à venir, le vaisseau étant très certainement dans un état avancé de fabrication pour la prochaine relève d’astronautes initialement prévue d’ici avril/mai 2026.
Les vidéos du retour sur Terre :
À propos de Soyouz 34, ce vaisseau spatial devait servir à l’origine à la mission sovieto-hongroise du programme Interkosmos mais, suite à l’échec partiel de Soyouz 33, celle-ci fut reportée sur Soyouz 36.
Je suppose que nos amis chinois (enfin, ce sont ceux de Jean-Pierre Raffarin) vont devoir lancer au plus vite, mais à vide, Shenzhou-22, ce qui modifiera forcément le programme d’occupation de la CSS Tiangong tel qu’il était prévu jusqu’à présent.
À noter que, le 14 novembre, avec un total d’environ 418 jours 15 heures 17 minutes, à l’issue de son 3e vol spatial, Chen Dong occupait la 40e place (sur 640) dans le classement des « hommes de l’espace » établi selon la durée de vol spatial. Il était précédé de 29 « Russes ou autres ex-soviétiques », de 9 Américains (dont 2 femmes) et d’un Japonais (Koichi Wakata).