Le réveil de Philae : détails et impact pour Rosetta
Le réveil de Rosetta en détails :
Le 15 juin, soit 2 jours après le réveil de l’atterrisseur de Rosetta, l’Agence Spatiale Européenne a publié sur son blog un article détaillant le réveil de Philae. En voici un résumé en français (les heures sont en heure française ou CEST).
22h28 à bord de Rosetta : l’orbiteur, ou plus exactement l’ESS (Electrical Support System Processor Unit), commence à recevoir des signaux radio de Philae, environ 200 km sous lui sur la surface de la comète 67P / Churyumov-Gerasimenko. [NDLR : l’ESS est un équipement en charge de coder et de stocker les télécommandes qui sont envoyées vers le lander et de gérer les flux de données en provenance de celui-ci, notamment des instruments]
22h28 à bord de Rosetta : la sonde commence immédiatement à relayer des données de Philae à la Terre via l’antenne de communication dans l’espace lointain de 70m de diamètre de la NASA à Goldstone en Californie. La vitesse de la lumière prend 16,8 minutes, donc les signaux ont commencé à arriver à environ 22h45 sur Terre et ont été immédiatement transmis à l’ESOC à Darmstadt en Allemagne.
Juste après 22h45 dans la salle de contrôle dédiée aux missions planétaires de l’ESOC : Le contrôleur en service regardant les télémétries se téléchargeant de Rosetta remarque certaines alarmes qui ont été spécialement créés sur certains paramètres de l’ESS correspondant à Philae. Ceux-ci avaient été mis en place peu après la séparation (en Novembre 2014) pour assurer de ne manquer aucun contact avec le lander. Après avoir confirmé que c’était correct, et que des télémétries étaient en train d’être reçues, il consulte une « Fiche d’action » gardée à portée de main depuis le 15 Novembre 2014 (lorsque Philae est entré hibernation sur la comète) pour décider ce qu’il faut faire.
23h00 ESOC : Comme défini dans la « Fiche d’action », le contrôleur téléphone à l’ingénieur d’opérations Rosetta de garde, Jake Urbanek, à son domicile près de Darmstadt. Il lui donne les nouvelles.
23h30 à la maison de Jake Urbanek : Jake appelle l’ingénieure d’opérations de Rosetta, Armelle Hubault, à son domicile pour confirmer que l’atterrisseur s’est réveillé et qu’il a transmis de la télémétrie.
23h45 à la maison d’Armelle Hubault : Armelle confirme la nouvelle en appelant l’équipe du lander qui confirme que Philae est de retour ! Armelle téléphone également à Sylvain Lodiot, le responsable des opérations de Rosetta, qui appelle alors Paolo Ferri, le chef des opérations des missions de l’ESA. Paolo relaie ensuite l’information au reste des responsables de la science et des opérations de Rosetta.
Armelle raconte : « Je venais de me brosser les dents et j’allais au lit quand le téléphone sonna. Voyant que c’était Jake qui appelait, j’ai décroché et j’ai dit:« Ce doit être une mauvaise nouvelle. Nous sommes en ‘safe mode’, n’est-ce pas ? »
« Il a répondu: ‘ Eh bien, peut-être pas. Peut-être que ce sont de bonnes nouvelles ! ‘ Et, oui, ça en était. »
[safe mode = mode de mise en sécurité de la sonde en cas d’anomalie importante, ce qui nécessite des investigations, et ce nesont généralement pas de bonnes nouvelles pour les opérateurs de satellites]
Nouvelle planification d’orbite pour Rosetta
Alors que 663 kbits de télémesures ont été reçues du lander le premier soir, il est désormais clair pour l’ESA que ces informations ont été stockées à bord de Philae à un moment pour l’instant encore indéterminé, et qui ne donnent pas assez d’informations complètes sur l’état actuel de l’atterrisseur.
Le dimanche 14 Juin, à environ 23h26, quelques données ont été de nouveau reçues d’une durée de quelques secondes. Ces données ont permis de savoir que la température interne de l’atterrisseur avait déjà augmenté à -5°C (le 13 juin, la température était de +35°C).
Il semble que les panneaux solaires de Philae reçoivent de l’éclairement du soleil pendant 135 minutes pendant chaque période d’illumination, les « jours » de la comète, sachant qu’elle tourne sur elle-même en 12 heures terrestres. La charge de la batterie de Philae est désormais suffisante pour effectuer des expériences scientifiques.
Désormais les différents intervenants de la mission, l’ESA pour les opérations (dont la navigation) de Rosetta, le DLR (l’agence spatiale allemande chargée des opérations du lander) et le CNES (en charge des opérations scientifiques de l’atterrisseur), doivent déterminer comment optimiser l’orbite de Rosetta de manière à faciliter les contacts avec Philae et permettre de nouvelles investigations scientifiques.
Actuellement, les communications entre la Terre et Rosetta ne peuvent être réalisées que 2 fois par jour, et donc de nouvelles télécommandes ne peuvent être chargées à bord de l’orbiteur immédiatement. La nouvelle orbite de Rosetta devrait avoir commencé le 16 Juin au soir, et devrait durer jusqu’au 19 Juin, pour permettre des contacts de plus en plus longs avec Philae, surtout vers la fin de cette période. L’altitude de Rosetta devrait être abaissée d’une quarantaine de kilomètres tout en essayant de préserver la mission principale, Rosetta, sachant que la comète connait une activité croissante qui pourrait endommager la sonde à cause des gaz et des poussières évacuées.
(source ESA : Philae wake-up triggers intense planning)
Une belle aventure qui se poursuit. A suivre !
A lire : « J’AI EU LA CHANCE DE VOIR LE RÉVEIL DE PHILAE ! » par Philippe Gaudon, chef de projet CNES de la mission Rosetta. Et Philippe Gaudon à écouter sur France Inter.