Anniversaire : 18 mars 1965, première sortie spatiale par Alexei Leonov
Il y a 50 ans, le 18 mars 1965, Alexei Leonov, cosmonaute russe, devient le premier piéton de l’espace.
Après le Spoutnik, le premier chien dans l’espace (Laika), le premier homme dans l’espace (Youri Gagarine), la première femme (Valentina Terechkova), les soviétiques font encore une première, devançant les Américains dans un contexte de course à l’espace disputée.
Alexei Arkhipovich Leonov a alors 30 ans, est pilote de chasse et fait partie des 20 premiers sélectionnés pour devenir cosmonaute en 1960, comme Youri Gagarine.
Alexei Leonov a dit lors d’interviews [traduction de l’anglais] :
« Je me souviens du son, de ce silence remarquable »
« Vous pouvez entendre les battements de votre cœur et vous pouvez vous entendre respirer. Rien d’autre ne peut représenter précisément ce que cela ressemble quand un être humain est au centre de cet abîme « .
« Vous ne pouvez pas comprendre. C’est seulement là-bas que vous pouvez sentir la grandeur – la taille énorme de tout ce qui nous entoure «
« Je ferme les yeux et je vois toute la mer Noire, la péninsule de Crimée. Ce n’est pas une carte, c’est ce que j’ai vu. Je peux prendre un crayon et dessiner maintenant, parce que je m’en suis souvenu pour le reste de ma vie. Je levai les yeux et il y avait la mer Baltique, le golfe de Kaliningrad. J’ai passé mon adolescence dans le golfe de Kaliningrad. C’était tellement inhabituel. «
Leonov aurait très certainement été l’un des premiers cosmonautes a alunir si les soviétiques avaient gagné la course à la Lune. En 1971, il aurait du voler sur SALIOUT 1 mais lui et son équipage ont été remplacé lorsque le copilote Valery Kubasov est tombé malade (A noter que l’équipage de Saliout 1 est mort le 30 Juin 1971 lors de la rentrée quand une vanne d’air a failli, l’équipage ne portant pas de scaphandre, il ne survécu pas à la dépressurisation brutale).
Finalement, c’est en 1975, qu’il réalise son second vol en tant que commandant du Soyouz 19, lors de la mission conjointe Apollo-Soyouz (ASTP), un vol qui a marqué la fin officielle de la course à l’espace.
A la mort de Youri Gagarine, dans un vol d’entraînement de routine d’un jet MiG-15 en 1968, c’est Leonov qui a identifié les restes de son ami par une tache de naissance sur son cou .
Leonov aura passé 7,02 jour dans l’espace avec ses 2 vols. Il a reçu les récompenses d’Héros de l’Union Soviétique pour ses 2 vols, l’Ordre de Lénine et l’Ordre de l’Etoile Rouge (Krasnaya Zvezda). De 1976 à 1982, Leonov a été responsable des équipages des cosmonautes, et le directeur adjoint du Centre de formation des cosmonautes Youri Gagarine. Il a pris sa retraite du service du gouvernement en 1991 avec le grade de major général dans l’armée de l’air soviétique.
La mission :
Voskhod 2 (lever de soleil en russe), est un vaisseau avec un équipage de 2 personnes, un commandant et pilote, Pavel Belyayev et un navigateur, Alexei Leonov.
La mission a été rapidement mise sur place, moins de 2 ans, afin de devancer les américains. L’équipage a subi un entrainement intensif et difficile, en centrifugeuse, enfermé dans une chambre de privation sensorielle, des vols 0g pour simuler le vol et la sortie spatiale,… « Il fallait être en bonne forme physique. Chaque jour, je courrais un minimum de 5 km et 700 m de natation » raconte Alexei Leonov.
Le vaisseau Voskhod 2 a été lancé à 07h00 UTC de Baïkonour et mis sur une orbite de 169 à 473 km à 64,8 inclinaison de degré et une période de 90,9 minutes. Les agences de presse ont câblé la nouvelle du lancement à 07h54 UTC. A ce moment là, Alexei Leonov avait déjà fait sa sortie dans l’espace et était de retour à l’intérieur du vaisseau spatial.
Pas si loin d’une catastrophe
La sortie dans l’espace était prévue pour durer une dizaine de minutes au maximum. Leonov n’était relié au vaisseau qu’avec un mince cordon ombilical de 5m de long. Au moment de rentrer dans le vaisseau, Leonov a réalisé que son scaphandre costume avait gonflé, l’empêchant de revenir à l’intérieur, car il était devenu trop large pour le sas. Il a mis plus d’une dizaine de minutes pour rentrer sain et sauf dans le vaisseau, en dégonflant en partie son scaphandre.
Sur le chemin du retour, le niveau d’oxygène est devenu très élevé dans le vaisseau, la cabine devenant dangereusement inflammable [cf accident Apollo 1]. Leonov a dit : « Heureusement, les moteurs n’ont pas produit d’étincelles.Une étincelle aurait provoqué une explosion et nous aurions été vaporisés « .
Puis, suite à une défaillance de l’ordinateur de bord du vaisseau, l’atterrissage a eu lieu à des centaines de kilomètres au large de la cible dans un coin reculé de la Sibérie peuplé par des loups et des ours. Les 2 cosmonautes ont dû passer la nuit dans la forêt. Ils ne sont rentrés à Baïkonour que 48 heures après leur atterrissage. C’est de cet incident que subsistent les stages de survie en forêt russe pour tous les astro/cosmonautes à ce jour…
Mais à l’époque et pendant de nombreuses années, les Soviétiques ont caché ces incidents. La course à l’espace du côté soviétique se faisait dans le secret et la censure, surtout lors des échecs.
Il faudra attendre juin 1965 pour que les Etats Unis réussissent à faire de même avec Ed White.
A lire, un excellent article de la BBC (en anglais), avec des vidéos, l’une des sources de cet article « The First Spacewalk«
1) Laïka ne fut pas le premier chien à aller dans l’espace mais la première chienne à effectuer un vol orbital, ce qui est différent mais on sait très bien qu’une erreur cent fois répétée devient une vérité (comme le disait, entre autres, Josef Göbbels).
Bien d’autres chiennes (du côté soviétique) ainsi que des singes (du côté américain) sont « allés dans l’espace » bien avant Laïka, mais n’avaient jusqu’alors effectué que des vols suborbitaux dits « sauts de puce » (le comble pour des chiennes !…). On peut citer notamment Albina et Tsyganka, Dezik et Tsygan, etc. et, s’agissant des singes, la série des Albert…
2) A noter que le golfe de Kaliningrad, c’est celui de l’ancienne Königsberg qui était la capitale de la Prusse orientale… C’est désormais la capitale de l’enclave de Kaliningrad…
Une autre ville, chère aux cosmonautes, s’était appelée Kaliningrad. Sise dans la banlieue NE de Moscou, elle a été rebaptisée Korolev. Elle est proche de la « Cité des Etoiles » (Zvedniy Gorodok).
Quant à l’ancienne Kalinine (de 1933 à 1990), elle a retrouvé son nom historique de Tver.
3) Alexey A. Leonov fut successivement :
– 2e doublure (triplure) de Valeriy F. Bykovskiy pour Vostok-5 (1ère doublure : Boris V. Volynov) ;
– doublure de Pavel Bel’yayev pour Vostok-9, mission annulée (prévue pour août 64) ;
– titulaire pour Vostok-10 (doublure : Komarov), mission annulée (prévue pour avril 65) ;
– titulaire, bien évidemment, pour Voskhod-2 (avec Bel’yayev ; doublures : Zaykin – Khrunov) ;
(à noter que Dmitriy Zaykin fut pendant longtemps camouflé sous le nom de Dmitriy Ivanov… et il y eut bien d’autres cas similaires… Exemples : Anatoliy Kartashov alias Maslennikov, Tat’yana Morozitcheva alias Torchillova… )
– titulaire pour L1-1, vol circumlunaire prévu pour début décembre 68, avec Oleg Makarov (doublures : Kuklin – x) ;
– titulaire pour L3-1, qui devait être le vol du premier alunissage soviétique, prévu pour 1969 ou 70, toujours avec Makarov (doublures : x – x) ;
(NB : après l’échec du programme lunaire soviétique, la trentaine de cosmonautes qui y étaient impliqués furent reversés dans les programmes de stations orbitales Salyut-Soyuz (station civile, alias DOS) et Almaz-TKS (militaire) ; Leonov en fit bien évidemment partie… Il fut donc : …)
– doublure de Shatalov pour Soyuz-10 (avec Kubasov et Kolodin) ; cette mission (Shatalov – Yeliseyev – Rukavishnikov) fut un échec du RV avec Salyut-1, l’équipage ne parvenant pas à pénétrer à l’intérieur de la première station orbitale soviétique ; le 2e équipage de réserve était constitué de Dobrovol’skiy, V. Volkov et Pat’sayev… ;
– doublure de Dobrovol’skiy pour la malheureuse mission Soyuz-11 (toujours avec Kubasov et Kolodin) ; le 2e équipage de réserve était constitué de Gubarev, Sevast’yanov et Voronov et le 3e de Filip’chenko, Kuklin et Grechko ;
– titulaire pour Salyut-1 Expédition 2, autrement dit ce qui aurait dû être Soyuz-12, alors prévue pour le 20 juillet 71 (a year after…), si bien sûr Soyuz-11 ne s’était pas terminée tragiquement ; équipage : Leonov – Rukavishnikov – Kolodin, « Ruka » remplaçant Kubasov tombé malade ; doublures : Gubarev – Sevast’yanov – Voronov) ;
– titulaire pour DOS-2 Expédition 1 avec Kubasov (remis de sa maladie) ; équipage passant de 3 à 2 cosmonautes avec scaphandre suite à l’accident de Soyuz-11 ; mission prévue pour août 72 ; doublures : Lazarev – Makarov ;
– titulaire pour DOS-3 Expédition 1, toujours avec Kubasov ; mission prévue pour le 14 mai 73 ; doublures : également Lazarev – Makarov ;
– titulaire, bien évidemment, pour la mission Soyuz-19, alias Apollo-Soyuz (ASTP : Apollo Soyuz Test Project / EPAS en russe), toujours avec le regretté Kubasov… ; doublures : Filip’chenko – Rukavishnikov (qui firent la mission préparatoire Soyuz-16) ; équipages de soutien : Dzhanibekov – Andreyev et Romanenko – Ivanchenkov ; autres cosmonautes impliqués dans ce programme : Shatalov, Yeliseyev, Illarionov et bien d’autres.
NB : à noter que Zaykin, Kuklin, Kolodin, Voronov, Andreyev et Illarionov ne sont jamais allés dans l’espace… mais ils ne sont pas les seuls ! J’en connais des milliers.
4) Youri Gagarine (Yuriy A. Gagarin) s’est tué le 27 mars 68 avec son instructeur Vladimir S. Serieguine (Seregin ou Seryogin). Ce dernier fut notamment le pilote-instructeur des « cosmonettes » du premier groupe féminin, celui de 1962. Parmi les autres pilotes-instructeurs des cosmonautes, il y avait notamment Mark L. Gallay et Ivan M. Dzyuba.
5) Je suppose que les deux autres cosmonautes que l’on voit (en uniforme) sur cette photo sont leurs « doublures », Khrunov et Zaykin (ce dernier derrière Leonov) mais c’est à vérifier car je ne reconnais pas Khrunov.
6) A noter qu’une mésaventure similaire faillit arriver à Yuriy Romanenko lors de la mission Soyuz-26 / Salyut-6 / Soyuz-27. Lors d’une EVA, il s’était trop éloigné de la station orbitale et fut rattrapé in extremis par Georgiy Grechko.
Amitiés,
Michel
Suite…
A la fin mars 65, j’avais alors 16 ans et demi, j’avais fait un exposé au lycée sur la Conquête spatiale, ceci suite aux deux missions quasi simultanées que furent Voskhod-2 (Bel’yayev – Leonov) et Gemini-3 (Grissom – Young), cette mission Gemini-3 étant en fait la première pilotée du programme Gemini.
J’avais fait cet exposé aidé d’un copain qui apprenait le russe et possédait alors pas mal de documents en la matière dans la langue de Pouchkine… en cyrillique bien évidemment !
A cette époque, nous étions pratiquement tous persuadés que les Russes (Soviétiques) seraient les premiers sur la Lune… comme quoi tout le monde peut se tromper !…
En réalité, ce sont les Américains qui étaient en avance (avec l’aide des Allemands…), notamment pour ce qui concerne l’informatique, la miniaturisation, les « nouveaux matériaux »… mais nous ne nous en rendions pas compte.
La Conquête spatiale était alors vécue comme un avatar de la guerre froide (pas si froide pour tout le monde…) qui faisait rage à l’époque. Nous étions nous-mêmes bien divisés, comme toute la société, entre pro-russes et pro-américains… et rien n’a changé !
Je me demande parfois s’il y a beaucoup d’ex-Allemands de l’Ouest qui sont partis (volontairement) à l’Est, s’il y a beaucoup de Sud-Coréens qui sont partis au Nord, s’il y a beaucoup d’Américains qui sont partis à Cuba, etc. … Franchement, je n’en connais pas beaucoup, étonnant, non ?
J’ai même connu un militant du NPA et du FdG qui ne passait pas ses vacances en Corée du Nord mais en Europe du Nord (Danemark, Norvège, Islande…). Du grand n’importe quoi !…
Amitiés,
Michel