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Lancements

Starship : Le premier vol d’essai expliqué par Musk et les inquiétudes environnementales

Le premier vol d’essai du Starship a été un semi-échec. Il a réussi à décoller mais a échoué à atteindre l’espace et a du être détruit en vol. Le pas de tir a également subi des dommages.

Le 30 avril, Elon Musk est revenu sur ce premier test. Je reviens à mon tour sur ce vol et sur ses conséquences parfois éludées par le patron de SpaceX.


Lors d’une conférence sur Twitter tenue le 30 avril, Elon Musk a déclaré que les résultats de ce premier vol étaient “à peu près ce à quoi je m’attendais, et peut-être un peu plus que mes attentes, c’est-à-dire décoller“.

Musk a confirmé que 3 moteurs n’étaient pas allumés au décollage, sur décision de l’équipe de lancement car ils n’étaient pas assez “sains” pour donner leur maximum de poussée. Le booster SuperHeavy a bien décollé avec seulement 30 moteurs, “ce qui est le nombre minimum de moteurs”.

À T + 27 secondes, SpaceX a perdu les communications avec le lanceur en raison “d’une sorte d’événement énergétique”, et “une sorte d’explosion s’est produite qui a détruit les boucliers thermiques des moteurs 17, 18, 19 ou 20”. Le lanceur a continué mais la commande du vecteur de poussée a été perdue à T + 85 secondes. Cette perte n’a pas permis d’accélérer et de passer à l’étape de la séparation entre le premier et le second étage, le Starship.

Pour Elon, “les marges structurelles du lanceur semblent être meilleures que prévu, comme nous pouvons le voir sur la fusée qui fait des sauts périlleux vers la fin et reste intacte.” A ce stade, il a déclaré qu’il n’y avait pas de preuves que le déluge de flammes et de débris sous le lanceur ait pu endommager les moteurs et leurs boucliers thermiques.

Le Starship de SpaceX et la Super Heavy se retournent et explosent lors du lancement depuis Starbase le 20 avril 2023, au-dessus du Texas (crédit Jonathan Newton / The Washington Post)

Musk a noté que le système de terminaison en vol automatisé, l’AFTS (Autonomous Flight Termination System), qui est conçu pour détruire la fusée en cas d’anomalie majeure, a mis près de 40 secondes à se déclencher. Cette durée trop longue sera probablement l’un des points de vigilance de la Federal Aviation Administration (FAA) en charge d’autoriser les lancements.

Elon Musk a minimisé les dégâts sur le pas de tir : “les dégâts du pas de tir sont en fait assez faibles et devraient être réparés rapidement”. “D’un point de vue du pas de tir, nous serons probablement prêts à lancer en 6 à 8 semaines”. Pour lui, les débris sont du sable et de la roche, donc non toxiques, comme “une tempête de sable”. Il a tout de même concédé que les équipes de SpaceX ne s’attendaient pas à détruire le béton sous la rampe de lancement.

Photo du pas de tir 2 jours après le décollage du premier Starship (crédit AFP/Patrick T. Fallon)

Pourtant, on avait vu à plusieurs reprises des dommages importants sur la plateforme bétonnée soutenant la table de lancement lors des essais statiques et il y avait eu des renforts.

Musk a précisé que des plaques d’acier refroidies par eau vont être placées sous le pas de tir. Pour lui, pas besoin de tranchées ou carnaux comme on peut voir sur d’autres rampes de lancement (comme sur Soyouz ou Ariane 5 par exemple) pour l’évacuation des gaz car les charges utiles dans le Starship n’auront pas à subir un sévère environnement acoustique car elles seront situées à plus de 120 mètres de haut. Les équipes de SpaceX vont remplacer des réservoirs endommagés, mais “ce sont des réservoirs que nous voulions de toute façon remplacer”. Pour lui, la tour de lancement est en bon état, sans dommages significatifs même s’il a reconnu qu’elle a été frappée avec de très gros morceaux de béton.

La zone de lancement du Starship peu de temps avant le lancement par le satellite PléiadesNeo en orbite basse (crédit Airbus DS)

Pour le prochain vol, Elon Musk espère au minimum une séparation entre le premier étage et le second, le Starship, et si possible d’atteindre l’orbite. ” Le but de ces vols est de récolter des informations. Comme, nous n’avons aucune charge utile ou quoi que ce soit, c’est juste pour apprendre le plus possible “.”Il y a une probabilité de 80% d’atteindre l’orbite avec Starship cette année, et je pense que près de 100% d’accès à l’orbite dans les 12 mois.”

“Pour le prochain vol, nous allons démarrer les moteurs plus rapidement. Du démarrage du moteur au déplacement de Starship, cela a pris environ 5 secondes, ce qui est très long pour faire décoller du pad. Je vais essayer de réduire ce temps de moitié”.

Elon Musk reste confiant pour livrer à temps le Starship lunaire, dans le cadre du projet HLS (Human Landing System) de la mission Artemis III. “Nous serons vraiment la première chose à être prêt”.

Sur la question environnementale, Musk a déclaré : “La fusée utilise des carburants non toxiques et … elle a dispersé beaucoup de poussière, mais à notre connaissance, il n’y a pas eu de dommages significatifs à l’environnement dont nous sommes au courant.”

Mais l’US Fish and Wildlife Service (FWS) a indiqué qu’il avait été trouvé près de la zone de lancement de nombreux gros morceaux de béton, des tôles en acier inoxydable, du métal et d’autres objets projetés à des milliers de mètres de distance avec un nuage de panache de béton pulvérisé qui a déposé du matériau jusqu’à 10 km au nord-ouest du site.

Débris sur le sol le 22 avril 2023, après le décollage du Starship depuis Starbase à Boca Chica, au Texas (crédit AFP/Patrick T. Fallon)

La FAA poursuivie en justice par des associations environnementales

Des groupes environnementaux ont intenté une action en justice contre la Federal Aviation Administration (FAA) pour sa gestion de l’évaluation environnementale des lancements depuis la Starbase à Boca Chica dans le sud du Texas.

La FAA a pourtant donné son feu vert au programme de lancement du Starship jusqu’à 20 par an pour les 5 prochaines années en demandant à SpaceX que la flore et la faune locales n’aient pas à souffrir de l’impact des lancements. La zone près de la base héberge en effet des espèces menacées et protégées, comme la tortue de mer Kemp Ridley et le pluvier siffleur, ou l’ocelot en danger critique d’extinction qui est considéré comme sacré pour la tribu Carrizo / Comecrudo.

Mais la plainte indique que l’analyse de SpaceX et les mesures d’atténuation ne sont pas suffisantes pour compenser ou même comprendre pleinement tous les effets des lancements de Starship et les impacts environnementaux. Elle affirme que la FAA, en accordant à SpaceX l’autorisation de lancer le Starship, est en violation de la National Environmental Policy Act (NEPA). Les groupes craignent que le risque accru d’incendie, la pollution, la lumière et la chaleur du programme de lancement affectent la zone environnante.

L’explosion du Starship a par exemple généré un incendie de broussailles sur environ 14 000 m² selon le US Fish and Wildlife Service. Heureusement, le FWS n’aurait retrouvé aucun animal mort.

L’explosion du Starship de SpaceX le 20 avril a brûlé la zone environnante et dispersé des débris sur des milliers de m² près de l’habitat de nidification privilégié pour le Bobwhite du Nord (photo) et les oiseaux de rivage comme le Pluvier neigeux. Cette photo a été prise quelques jours après le lancement. Photo de Justin LeClaire / Programme de baies et d’estuaires à cale côtière (CBBEP).

Nuisances en tout genre

Le comté de Cameron a fermé Boca Chica Beach et la State Highway 4 pendant 48 heures après le décollage en raison de problèmes de sécurité. Les fermetures de routes ont empêché le personnel du FWS d’accéder à des terres appartenant à un refuge jusqu’à la mi-matinée du 22 avril, a confirmé l’agence. Cela a entravé pour certains la capacité des biologistes à mener une enquête approfondie sur l’impact environnemental.

La communauté Carrizo / Comecrudo déplore également les fermetures des voies d’accès aux environs de la base lors des essais et des lancements qui réduit sa capacité d’organiser des cérémonies traditionnelles. C’est sans mentionner les autres impacts de l’arrivée de SpaceX à Boca Chica dont j’ai parlé dans un article précédent, dont les nuisances sonores et les expropriations.

D’ailleurs la nuisance sonore lors des essais statiques a déjà été établie à 110 dB jusqu’à près de 5 km du pas de tir, bien supérieure à celle des données des modèles de SpaceX donnés à la FAA.

Superposition des contours de l’approbation de la FAA (annexe B) sur le niveau sonore ainsi que l’emplacement de la mesure de l’employé du FWS pendant le test statique du 10/02/23 (crédit Eric Roesch)

Les villes voisines Port Isabel et South Padre Island sont à moins de 8 km du site de lancement (les villes les plus proches de la base de Cap Canaveral de la NASA sont à 20 km). Lors du lancement de Starship, des vitres ont été cassées à Port Isabel et les impacts sur la faune, notamment sur les oiseaux, sont difficilement mesurables à ce jour. L’absence de déluge et de carnaux ne peut qu’aggraver la situation alors que SpaceX annonce une augmentation de la puissance de ses moteurs Raptors.

La FAA aurait déclaré que SpaceX devait “effectuer des analyses pour s’assurer que le public n’était pas exposé à des risques inacceptables”, y compris un “examen des données après le vol pour assurer la cohérence entre les hypothèses utilisées pour leurs analyses de sécurité et les données observées depuis le vol.”

A suivre…


D’autres images des débris sur la zone protégée : https://flic.kr/s/aHBqjABshs dont est issue l’image de couverture.

Boca Chica, TX - Post Starship Launch Survey

Sources : fil Twitter de Michael Sheetz, article du Washington Post, article The Verge, article American Bird Conservancy, blog ESG Hound

Une réflexion sur “Starship : Le premier vol d’essai expliqué par Musk et les inquiétudes environnementales

  • Michel Clarisse

    Décidément, Elon Musk me rappelle le bon docteur Pangloss, l’un des héros, avec Candide et Cunégonde, entre autres, du célèbre roman “Candide” de Voltaire dont la phrase qui revenait comme un leitmotiv était “Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.”

    Par le truchement de ce personnage, Voltaire se moquait en réalité de Leibniz.

    Répondre

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