Starliner : plusieurs scénarios à l’étude pour le retour des astronautes sur Terre
Une nouvelle conférence de presse de la NASA s’est tenue le 7 août afin de faire un point sur la situation du vaisseau Starliner amarré à la Station Spatiale Internationale et surtout pour le retour sur Terre de ses 2 astronautes en toute sécurité.
Arrivés à l’ISS le 6 juin, la mission CFT (Crew Flight Test) des 2 astronautes, Sunita Williams et Butch Wilmore, ne devait durer qu’une huitaine de jours dans l’espace. Mais des soucis lors du vol vers la Station ont entraîné un report du désamarrage du vaisseau le temps d’investigations sur le vaisseau en vol et au sol.
La NASA et Boeing sont toujours en train d’analyser les données de vols et des différents essais réalisés sur les moteurs de contrôle d’attitude du vaisseau (RCS) dont 5 sur 28 ont été défaillants lors de la phase d’arrivée à l’ISS. Il existe un risque non nul pour que certains des RCS tombent en panne lors du retour sur Terre mettant à risque le départ de la Station et la désorbitation du vaisseau. Les fuites d’hélium qui se sont produites lors du vol sont stabilisées et il y a plus qu’assez d’hélium pour terminer la mission.
Les tests effectués sur les propulseurs RCS le mois dernier sur le site de tests de White Sands de la NASA ont montré que le chauffage des propulseurs pouvait provoquer l’expansion et l’extrusion d’un joint ou d’un clapet en téflon, limitant le flux de carburant. Le chauffage du propergol pourrait également le vaporiser, réduisant les performances du propulseur. Ces résultats n’ont pas mis en confiance la NASA et l’étude des modes de défaillance possibles lorsque les moteurs deviennent chauds est encore à l’étude.
La décision de la NASA sur le retour des 2 astronautes à bord du Starliner n’a pas encore été prise. Il n’y a pas de consensus à l’heure actuelle au sein de l’Agence spatiale. Cette décision devrait arriver « à la mi-août ».
Boeing continue de faire valoir auprès de la NASA que Starliner est en sécurité, arguant sur la quantité de tests moteurs effectués [communiqué Boeing du 2/08/2024].
Trois options de retour sur Terre sont envisagées
Le segment américain de l’ISS ne dispose que de deux ports d’amarrage (plus 2 pour l’accostage). Starliner est sur l’un et le Crew-8 Crew Dragon sur l’autre. Il est d’usage d’avoir un recoupement entre 2 équipages de 5 jours. Du coup, le Starliner doit partir et libérer son port avant l’arrivée du Crew Dragon et de Crew-9 dont le décollage était prévu dernièrement au 18 août et qui a été planifié dorénavant au 24 septembre au plus tôt, le temps de converger sur la décision sur le Starliner.
La NASA a présenté 3 scénarios de retour sur Terre pour Sunita Williams et Butch Wilmore.
- La première option est celle du retour des 2 astronautes à bord du Starliner comme prévu nominalement.
- La seconde option consiste à ramener le Starliner sur Terre « à vide » et de faire décoller le vaisseau Crew Dragon prévu pour Crew-9 avec seulement 2 astronautes à bord (la NASA n’a pas précisé lesquels). Sunita Williams et Butch Wilmore redescendraient avec cet équipage à la prochaine rotation, soit en février 2025 !
- Le troisième scénario est de ramener le Starliner sur Terre « à vide » et lancer nominalement Crew-9 avec 4 passagers. L’un des astronautes de CFT reviendrait sur Terre avec l’équipage de Crew-8, prévu juste après l’arrivée de Crew-9, et le second avec Crew-9. Cette option représenterait la première fois que SpaceX transporterait 5 passagers sur son vaisseau spatial Crew Dragon.
Un autre souci potentiel est apparu il y a quelques jours : le logiciel de bord du Starliner CFT ne serait pas en capacité d’effectuer un désamarrage sans équipage à bord du vaisseau, sauf si un plan d’urgence est activé. Il est important de noter que même lors de vols habités, le désamarrage se produit automatiquement. La différence est qu’à différentes étapes, l’ordinateur de vol attend une réponse de l’équipage pour procéder automatiquement, ce qui permet toujours à l’équipage de contrôler le processus, même s’il est automatisé. La version du logiciel actuellement chargée pour CFT impose que si le logiciel détecte des réponses incorrectes pendant le processus de vol, il passe en mode de vol manuel pour garantir la redondance de sécurité de l’équipage. Pour un vol sans pilote, les données du vol sans pilote doivent être chargées.
Steve Stich, directeur du Commercial Crew Program, a réitéré sa confiance dans toute l’équipe de Boeing, de la NASA et de SpaceX, soulignant qu’il s’agissait d’une étape importante pour la NASA de disposer de deux engins spatiaux, l’un servant de réserve pour l’autre.
La NASA a souligné à plusieurs reprises qu’il s’agit d’un vol d’essai et rencontrer des problèmes n’est pas une surprise, et Sunita Williams et Butch Wilmore, astronautes NASA, ayant été formés pour faire face aux imprévus.
La NASA continue d’insister sur le fait que le retour sur Starliner est toujours possible s’il y avait une situation d’urgence sur l’ISS.
De mon point de vue, la prise de risque reste difficile pour la NASA qui a déjà perdu des équipages et qui ne veut pas revivre cela. Pour Boeing, son image de marque est sans nul doute déjà écornée (avec aussi les soucis sur la division Avions) et l’entreprise perd actuellement beaucoup d’argent sur un programme négocié en amont avec la NASA à coût fixe. L’entreprise ne voudra sans doute pas aller au-delà des 6 vaisseaux du contrat intial avec la NASA.
Le feuilleton spatial de l’été n’est pas encore terminé mais espérons surtout qu’il se finisse bien pour les astronautes.
Après cette rocambolesque mission digne d’un scénario de film de science-fiction, au cas où il y aurait une hypothétique mission opérationnelle du Starliner, à savoir Starliner-1, avec pour équipage Tingle, Fincke, Yui et Kutryk, savez-vous comment s’appellerait la capsule utilisée ?
En tout cas, Nicole Mann, Eric Boe et « Chris » Ferguson doivent se sentir bien soulagés de ne pas avoir effectué cette mission…