Rentrée contrôlée à venir pour la mission européenne Aeolus
Le 30 avril, l’Agence Spatiale Européenne a mis fin à la mission opérationnelle d’Aeolus, un satellite qui a étudié les vents sur l’ensemble du globe terrestre.
Le satellite avait été lancé le 22 août 2018 mais son carburant est devenu à un niveau critique et l’activité solaire étant plus forte, l’ESA a décidé de faire une rentrée atmosphérique contrôlée du satellite dans les prochains mois en ciblant l’Océan Pacifique pour réduire la quantité de terres sur lesquelles des morceaux de fragments résiduels du satellite pourraient tomber.
Au cours des prochains mois, Aeolus descendra naturellement de son altitude actuelle de 320 km à 280 km. Ensuite, le centre de contrôle de mission de l’ESA, à l’ESOC, à Darmstadt, en Allemagne, l’abaissera progressivement à 150 km au-dessus de la surface de la Terre. Une première manœuvre abaissera le satellite à une altitude de 250 km. Cette étape prendra plusieurs jours, au cours desquels les équipes vérifieront la santé du satellite et évalueront les prochaines étapes. Quatre manœuvres emmèneront ensuite Aeolus à 150 km avant 12 heures de contrôles finaux pour maintenir le satellite sur la bonne trajectoire avant une dernière manœuvre critique à 150 km qui dirigera Aeolus vers une zone la plus éloignée possible de zones habitées.
Le satellite brûlera lorsqu’il sera à environ 80 km d’altitude. La date finale de rentrée dépendra de l’activité solaire qui pourrait accélérer ou non le processus mais Aeolus devrait se désintégrer avant fin août 2023.
Une mission de démonstration plus que réussie
Initialement prévue pour 3 ans, cette mission du programme Earth Explorers de l’ESA aura été opérationnelle pendant 4 ans. Aeolus a répondu au besoin de cartes mondiales des vents pour faciliter l’amélioration des prévisions météorologiques et une compréhension avancée de l’atmosphère.
Placé en orbite héliosynchrone à 320 km d’altitude, Aelus avait une période orbitale de 92,5 minutes et a permis d’observer le profil des vents sur l’ensemble de la Terre avec un taux de revisite d’une zone de 7 jours (toutes les 111 orbites).
Son instrument, ALADIN (Atmospheric LAser Doppler INstrument), fabriqué par Airbus Defence and Space (comme l’ensemble du satellite) est une innovation technologique sans précédent : un Lidar (Light Detection And Ranging) qui utilise l’effet Doppler pour déterminer la vitesse du vent.
Le laser d’ALADIN déclenche des impulsions de lumière ultraviolette vers l’atmosphère terrestre, et un récepteur détecte la lumière grâce à un télescope de 1,5 m de diamètre et des récepteurs ultrasensibles qui est dispersée dans les molécules d’air, les molécules d’eau et les aérosols tels que la poussière. Grâce à de subtils changements dans les propriétés de la lumière reçue, la vitesse à laquelle ces particules s’éloignent d’Aeolus est mesurée et donc la vitesse du vent de la zone observée.
Au cours de ses 4 ans de vie opérationnelle, ALADIN a transmis plus de 7 milliards impulsions laser.
Aeolus est devenu le premier satellite capable d’observer le profil des vents à l’échelle du globe, à toutes les altitudes, depuis la surface de la Terre à travers la troposphère jusqu’à 30 km, soit la stratosphère.
Les principaux objectifs d’Aeolus ont été atteints :
- Fourniture de profils de vent précis dans toute la troposphère et la stratosphère inférieure alors qu’il y avait une carence majeure dans le système d’observation mondial
- Contribution directe à l’étude du budget énergétique mondial de la Terre
- Fourniture de données pour l’étude de la circulation atmosphérique mondiale et des caractéristiques connexes, telles que les systèmes de précipitations, le phénomène El Niño et l’échange stratosphérique / troposphérique.
Les données d’Aeolus ont été rapidement utilisées par les principaux services de prévisions météorologiques dans le monde entier, comme le Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme (ECMWF), Météo-France, le UK Met Office, l’Allemand Deutscher Wetterdienst (DWD) et le Centre national indien pour les prévisions météorologiques à moyen terme (NCMRWF).
En 2020, Lorsque des avions ont été immobilisés pendant les blocages imposés en raison de la pandémie de COVID, Aeolus a pu fournir des données manquantes pour combler l’écart dans les prévisions météorologiques [mon article Les satellites et le Covid-19].
Les chercheurs ont conclu que les données d’Aeolus pouvaient également aider améliorer la prévision des ouragans dans les régions de la planète où les vols de reconnaissance sont rares, en particulier sous les tropiques.
Les données fournies par Aeolus ont alimenté aussi des modèles de qualité de l’air pour affiner les prévisions concernant les poussières et autres particules préjudiciables à la santé.
Aeolus s’est également révélé utile pour suivre des événements tels que des éruptions volcaniques, grâce à des données presque en temps réel atteignant les utilisateurs dans les trois heures. Ce fut le cas par exemple pour suivre l’éruption volcanique du Hunga Tonga le 15 janvier 2022 :
Finalement, Aeolus a fourni plus de données sur le vent que tous les systèmes de mesure au sol existants.
Vive Aeolus-2 !
Suite à la Commission Ministérielle de l’ESA de novembre 2022, la mission Aeolus-2 va être développée dans les années à venir, en coopération avec l’Organisation européenne pour l’exploitation des satellites météorologiques, Eumetsat [information complémentaire].
Aeolus-2 devrait être opérationnelle beaucoup plus longtemps (cinq à sept ans) et consistera en plusieurs satellites avec des durées de vie qui se chevauchent pour garantir des données mondiales sur le vent pour les décennies à venir. Aeolus-2 présentera des performances améliorées, la technologie devenant plus robuste, avec une erreur réduite sur les mesures de vitesse du vent et une meilleure résolution, pour un impact encore plus significatif sur les prévisions météorologiques mondiales que son prédécesseur.
En complément, il est estimé que des prévisions météorologiques fiables apportent des avantages économiques non négligeables, de quoi convaincre les investisseurs et les financiers européens au-delà de l’intérêt scientifique d’une telle mission :
Source principale : site de l’ESA
Plus d’informations techniques et détaillées sur la mission sur EO Portal