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On en sait un peu plus sur la lune Ganymède grâce à Juno et Webb

Les lunes glacées du Système Solaire sont le sujet d’intérêt de nombreuses études scientifiques en raison de la présence probable d’eau souterraine.

C’est le cas notamment de Ganymède, la plus grosse lune de Jupiter, plus grosse que Mercure et à peine plus petite que Mars.

Afin de retracer l’histoire de la formation de la lune géante, les scientifiques utilisent les missions spatiales actuelles pour identifier les constituants à sa surface en différentes régions et leur transformation sous l’effet de processus induits par le rayonnement solaire, la magnétosphère de Jupiter ou l’impact de micrométéorites.

Ganymède présente les vestiges d’une saumure océanique profonde qui a atteint la surface

La sonde Juno de la NASA orbite autour de Jupiter depuis le 5 juillet 2016 et observe également ses lunes. La mission a survolé Ganymède en 2021 et les données collectées montrent la présence de sels minéraux et de composés organiques à la surface de la lune glacée. C’est le sujet d’un article scientifique publié le 30 octobre 2023.

Précedemment, les observations du télescope spatial Hubble, de la sonde Galileo de la NASA et du télescope VLT de l’ESO (European Southern Observatory) ont révélé que la plus grande lune de Jupiter est constituée pour moitié d’eau, et pour l’autre moitié de silicates et de matière carbonée, indiquant des processus endogènes (internes) ou exogènes, ou une combinaison des deux, à la surface de la lune glacée, mais la résolution spatiale était limitée.

Le 7 juin 2021, Juno a survolé Ganymède à une altitude minimale 1 046 kilomètres, soit le survol le plus près depuis plus de 20 ans. Peu de temps après l’approche la plus proche, le spectromètre Jovian InfraRed Auroral Mapper (JIRAM) a acquis des images infrarouges et des spectres infrarouges (essentiellement les empreintes chimiques des matériaux, en fonction de la façon dont ils réfléchissent la lumière) de la surface de la lune. Construit par l’Agence spatiale italienne ASI (Agenzia Spaziale Italiana), l’instrument JIRAM a été conçu pour capturer la lumière infrarouge (invisible à l’œil nu) qui émerge du plus profond de Jupiter, sondant la couche météorologique jusqu’à 50 à 70 kilomètres sous les sommets des nuages de la géante gazeuse.

Cette vue infrarouge de Ganymède a été obtenue par l’instrument Jovian Infrared Auroral Mapper (JIRAM) à bord de la sonde Juno de la NASA lors de son survol le 20 juillet 2021 (crédit NASA/JPL-Caltech/SwRI/MSSS).

Grâce à JIRAM, les scientifiques ont pu descendre à une résolution spatiale < 1 km par pixel. Ils ont pu détecter que la surface de Ganymède présente un diagnostic de signature de sels de nature variés (chlorure de sodium hydraté, chlorure d’ammonium et carbonate de sodium / ammonium), ainsi que de composés organiques, dont éventuellement des aldéhydes aliphatiques. La composition et la distribution spatiale de ces sels et organiques suggèrent que leur origine est endogène, résultant de l’extrusion de saumures souterraines, dont la chimie reflète l’interaction eau-roche à l’intérieur de Ganymède. Ces sels pourraient donc venir de l’océan situé sous des kilomètres de glace.

Les données traitées du spectromètre Jovian InfraRed Auroral Mapper (JIRAM) à bord de la mission Juno de la NASA sont superposées à une mosaïque d’images optiques des sondes Galileo et Voyager qui montrent un terrain rainuré sur la lune de Jupiter Ganymède. Cette image composite couvre une partie de Phrygia Suclus, au nord-est de Nanshe Catena, sur Ganymède. Les données ont été prises par Juno lors de son survol du 7 juin 2021 de la lune glacée. Les données JIRAM sont représentées par la ligne colorée allant de la partie supérieure gauche vers en bas à droite. La ligne représente une augmentation de l’intensité de la signature spectrale d’un composé non glacé, éventuellement du chlorure d’ammonium, dans la raie en bas à droite de l’image (crédits NASA / JPL-Caltech / SwRI / ASI / INAF / JIRAM / Brown University).

Source principale


Le télescope James Webb révèle les transformations chimiques de la surface de Ganymède

Dans deux articles publiés en juillet 2023 dans la revue Science Advances puis en décembre 2023 dans Astronomy & Astrophysics, une équipe internationale incluant des chercheurs du CNRS (LESIA, IPAG), de l’Observatoire de Paris et de l’Université Grenoble Alpes, présente les premières observations de Ganymède par le télescope spatial James Webb. Elles révèlent de nouveaux détails sur la texture et la nature des constituants de la surface glacée de Ganymède.

Les observations des instruments NIRSpec et MIRI dans des longueurs d’onde infrarouge entre 3 à 11 microns confirment que la surface est assez rugueuse et que ses premiers micromètres d’épaisseur sont globalement poreux et principalement constitués de glace d’eau cristalline, mélangée à d’autres molécules (CO2, H2O2, et peut-être des hydrates d’acide sulfurique, entre autres) et minéraux (peut-être des sels, phyllosilicates, minéraux opaques etc.).

Ces observations ont fourni des résultats uniques sur la chimie à la surface comme la présence de glace d’eau amorphe (une phase dans laquelle les molécules de H2O sont désordonnées) aux pôles, sur l’état du dioxyde de carbone piégé dans des matrices solides, ou encore des sulfures et des oxydes de fer aux basses latitudes.

Il semblerait aussi que du givre matinal se forme dans la zone ou le soleil se lève le matin à la surface de Ganymède. Le givre se formerait durant la nuit, non par condensation de l’atmosphère car elle est trop fine, mais plutôt par condensation de la vapeur d’eau provenant du sous-sol, comme cela a été observé sur le noyau de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko par la mission Rosetta. Trois astronomes français, Henri Camichel, Marcel Gentili et Bernard Lyot, avaient déjà émis cette hypothèse dans les années 40 en observant Ganymède au Pic du Midi, le JWST le confirme.

Source

Avec la mission européenne JUICE, on devrait en savoir encore davantage sur Ganymède dans les années à venir.

Image de couverture : Ganymède a été obtenue par l’imageur JunoCam à bord de Juno lors de son survol de la lune glacée le 7 juin 2021 (crédit NASA / JPL-Caltech / SwRI / MSSS)

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