L’Inde détruit un satellite par un tir de missile
Mercredi 27 mars, le premier ministre indien, Narendra Modi, a annoncé que lors d’un exercice, un missile balistique indien a abattu un satellite en orbite basse. Petite mise au point sur les faits et les conséquences.
Ce n’est pas la première fois qu’une nation abat un satellite en orbite. Déjà les Etats-Unis, la Russie et dernièrement la Chine y étaient parvenus.
Le satellite-cible était en orbite basse à moins de 300 km. il s’agissait, selon plusieurs observateurs, du satellite indien MicroSat-R, un satellite d’observation développé par l’ISRO pour la Défense indienne (DRDO) et lancé par une PSLV le 24 janvier dernier. Le satellite de 740 kilos avait été livré sur une orbite très basse à 274 km seulement. Tout laisse à penser maintenant que ce satellite avait été mis en orbite dans ce but.
Actuellement, aucun débris n’a été confirmé par le 18 Space Control Squadron (18 SPCS). Narendra Modi a affirmé lors de son allocution qu’aucun débris spatial ne resterait suite à cet exercice. En effet, la très faible hauteur du satellite en est une bonne garantie, dans la mesure où les débris ne devraient subsister, en général, que quelques semaines maximum. Cependant, lors du dernier exercice anti-missile exercé par les Etats-Unis (Burnt Frost Test en 2008), même si la plupart des 174 débris générés et catalogués étaient redescendus dans l’atmosphère, quelques-uns avaient été expulsés vers le haut (certains étaient même restés en orbite avec un apogée de 900 km pendant 18 mois !
Encore aujourd’hui, de nombreux débris générés par des tests anti-satellites (ASAT) restent en orbite. La plupart sont ceux du test ASAT de la Chine en 2007 : 3028 débris sont encore en orbite (sur un total de 30 000 débris catalogués), il faut dire que le test avait été fait sur une orbite plus haute (800 km).
Vous trouverez ici un historique de tous les tests ASAT : https://docs.google.com/spreadsheets/d/1e5GtZEzdo6xk41i2_ei3c8jRZDjvP4Xwz3BVsUHwi48/edit#gid=0
Il ne faut pas non plus se mettre à dramatiser la situation en supposant que ce dernier test pourrait engendrer une réaction en chaîne (syndrome de Kessler) à la Gravity. il y a peu de satellites en orbite basse. Et la plupart sont des smallsats avec une espérance de vie limitée. On peut toutefois s’interroger sur le risque lié à ces nouveaux débris pour les gros satellites qui se trouvent sur une orbite à faible périgée. L’astronome Jonathan McDowell précise également que certains débris pourraient quand-même croiser l’orbite de l’ISS.
MAJ : Jim Bridenstine a confirmé que 24 débris se trouvaient à des hauteurs au delà celle de l’ISS, et que le risque lié aux débris pour la station avait augmenté de 44% en dix jours.
MAJ : la défense indienne avait déjà tenté ce test le 12 février dernier, c’était un échec.
Une première simulation amateure des débris spatiaux suite au test ASAT :
India ASAT test: quick simulation of the breakup of MICROSAT-R & resulting #spacedebris. Guesses for intercept speed & projectile mass. Characteristics of fragments shown come from distributions described in Johnson et al. 2001, ASR (28/9), 1377-1384. REPEAT: it's a simulation pic.twitter.com/6aFS23GFbb
— Hugh Lewis (@ProfHughLewis) March 27, 2019
Légalement, qu’en est-il ? L’Inde indique qu’elle n’a pas violé le principe d’utilisation de l’espace à des fins pacifiques de 1967. Actuellement, aucune puissance spatiale ne lui a reproché cela non plus. Si l’ESA n’a pas réagi à ce dernier test ASAT, l’astronaute allemand Matthias Maurer a remis en cause la moralité de cet exercice :
Shooting down a satellite to prove you're a space power only shows that you're not. No responsible space power contributes to creating voluntarily space debris! Space belongs to all mankind. Let's use it for peaceful purposes and for the benefit of the people. @esa @dlr https://t.co/bkLJ6qPdIa
— Matthias Maurer (@astro_matthias) March 27, 2019
« Abattre un satellite pour montrer que vous êtes une <super>puissance spatiale montre seulement le contraire. Aucune puissance spatiale responsable ne crée délibérément des débris spatiaux ! L’espace appartient à toute l’humanité. Utilisons-le à des fins pacifiques et au profit des populations. »
Certaines compagnies commerciales comme Planet ont elles aussi réagi. Planet, qui possède plus de 300 cubesats d’imagerie en orbite basse (entre 300 km et 500 km) craint pour sa constellation, et que les orbites basses deviennent le terrain de jeu des tests ASAT militaires avec lesquels la constellation devrait cohabiter.
Planet’s response to India’s testing of an anti-satellite missile. pic.twitter.com/bZuuIYtCFB
— Planet (@planet) March 27, 2019
« Alors que Planet bénéficie d’un partenariat actif avec les agences du gouvernement indien -comme l’ISRO- nous condamnons catégoriquement l’interception par missile antisatellite récemment conduite par le département de la défense indienne. L’espace devrait être utilisé à des fins pacifiques, et détruire un satellite en orbite menace sévèrement la stabilité à long terme de l’environnement spatial pour tous ses acteurs. Planet incite toutes les puissances spatiales à respecter l’espace que nous partageons tous. »
MAJ : Jim Bridenstine, directeur de la NASA, a lourdement condamné ce test, en rappelant les dangers qu’il pouvait avoir sur la Station Spatiale iInternationale.
L’Inde développe également des missiles de croisière hypersoniques, les BrahMos-II, avec l’aide de la Russie. C’est actuellement, parmi les grandes puissances, celle qui accroît le plus – et de loin – ses dépenses militaires, notamment par la voie des importations avec transferts de technologie de la part de nombreux autres pays, la France n’étant pas en reste !…