Fram2 : 4 jours en orbite polaire pour 4 astronautes privés
Après Inspiration4 et Polaris Dawn, Fram2 est une nouvelle mission spatiale privée de SpaceX qui a permis à 4 astronautes privés de séjourner 4 jours dans l’espace.
Le décollage a eu lieu le mardi 1er avril à 1h46 UTC à bord d’une Falcon 9 depuis le Kennedy Space Center en Floride.
Le vaisseau Crew Dragon Resilience, dont c’est le 4e vol après Crew-1, Inspiration 4 et Polaris Dawn, a été placé sur une orbite polaire à 90° à un périgée d’environ 413 km moins de 10 minutes après le décollage.
C’est la première fois qu’un vol habité effectue ce type d’orbite. Précédemment, l’inclinaison la plus proche était de 64,8 degrés avec Voskhod 2 en mars 1965, pendant laquelle a eu lieu la première sortie spatiale de l’histoire par Alexei Leonov. La Station Spatiale Internationale ne va jamais au-delà des latitudes à 51,6 degrés nord et 51,6 degrés sud.
À bord, 4 astronautes privés dont le commanditaire du vol et commandant de la mission, Chun Wang (42 ans), un spéculateur en cryptomonnaie d’origine chinoise et devenu citoyen maltais en 2023. Il est accompagné de Jannicke Mikkelsen (38 ans), cinéaste norvégienne, Eric Philips (62 ans), explorateur et guide polaire professionnel australien qui est spécialiste de mission et officier médical, et Rabea Rogge (28 ans), chercheuse en robotique allemande et pilote de la mission.
Jannicke Mikkelsen a été nommée commandante du vaisseau, ce qui en fait la première astronaute européenne à commander un vaisseau spatial. Rabea Rogge est ainsi devenue la première femme astronaute allemande.
Après un allumage moteur, le Crew Dragon a été placé sur une orbite circulaire à une altitude moyenne de 530 km.
Fram2 tire son nom du navire norvégien Fram, utilisé pour des expéditions vers l’Arctique et l’Antarctique entre 1893 et 1912.
L’équipage embarque un petit morceau du bateau sur orbite.
Quelques expériences scientifiques au programme
L’équipage et SpaceX ont annoncé que 22 expériences scientifiques « conçues pour aider à faire progresser les capacités de l’humanité en matière d’exploration spatiale de longue durée et de compréhension de la santé humaine dans l’espace » seraient réalisées à bord.
- Blood Flow Restriction : vise à démontrer l’efficacité de la restriction du flux sanguin pendant l’exercice dans l’espace pour maintenir la santé musculaire et osseuse des astronautes.
- Bone Health : étudie l’impact des vols spatiaux sur le squelette humain afin de concevoir des mesures pour maximiser la santé osseuse des astronautes.
- Brain Mapping : évalue les changements cérébraux dans l’espace et identifie les biomarqueurs liés aux compétences visuo-spatiales.
- Brain MRI : détermine comment le cerveau est affecté par la microgravité pour atténuer les complications neurologiques lors des vols de longue durée.
- Capsule Egress : étudie la capacité des astronautes à réagir aux situations d’urgence après l’atterrissage dans des conditions de gravité variables.
- Cognition : examine les effets des vols spatiaux sur la cognition et la physiologie des astronautes à l’aide de tests cognitifs rapides.
- Crew Resilience : étudie la dynamique intra-équipage et son lien avec le stress et le bien-être des astronautes.
- Glucose Regulation : vise à comprendre la régulation du glucose dans l’espace et à valider la précision des outils de surveillance du glucose pour les astronautes diabétiques.
- MELITE : étudie l’impact des vols spatiaux sur les microbiomes de la peau et d’autres tissus chez les patients diabétiques.
- Mission MushVroom : étude visant à cultiver des champignons dans l’espace pour répondre aux besoins nutritionnels des astronautes.
- NASA Standard Measures : recueille des données sur l’adaptation physiologique et psychologique des astronautes aux vols spatiaux.
- Radiation Measurements : mesure les niveaux de radiation à l’intérieur de la cabine et l’exposition individuelle des membres d’équipage pour améliorer les modèles de protection contre les rayonnements.
- Sensorimotor Standard Measures : mesure la fonction vestibulaire (équilibre) des astronautes avant et après les vols spatiaux.
- Sleep Hygiene : suit les habitudes de sommeil des astronautes pour déterminer les contre-mesures potentielles afin de préserver la qualité du sommeil.
- SLICE : mesure les protéines salivaires des astronautes pour déterminer comment leur corps réagit au stress des vols spatiaux.
- Space Genomics : explore le rôle de l’architecture génomique dans l’adaptation humaine à l’espace.
- Space Motion Sickness : quantifie la gravité et l’évolution du mal des transports chez les astronautes lors des transitions de gravité.
- Space Omics : recueille des échantillons biologiques pour analyser les effets des voyages spatiaux à l’aide d’analyses multi-omiques.
- Space THAL : étudie comment les vols spatiaux affectent la santé du sang, en particulier l’anémie.
- Space Time : mesure la façon dont les astronautes vivent le temps pendant les voyages spatiaux.
- SpaceXposome : cherche à identifier les moyens d’améliorer la résilience et le bien-être des astronautes.
- SpaceXray : teste le premier système portable de radiographie à voler dans l’espace.
- Women’s Health : étudie l’impact de la microgravité et des rayonnements spatiaux sur le système reproducteur féminin.
- Exercise Tech Demo : teste du matériel d’exercice à faible masse et à faible consommation d’énergie pour les futures missions d’exploration.
En raison de la courte durée du vol, certaines études auront sans doute des résultats limités. Et mis à part la communication sur SpaceXRay et quelques autres expériences, on ne connaît pas si toutes ont été effectuées pendant les 4 jours de vol au moment où j’écris ces lignes.
Des débuts difficiles en apesanteur
Dans un post, Chun Wang a avoué que l’équipage avait été très malade au premier jour de mission avec des nausées et des vomissements. L’adaptation à la microgravité a été difficile.
De belles images en souvenir
L’équipage aura surtout ramené de belles images des continents glacés.
Retour sur Terre le 4 avril
Après 4 jours de vol, le retour sur Terre a eu lieu le vendredi 4 avril. La désorbitation a eu lieu à 15h26 UTC.
La descente a été freinée nominalement en toute fin par les parachutes et l’amerrissage a eu lieu à 16h19 UTC.
L’amerrissage a eu lieu au large des côtes de Californie. C’est la première fois pour un vaisseau habité depuis la mission Apollo-Soyouz en juillet 1975. Cette décision fait suite aux soucis de chutes de débris lors de précédentes rentrées [lire l’article].
La sortie de l’équipage du vaisseau a été effectuée sans trop d’aide des équipes de SpaceX. Même avec seulement 4 jours d’apesanteur, il ne m’a pas semblé que cela soit une opération si aisée.
Image de couverture : SpaceX

« Fram2 » est une référence au navire d’exploration polaire norvégien « Fram », ce qui signifie « En avant ! » (ou « Forward ! » en anglais). À l’origine, c’était un navire suédois puisque la Norvège n’est devenue indépendante de la Suède qu’en 1905.
Il fut utilisé par trois grands explorateurs polaires (et bien entendu par leurs équipages), à savoir Nansen, Sverdrup et Amundsen, et ce entre 1893 et 1912. :
– Fridtjof Nansen (océan arctique) entre 1893 et 1896 ;
– Otto Sverdrup (océan arctique) entre 1898 et 1902 ;
– Roald Amundsen (océan austral et continent antarctique / pôle sud) entre 1910 et 1912.
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La mission « Fram2 » n’a duré que 3 jours 14 heures 32 minutes et 38 secondes (pour être précis) et a effectué 55 orbites.
Ce fut le 352e vol orbital avec équipage humain. Ce fut aussi le 181e effectué par un vaisseau spatial américain (même si, et ce pour la première fois il n’y avait aucun Américain à bord) aux côtés de 157 « Russes ou ex-soviétiques » (71 soviétiques et 86 russes) et de 14 chinois.
Chun Wang (ou plutôt Wang Chun en chinois), Jannicke J. Mikkelsen, Rabea P. Rogge et Eric L. J. Philips sont devenus les 626e à 629e « hommes de l’espace » (vols orbitaux seuls), Jannicke J. Mikkelsen et Rabea P. Rogge étant devenues du même coup les 81e et 82e « femmes de l’espace », soit 13 %.
Sur les 629 « astronautes, cosmonautes, taïkonautes ou autres » (dont 82 femmes) qui ont effectué des vols orbitaux, il y a :
– 368 Américains (dont 61 femmes, soit 16,6 %) ;
– 137 « Russes ou autres ex-soviétiques » (dont seulement 6 femmes, soit 4,4 %) ;
– 24 Chinois (dont 3 femmes, soit 12,5 %) ;
– 100 « autres » (dont 12 femmes, soit 12 %).
Chun Wang (né à Tianjin) est le 1er Maltais (devenu Maltais en 2023) ; il est également citoyen de Saint-Christophe-et-Niévès (Saint Kitts and Nevis), autre paradis fiscal…
Jannicke Mikkelsen est la 1ère Norvégienne ; elle est également britannique, plus précisément écossaise.
Rabea P. Rogge est « le 13e Allemand » et surtout, enfin ! (endlich !), la 1ère Allemande.
Eric L. J. Philips est le 1er Australien (puisque Paul D. Scully-Power et Andrew S. W. Thomas ont volé en tant qu’Américains).