Chang’e6 : la Chine veut réaliser une première mondiale en ramenant des échantillons de la face cachée de la Lune
Après les orbiteurs Chang’e1 en 2007 et Chang’e2 en 2010, la Chine avait déjà réalisé un premier exploit avec une réussite dès la première fois pour un atterrissage sur la Lune avec Chang’e3 en 2013 et le roulage du rover Yutu. En 2018, la Chine devenait la première nation à réussir un alunissage sur la face cachée avec Chang’e4 et le rover Yutu-2. La Chine effectuait en 2020 sa première mission de retour d’échantillons de la Lune avec Chang’e5. Avec Chang’e6, la Chine espère continuer sur sa belle lancée de réussites et réaliser une première mondiale : ramener des échantillons depuis la face cachée de la Lune.
Chang’e5 avait ramené 1731 grammes de régolithe lunaire, Chang’e6 (嫦娥六号) a pour objectif de ramener sur Terre près de 2 kg d’échantillons.
Environ 50 jours de mission pour ramener du régolithe du Pôle Sud-Aitken
Les missions Chang’e tiennent leur nom de la déesse de la Lune selon le taoïsme. La mission Chang’e6 sera très similaire à celle de Chang’e5 mis à part le lieu d’atterrissage.
La mission visera le bassin Pôle Sud-Aitken ou SPA de la Lune, où un bombardement ancien a peut-être projeté une partie du manteau lunaire jusqu’à la surface. Cette région vieille d’environ 4,26 milliards d’années est peut-être le témoin du grand bombardement tardif vécu par la Lune et la Terre il y a des milliards d’années. SPA est le bassin d’impact le plus grand (environ 2 400 km) et le plus profond (environ 6,2–8,2 km) connu sur la Lune. Analyser les matériaux présents en surface de cette zone permettrait aux scientifiques d’en savoir plus sur l’histoire de la Lune, mais aussi de la Terre, et pourquoi la face cachée de la Lune est si différente de la face visible depuis la Terre.
Chang’e6 devrait durer une cinquantaine de jours (Chang’e5 n’avait duré que 23 jours).
Après le lancement réalisé ce 3 mai à bord d’une Long March 5, l’atterrisseur installé sur son module de croisière rejoindra l’orbite lunaire après 4 à 5 jours de croisière.
Chang’e-6 entrera en premier dans une grande orbite elliptique autour de la Lune d’environ 200 km × 8 600 km avec une période de 12 heures. Ensuite, Chang’e-6 freinera à nouveau et entrera sur une orbite de stationnement elliptique avec une altitude d’environ 200 km × 2 200 km et une période de 4 heures. Enfin, il freinera à nouveau et entrera sur une orbite circulaire de 200 km × 200 km avec une période d’environ 128 minutes.
Comme son prédécesseur, Chang’e6 est composé de 4 composantes : un orbiteur et un atterrisseur équipé d’un étage de remontée, et d’une capsule de retour d’échantillons à bord de l’orbiteur. Une fois que la sonde aura atteint l’orbite lunaire, les composants se sépareront en deux parties, l’orbiteur et le module de rentrée restant en orbite tandis que l’atterrisseur et l’étage de remontée (ou « ascenseur ») se dirigeront vers la surface de la Lune. l’ensemble fait environ 8,2 tonnes au lancement. L’atterrisseur fait environ 3,2 tonnes.
L’atterrissage est attendu le 2 juin.
La combinaison atterrisseur/ascenseur effectuera un atterrissage en douceur, puis commencera à utiliser une perceuse et un bras mécanique pour rassembler les roches et la poussière lunaires. Une fois les opérations de surface terminées, la fusée de l’ascenseur l’élèvera en orbite lunaire pour s’amarrer au module de rentrée. Il transférera des échantillons vers le module, qui les transportera sur Terre.
Les communications avec la Terre depuis la face cachée de la Lune se feront grâce au satellite Queqiao-2 lancé en mars dernier.
Des instruments européens à bord
Les instruments scientifiques à bord de Chang’e6 ont été conçus pour amener des réponses aux questions suivantes : quelle sont la composition et la structure de la croûte lunaire ? Quelle est la composition du manteau lunaire ? Quels sont les âges de formation des principaux bassins d’impact ? Et tenter d’éclairer la théorie sur le grand bombardement tardif : est-ce que les orbites des planètes géantes se sont déplacées, projetant les restes de matériaux formant des planètes vers les planètes intérieures, produisant une augmentation des impacts ou le bombardement n’était pas du tout un pic mais la fin d’une période plus longue d’impacts en déclin progressif ?
- LCAM (landing camera) : caméra d’atterrissage
- PCAM (panoramic camera) : caméra panoramique
- LMS (Lunar mineralogical Spectrometer)
- LRPR (Lunar Regolith Penetrating Radar)
- DORN (Detection of Outgassing RadoN) de l’IRAP sous la maîtrise d’œuvre du CNES, surveillera les dégazages de radon de la croûte lunaire, mais aussi du polonium, deux traceurs radioactifs, en orbite autour de la Lune puis à sa surface
- NILS (Negative Ions at the Lunar Surface) de l’ESA (Suède) essaiera de détecter les ions négatifs émis par la surface lunaire suite à l’interaction avec le vent solaire
- INRRI (Instrument for landing-Roving lasser Retroreflector Investigations) (Italie), un réflecteur qui sera utilisé pour mesurer avec précision les distances par rapport à l’orbite.
Un cubesat pakistanais figure également dans la liste des charges utiles : ICUBE-Q, un cubesat 1U développé par l’Institute of Space Technology d’Islamabad, se séparera de Chang’e-6 en orbite lunaire et prendra des images de l’orbiteur, de la Lune et de la Terre. Il mesurera également le champ magnétique de la Lune. Il se sera lâché sur l’orbite elliptique qui aura fait suite à l’insertion en orbite lunaire du lander.
Et il semblerait qu’il y ait une charge utile surprise à bord : un mini rover. Il est visible sur la photo de l’atterrisseur dévoilée après le décollage (la photo en introduction).
Pour compléter : La France part à la recherche d’uranium sur la Lune par Daniel