Chandrayaan-3, un nouvel espoir lunaire pour l’Inde
Ce 14 juillet 2023, la mission lunaire indienne Chandrayaan-3, composée d’un atterrisseur et d’un rover, a décollé avec succès à bord d’une LVM-3 et relance l’espoir de toute une nation de voir se poser sur la Lune une de ses réalisations.
Depuis 2018, il n’y a pas une année sans une mission lunaire et elles sont nombreuses en 2023 à vouloir soit se mettre en orbite, soit à atterrir. L’Inde ne fait pas exception dans les nations en quête de réussite. En 2019, Chang’e 4, la mission chinoise, s’est posée sur la face cachée de la Lune, mais l’Inde échoue à quelques mètres de la surface avec sa mission Chandrayaan-2. L’orbiteur réussi tout de même une belle mission (les résultats scientifiques de Chandrayaan-2 après 2 ans d’orbite).
Pour Chandrayaan-3, l’ISRO a effectué des changements car au-delà de la réussite technologique, il s’gait aussi d’une mission de prestige qui pourrait faire rentrer l’Inde dans le club fermé des états ayant posé un objet sur la Lune après la Russie (à l’époque l’URSS), les Etats-Unis et la Chine.
La mission Chandrayaan-3 ne comporte pas d’orbiteur a contrario de Chandrayaan-2, mais uniquement un atterrisseur et un rover [détails plus bas].
La mission décolle !
Le lancement de Chandrayaan-3 a été effectué par le lanceur lourd indien Launch Vehicle Mark-3 (LVM-3), qui s’appelait auparavant Geosynchronous Satellite Launch Vehicle Mark III (GSLV Mk III). Un changement de nom approprié car le lanceur a réalisé jusqu’à ce jour 4 vols opérationnels dont Chandrayaan-2 et 2 missions de satellites Oneweb et un seul satellite en orbite géostationnaire. Le lanceur devrait réaliser dans les années à venir les lancements des vaisseaux du programme de vols habités Gaganyaan.
LVM-3 qui ressemble à une Ariane 5, est capable de lancer un satellite de quatre tonnes en orbite de transfert géosynchrone GTO. LVM-3 est un véhicule à trois étages avec un étage central à ergol liquide de 110 tonnes (L-110) équipé de 2 moteurs Vikas (le moteur Viking d’Ariane mais fabriqué sous licence indienne, à peu près le même moteur Viking qui équipait les Ariane 1 à 4) et deux boosters latéraux à propergols solides de 200 tonnes chacun (S-200). L’étage supérieur cryogénique est alimenté par une charge propulsive de 25 tonnes (C-25). LVM-3 a un poids de décollage d’environ 629 tonnes et mesurera 42,4 m de haut. La coiffe a un diamètre de 5 m et un volume de charge utile de 100 mètres cubes.
Le décollage a eu lieu à 9h05 UTC depuis le Satish Dhawan Space Center emportant sur la bonne orbite les 3,9 tonnes de la mission.
Chandrayaan-3 a été séparé du lanceur après un peu de plus de 16 minutes de vol sur une orbite de stationnement elliptique d’environ 170 kilomètres sur 36 500 km.
40 jours avant l’atterrissage
L’atterrisseur Chandrayaan-3 est équipé d’un module de propulsion de 2,1 tonnes qui va amener la mission dans un premier temps dans une orbite de plus en plus elliptique avant de la mettre sur une trajectoire de transfert lunaire. Plusieurs manœuvres de correction de trajectoires seront nécessaires jusqu’à l’insertion en orbite lunaire. Le module de propulsion amènera ensuite l’atterrisseur sur une orbite circulaire à environ 100 km de la surface de la Lune. Là, les deux véhicules se sépareront, laissant l’atterrisseur se désorbiter pour l’atterrissage.
L’atterrissage est attendu pour le 23 août à 12h17 UTC (14h17 heure de Toulouse).
Chandrayaan-3 : un atterrisseur et un rover
Pas d’orbiteur pour cette 3e mission lunaire indienne mais elle utilisera l’orbiteur de Chandrayaan-2 qui orbite déjà autour de la Lune pour ses besoins de communication.
Le module de propulsion de la mission Chandrayaan-3 disposera tout de même d’un seul instrument nommé SHAPE (Spectro-polarimetry of Habitable Planet Earth), qui analysera le spectre de la Terre pour générer des données comme s’il s’agissait d’une exoplanète.
L’agence spatiale indienne, l’ISRO, a gardé les noms de l’atterrisseur et du rover de la mission Chandrayaan-2 : Vikram et Pragyan.
Vikram a été nommé ainsi en souvenir du Dr Vikram A Sarabhai (1919-1971), considéré en Inde comme le ‘’père’’ du programme spatial indien. Le centre principal de développement des lanceurs porte aussi son nom. Il avait commencé par fonder (au tout début chez lui) le laboratoire de Recherche Physique (PRL) en 1947 pour étudier les rayons cosmiques, la haute atmosphère, puis la physique théorique et les ondes radio. Pragyan signifie intuition en sanskrit.
L’atterrisseur Vikram
Vikram pèse 1752 kg (dont la masse du rover), soit près de 300 kilos de plus que celui de la mission Chandrayaan-2. Il emporte en effet plus de carburants. Au lieu de cinq moteurs, le nouvel atterrisseur a désormais quatre moteurs de 800 N, des pieds plus robustes et de plus grands panneaux solaires. De nombreux tests logiciels et de simulations de cas de panne ont été effectués pour ne pas reproduire l’échec précédent.
La nouvelle mission comporte 2 caméras de détection et d’évitement des dangers pour la descente finale sur la surface de la Lune. Chandrayaan-2 n’en avait qu’une. Au moment du contact avec le sol lunaire, l’atterrisseur doit se déplacer de moins de 2 mètres par seconde verticalement et de 0,5 mètre par seconde horizontalement.
Vikram embarque 4 instruments scientifiques :
- RAMBHA (Radio Anatomy of Moon Bound Hypersensitive ionosphere and Atmosphere) pour la mesure des changements dans l’environnement local de gaz et de plasma au fil du temps,
- ChaSTE (Chandra’s Surface Thermophysical Experiment) pour l’étude des propriétés thermiques de la surface lunaire,
- ILSA (Instrument for Lunar Seismic Activity) pour la mesure de l’activité sismique sur le site de débarquement afin de délimiter la croûte et le manteau souterrains.
- LRA (Laser Retroreflector Array) : un catadioptre fourni par la NASA qui permet de faire de la télémétrie laser. La NASA mesure encore la distance à la Lune à l’aide de catadioptres laissés sur la Lune pendant le programme Apollo.
Le rover Pragyan
Pragyan pèse 26 kg et devrait descendre une rampe de l’atterrisseur quelques jours ou heures après l’atterrissage. Sa durée de vie initiale est d’une journée lunaire, soit 14 jours terrestres.
Équipé de six roues, le rover prospectera autour du site d’alunissage et enverra via Vikram des photos et des analyses du sol grâce à ces 2 instruments :
- LIBS (Laser Induced Breakdown Spectroscope) : un spectroscope qui détermine la composition chimique et minéralogique de la surface. Ce type de laser est embarqué sur le Chemcam du rover Curiosity ou la Supercam du rover Perseverance.
- APXS (Alpha Particle X-ray Spectrometer), un spectromètre qui déterminera la composition élémentaire de la surface. ISRO mentionne spécifiquement le magnésium, l’aluminium, le silicium, le potassium, le calcium, le titane et le fer comme éléments que le rover cherchera.
Destination la région polaire sud
Cette nouvelle mission lunaire cible une zone assez proche du pôle sud du satellite terrestre, comme la majorité des missions lunaires actuelles comme Artemis. Chandrayaan-3 pourrait être la première mission à s’en approcher le plus.
La zone exacte ciblée est 69,37° Sud, 32,35° Est.
Plusieurs raisons :
- Les pôles de la Lune sont des zones plus accueillantes qu’ailleurs. En effet, on peut y trouver des zones éclairées quasiment en permanence, ce qui pour une mission robotique ou humaine est plus intéressant pour s’alimenter en énergie solaire avec des panneaux solaires et non un système à « réacteur » nucléaire.
- Les différences de température sont supposées être bien moins importantes. Vers l’équateur, cette différence peut dépasser les 250°C en quelques semaines. Pendant le ‘’midi lunaire’’, quand le Soleil est au zénith, la température excède les 100°C. La nuit, Chang’e 4 a mesuré jusqu’à -196°C ! Pour tenir de tels extrêmes, il faut recourir soit au nucléaire (RTG), soit se mettre en veille une bonne partie du temps (Yutu-2 fait la sieste pendant la moitié du jour lunaire, en plus de la nuit). Aux pôles, la différence de température étant plus faible, la régulation thermique devient un défi technique moins contraignant sur les objectifs scientifiques ou juste sur la durée de la mission.
- En plus d’y trouver des zones éclairées en permanence, des orbiteurs lunaires ont observé aussi des cratères qui ne le sont jamais. Ils pourraient héberger de l’eau, sous forme de glace. Ces zones, il y en a plus vers le pôle Sud que vers le pôle Nord.
En résumé, les objectifs de mission de Chandrayaan-3 sont les suivants :
- Démontrer l’atterrissage sûr et doux sur la surface lunaire
- Démontrer le roulage d’un rover sur la lune
- Mener des expériences scientifiques in situ.
On suivra évidemment sur le blog et les réseaux sociaux la suite de la mission !
Source principale : ISRO